Comme tout être humain, Emi connaissait la faveur des rêves hantant les heures de sommeil. Rien de mystique dans ce processus purement biologique. Pourtant, il était rare, extrêmement rare, qu'elle se souvienne de leurs pendants agréables. Au contraire, cette enfant de personne avait plutôt tendance à se rappeler des cauchemars capables de l'extirper des songes avec la violence caractéristique des mauvaises expériences. C'est pourquoi, alors qu'elle plongeait entre les bras de Morphée cette nuit-là, elle n'en attendait rien de plus que d'ordinaire - s'endormir, se réveiller, aller travailler, revenir et probablement recommencer.

La douce musique qui s'était frayée un chemin jusqu'à ses tympans fut certainement ce qui l'interpela en premier lieu. Puis, la sensation délicieusement piquante des épis de blé sous le tissu fin de ses vêtements acheva de lui faire ouvrir les yeux. Ses obsidiennes découvrirent le ciel d'un azur parfait, paupières clignant en plusieurs battements nébuleux. Encore mal revenue à sa conscience, il lui fallut de longues secondes pour réaliser qu'elle ne se trouvait pas dans son lit - ou plutôt, dans celui gracieusement prêté par son Chevalier -, ni dans un autre qu'elle aurait pu emprunter pour une nuit libidineuse. La fille de joie se redressa sur les coudes, captant les rires gais au loin et la brise soulevant ses mèches brunes. Puis, tournant lentement la tête, elle découvrit enfin qu'elle n'était pas seule. Une autre silhouette était à ses côtés, l'air tout aussi perplexe qu'elle. Une chose était certaine dans tout ce mystère éveillé, qui que soit la personne qui l'accompagnait dans ce rêve étrange, elle ne la connaissait pas. « Qui es-tu ? » demanda-t-elle dans un filet de voix étonnamment mal assuré. Elle qui, d'habitude, ne se formalisait guère des surprises, se sentait tout à coup bien vulnérable, sans souvenirs ni réponses.