everybody scream in this town of Halloween.

@KONSTANTIN EZEKIELOVITCH ⊹ @ALYONA DEMENTIEVA ⊹ @SALOME REISS

www

Plus elle se regardait dans le miroir, plus Salome avait la sensation d’avoir bien fait en demandant de son temps à Susan. C’était le genre de chose qu’elle ne savait pas faire ; le genre de chose qui jusqu’alors, la dépassait complètement, et qui la titillait depuis son récent passage à un stade de conscience supérieur : la louve avait envie de plaire et de se sentir femme.

« T’avais raison, c’est bien fait ». Le maquillage avait rendu son teint blafard, exagéré ses traits, mais elle restait jolie. Le mascara faisait ressortir ses grands yeux, le tout lui donnant cet air lugubre et mystérieux qui siérait à son personnage.  « J’ressemble pas à ces pintades sur nos affiches ». Elle parlait de ces dames aux pratiques discutables que les gens venaient voir dans les salles de leur cinéma particulier. « Merci ! T’es sûre que tu veux pas venir ? ». Et, gratifiant sa collègue d’un coup de coude plus brusque qu’amical, Salome empoigna ses affaires avant de quitter les toilettes des employés.

Elle regagna son comptoir à l’accueil et s’avachit - comme de coutume - sur le fauteuil à roulettes. Un tour, puis deux, puis trois… Elle stoppa son manège pour ramasser une guirlande en papier tombée par terre. De vieilles citrouilles décolorées regardaient dans le vide, certaines pleines de poussière, pourtant on lui avait ordonné de l’accrocher au mur. Alors la gosse ramassa les punaises échouées sur le sol, et décida de raccrocher le tout avec du scotch épais. Quelle horreur, songea-t-elle en picorant dans le panier de friandises. Le rendu était dégueulasse, mais au moins ça ne tomberait plus.


« Ah, beh enfin ! J’ai cru que t’allais me poser un lapin ». En entendant le tintement de la cloche, elle tourna brusquement la tête vers l’entrée de la pièce. Kostia - qu’elle attendait impatiemment depuis la fin de sa journée - venait tout juste d’arriver. « Allez viens, dépêche-toi ! On va arriver les derniers ! ». Sans même lui demander s’il allait bien, elle s’élança à sa rencontre pour lui attraper le bras et le traîner dans la remise. Un endroit poussiéreux et très peu visité où elle avait stocké leurs déguisements en attendant la Grande Soirée.

« Ferme les yeux. Tu vas a-do-rer », pouffa-t-elle, tout en ouvrant la porte et en pressant l’interrupteur. Les néons grésillants éclairèrent faiblement les rangées d’étagères et les cartons empilés sur le sol. « TADAAAAAA », s’exclama-t-elle, en désignant du doigt un amas de tissus sphérique, aux couleurs d’un coucher de soleil. Elle poussa le slave en avant et s’assura de fermer derrière eux. « Je mets ma main à couper que tu vas les tétaniser. Un véritable film d’épouvante à toi tout seul ! » Guettant sa réaction, elle frappa doucement son épaule comme pour l’encourager. « Allez ! Je mets le mien et je t’aiderais à l’enfiler après, si t’as besoin ».

La notion de pudeur ne changeait pas, chez Salome. Son père n’était plus là pour lui faire la morale et elle se moquait bien qu’on la voit à poil ou à poils, ou encore habillée. Son cerveau n’avait jamais imprimé la différence. Elle ôta donc ses vêtements sans l’ombre d’une hésitation, sans même chercher à se dissimuler. En l’espace d’une minute, elle avait enfilé sa robe et fixait sur son crâne un casque aux cornes redressées. Elle ajusta son col, agrippa un bâton de bois sculpté et se tourna finalement vers Kostia, le visage éclairé : « Pas mal, hein ? » Une Maléfique revisitée, histoire de la changer un peu des costumes de Star-Trek qu'elle avait revêtus toute son enfance.  « J’ai hésité avec les jumelles de Shining, mais Susan pouvait pas venir… et toi, tu seras juste fabuleux dans cette bouteille d’orangina ! »