"Vous êtes nouveaux vous aussi?"
ça fait plaisir de voir qu'on est pas seul, et je souris plus encore. Je commençais à me sentir désemparée dans cette ville où les habitants se connaissent tous...

Je sonde les yeux malins de mon compagnon, puis hoche la tête en me relevant:
"Tu as bu? Je ne te laisserai pas conduire si c'est le cas!"
Je voulais rentrer chez moi en un morceau, si possible...

Je vais chercher mes affaires et fait un geste aux collègue avant de rejoindre la porte, suivie par l'homme de ma soirée... ou plus possiblement.

"Je suis d'accord avec toi, je me sens désespérément seul depuis que j'habite ici."

Arcadia n'est pas New-York et je n'arrive pas à m'y faire, sans doute faudrait-il que l'on fasse machine arrière.

"J'ai bu, mais jamais d'alcool. Je préfère me garder des désinhibiteurs, j'en ai déjà bien assez par ailleurs."

La belle va chercher ses affaires, confirmant son accord. Une fois au dehors, je pointe ma clé vers ma voiture qui me répond joyeusement en faisant clignoter ses phares.
J'ouvre la portière passagère

"Alors, où allons-nous ?"

Au moins j'ai mon frère
Pour peu, j'en aurai un rire amer
Je prend conscience qu'il faudrait certainement que j'en prenne plus soin.
Mais je verrai ça demain

J'entre à la suite de ma belle et me voilà chez elle.
L'appartement et celui d'une célibataire un peu maniaque sur le rangement et le ménage.
Je regarde Preeti fiévreusement.

"Tu cherches quoi réellement, en m'amenant ici ?"

C'est bien la première fois que je pose la question à une femme

"Je te rassure, toutes les réponses me vont.
Ta compagnie est terriblement addictive."

Le regard échauffé me fait presque regretter: qu'est ce que je lui veux? Je rougis.

"Je pensais juste à continuer notre discussion ici, mais j'ai peut être été trop zélée... Si tu veux partir, je ne t'en voudrais pas...J'aimais juste ta compagnie."

Je ne comprend pas: il veux rester, il veux partir? Je lance ma veste sur le canapé et sort de quoi se désaltérer (ou m'occuper les mains, je commence à stresser).

Mais il ne part pas, et je lui demande:

"Tu aimes la coco? Je me fais un pina colada. Sans alcool évidemment!"

Juste discuter ?
Étrangement, cela me convient tout à fait.
Je range regard ténébreux, voix charmeuse et manières tactiles au fond des poches.

"Je veux partir pour rien au monde ! Je t'ai dit que j'acceptais toutes les réponses. Je voulais juste être certain..." ... De ne pas être là que pour te servir de pantin, même si ç'aurait été avec plaisir.

Son geste me fait dire que je m'étais trompé. Visiblement, elle n'est pas si adepte du rangement que ça.

"Ce sera avec plaisir de boire à nouveau en ta compagnie. Alors, depuis quand es-tu arrivé ici ?"

La phrase me rend curieuse:

"certain de quoi?"

Un sentiment se réveille doucement. Un sentiment que je n'avais pas ressenti...depuis des années.

Je souris et m'active à la préparation, tandis que j'essaye de répondre à ses questions:

"Je suis arrivée en Novembre. Et vous? D'ailleurs, pourquoi avez vous déménagés? Et d'où, si tu me permet?"

Le breuvage terminé, je le dépose dans des verres assortis, avant de nous mettre sur la table et de me poser sur un des poufs en face du canapé.

Je regarde attentivement l'homme que j'ai ici amené...

"Tu es consciente qu'en amenant un homme chez toi, il peut s'attendre à ce que tu ais envie de lui ? Voilà, je voulais juste m'assurer que c'était bien pas le cas. Et très franchement, cela me va."

Preeti est trop bien pour moi. Si je reste cette nuit, je sais que je finirai par la décevoir.

"Je suis arrivé en novembre aussi... J'ai déménagé à cause de mon jumeau qui cherche les causes d'un accident de voiture qui nous est arrivé... Nous venons de New-York."

Elle me détaille et je me sens bien.

"Et si c'était le cas, il se passerait quoi?"

Mon esprit se rend compte de mes paroles après qu'elles ait dépassées la barrière de mes lèvres, et je baisse les yeux instantanément en balbutiant:

"Ce n'est pas... Ce n'est qu'une hypothèse évidemment!"

Je le regarde surprise et manque de faire tomber mon verre plein sur mes genoux:

"Vous aussi ?! C'est fou, je viens de New York ! Un accident de voiture alors? Et...il va bien? ça s'est passé il y a combien de temps? Ne répond pas si cela te gène, je comprendrais!"

Je réfléchis sérieusement à la question.

"Je suppose que je serai flatté... Mais j'avais vraiment envie de te connaitre et te parler. Peut-être plus tard dans la soirée ?"

Pour ma part, je voulais passer à autre chose pour notre discussion mais elle renchérit avec énormément de question. J'ai presque envie de me protéger avec les mains d'un tel assaut.

"Il va bien, nous avons passé quelques jours à l'hôpital et nous avons eu quelques ... séquelles. C'était il y a deux ans environs."

Je m'approche d'elle

"En quoi ça t'intéresse, tout à coup ?"

Je me met à rire nerveusement:

"Je préfère discuter oui... Je ne fais pas ce genre de choses...comme ça. Et je suis ravie que tu ais l'intention de parler avec moi encore!"

Je sens son embarras et prend mon élan pour m'excuser lorsqu'il répond. Je prend un temps, et, d'une vois blanche, articule:

"à New York, il y a deux ans? En septembre? Il y avait de l'orage?"

Je murmure alors:
"Ma fille, mon accident, le meurtre... c'était il y a deux ans, à New York..."

Coïncidence ou Karma funeste? Aucune réponse immédiate...

"Je préfère aussi."

Ses questions refont surface et me voilà obligé de me souvenir du jour de ma naissance.

"Très franchement, Preeti, nous avons eut des amnésies passagères, je vais essayer de te répondre au mieux ..."

Mais bizarrement, ses affirmations sont toutes exactes. J'acquiesce silencieusement à chacune d'entre elles.

"Ta fille et ton mari ? Une nuit d'orage ... Ce serait pas à Saten Island ? Dans un lotissement avec de belles et grandes maisons ? C'est là que nous étions. Je ne m'en souviens absolument pas mais c'est ce que les pompiers ont déclarés. Ça va aller ?"

Je pâlit et dépose mon verre pour que le tremblement de mes doigt ne le renverse pas.

J'ai un témoin potentiel.

"Tu m'excuses une seconde, je vais me rafraîchir..."

Je traverse le salon et passe dans la salle de bain, m'asperge le visage plusieurs fois avant de me sentir de nouveau prête à discuter.
Quand je reviens je fais un petit sourire à Sheitan et, réfrénant la vague de questions qui me submerge, je me réinstalle, silencieuse.

Finalement je murmure:

"Si des souvenirs te reviennent... Tu pourrais me contacter s'il te plaît? C'est très important."

Visiblement la dame commence à ne pas être bien
Je me lève mais elle disparaît dans la salle de bain

Quand elle me revient, je ne sais pas vraiment quoi penser et elle ne répond pas à mes propres questions. A la place, elle me demande de la recontacter si ma mémoire revient.

Sans même savoir pourquoi je fais ça ni d'où ça vient
Je prend Preeti dans mes bras et la serre contre moi

"Oui, je promets de t'appeler si la mémoire me revient"

Je murmure dans son oreille. Ce contact me fait beaucoup de bien.

Je reviens reprendre la conversation et Sheitan me prend dans ses bras. Le contact est surprenant, mais me permet d'extérioriser ce que j'ai amassé pendant toutes ses années, et je lui rend son étreinte, les larmes sortant d'elle même.

"Je suis heureuse d'avoir fait ta connaissance ... Et je suis désolée de ne pas être la compagnie la plus drôle à cet instant.. Mais je vais essayer de me rattraper, promis!"

Je redresse la tête et louche un instant sur ses lèvres avant de détourner le regard vers ses jolis yeux, ne sachant comment reprendre la conversation...

"T'inquiètes, belette. Y a pas d'soucis ! T'es la compagnie la plus charmante que j'avais jamais eue. Je suis désolé de t'avoir prise dans mes bras mais il me semblait que tu en avais besoin"

Pour autant, je ne lâche pas totalement mon étreinte. Quand elle s'éloigne de moi, ses mains sont laissées sur mes avants-bras. Je fais un effort pour ne pas les regarder et qu'elle les laisse ainsi.

Je lui souris

"Tu es de New-York mais pas depuis longtemps si j'en juge de ton accent."

La remarque me redonne le sourire, et je lance:

"La plus charmante? Tu es un gros flatteur, tu le sais?"

L'instant s'éternise, et plus je reste en sa proximité, moins j'ai l'envie de m'en détacher. Alors pour ne pas y prendre goût je lâche et me rassois dans mon siège, un poids en moins sur le cœur: celui d'être seule, autant dans mon drame que dans ma vie.

"J'ai vécu à New York deux ans, mais je suis née en Inde! Et vous, vous êtes New Yorkais?"

Je bois une gorgée, plus sereine.

"Flatteur mais honnête. Sache-le !"

J'espère secrètement un baiser passionné à cet instant mais elle s'arrache à mes bras. Ce n'est que partie remise et cela me rend d'autant plus accroc. Oui, fais toi désirer ...

"Tu voulais parler d'un sujet joyeux ? Alors à mon tour. J'ai vécu à New-York dans un orphelinat pendant mon adolescence et jusqu'à il y a deux ans, mais je suis né en Yougoslavie, pendant la guerre civile."

Kyan ne m'en veut pas d'utiliser ton histoire, après tout, nous sommes jumeaux ?

"Tu as quelqu'un en ce moment ?"

"Allons, je suis sûre que tu en a fait tomber, des femmes plus belles et plus intéressantes que moi!"

Je m'arrête, surprise. Si je m'attendais à un tableau si sombre...

"Je suis désolée. J'imagine que ta vie n'a pas dû être la plus simple non plus... "

Je finis mon verre avant de répondre:

"Et non! Je suis une veuve obéissante et sage, J'ai suivi toutes les règles du veuvage à la lettre. Je suis seule et ne voit personne. ça ne doit pas être ton cas j'imagine!"

Avec ce charisme, cette élégance...Impossible que...

"Plus ... Que toi ? Je ne sais pas, je n'en ai jamais rencontré"

Son air devient sérieux à mon histoire

"On va dire que l'accident m'a fait renaître, d'une certaine façon."

Alors elle n'a connu que son mari ? Je suis abasourdi. Rien depuis ... Deux ans ?

"Et tu n'as pas envie de profiter de la vie, ou tu n'en as peut-être pas le droit ?"

La question m'est retournée, habitué, je souris

"Non, je côtoie pas mal de monde mais jamais rien de sérieux. Les personnes se lassent facilement et je m'enflamme toujours trop"

Son air surpris me fait rigoler:
"Quoi? C'est si rare d'être célibataire chez les femmes?"

Je réfléchis un instant à la question, et finalement je répond:
"Je me suis mariée avant de pouvoir flirter, alors je ne sais pas comment m'y prendre. Et puis... Je suis peut être trop vieille et trop veuve pour ces choses!"

Je le regarde plus attentivement, le regard accroché:
"Pourquoi elles se lasseraient? Et qu'est ce que tu veux dire par je m'enflamme toujours trop?"

Ces détails piquaient ma curiosité, même si au fond, ce n'était pas mes affaires...

"Rare ? Non, mais te savoir seule m'attriste. T'as certainement besoin de personne mais quelqu'un pourrait avoir besoin de toi."

Quand elle me dit ne pas être très doué pour les choses de la drague, je hausse mes sourcils avant d'éclater de rire.

"Non, Preeti, tu es très bien comme il faut. C'est une décision entre toi et toi seule."

La dernière question me rend sérieux d'un coup.

"Parce que je n'ai rien d'autre à offrir qu'une bonne soirée... Et je m'emballe dès que quelqu'un pose ses yeux sur moi."

"Et qui pourrait bien avoir besoin de moi, avec tous mes problèmes?"
Après tout, je n'avais montré qu'une facette de l'iceberg...

L'homme ris, et je fronce le nez:
"Certes. Mais pourquoi tu ris alors?"

La je fait carrément les yeux ronds, et m'écris en me levant:
"Tu te mésestime: tu as une conversation très agréable, et ça peut garder quelqu'un toute une vie je pense...Si tu en a le cœur. Et la je te regarde et tu ne t'emballes pas, alors je crois que tu devrais avoir plus confiance en tes capacités!"

"J'sais pas, quelqu'un qui éprouve de l'affection..."

Visiblement, elle a mal pris ce que j'ai voulu exprimer. Je me reprend

"Si tu es vieille, alors je suis un fossile... Tu n'es pas simplement belle, tu as énormément de charme ! Tu peux avoir qui tu veux en claquant des doigts."

Par la suite, j'me fais carrément engueuler mais ses mots sont sincères sous couverts de reproches. Je suis presque obligé de baisser les yeux.

"Je te remercie ... Je crois ... Mais tu ne me laisse pas indifférent, Preeti. Tu crois vraiment que je ne m'emballe pas ?"

Vraiment très charmant... Je baisse les yeux et murmure avec un sourire:
"Même en claquant dix fois mes doigts, je crois que ça ne changerait pas grand chose. Et puis les meilleurs relations ne se construisent pas à ça, enfin je l'espère... Et puis qu'en sais-je?"

Je le regard plus intensément, essayant de discerner de l'humour...Mais je ne vois que de l'honnêteté. Je dis goguenarde:
"Tu n'as pas l'air d'être emballé plus qu'un autre. Soit tu as un contrôle inouïs, soit tu mens!"

Quelle est cette audace qui me prend?