Living in a thunderstorm

Tu n’aimes pas te retrouver enfermée, et Ma’at te fait bien comprendre que ton choix (si seulement c’en était un) ne lui plaisait guère. Elle, ce qu’elle aime, c’est vivre, contrôler le karma dont beaucoup de divinités sont effrayées. Elle pouvait décider qui devait vivre, qui devait mourir, quand la balance se retrouvait briser. Néanmoins, en tant que mortelle, bien que réincarnation, tu ne possèdes ni sa force d’âme, ni ses pouvoirs débordants. Alors, quand l’ordre est tombé de te joindre à un groupe, à une mafia, tu as fini par accepter, pieds et mains liées. Dans le fond, tu restes une enfant un peu trop perdue pour vivre seule à Arcadia. Tu as besoin qu’on te protège tant que ta force ne se dévoile pas. Alors, tu trépignes, tu tentes de contrôler l’influence, grandissante, de celle qui prendra ta vie ou ton âme. Voire les deux. Quel bordel c’est. Et encore, tu n’en parles à personne, de la sensation étouffante de Ma’at, mais aussi de ton passé. Tu as beau être capable de tirer la vérité des autres, sans qu’ils ne puissent combattre ce don, tu es toujours incapable de leur faire confiance depuis la mort de ta mère…

C’est dans cet état, les pensées embrouillées par un cerveau en ébullition permanente, que tu quittes Wild Island, traversant en bateau le pan d’eau qui te sépare de la terre ferme. Tu n’en reviens pas que le pont ait pu exploser au milieu d’une nuit sans lune, sans personne pour voir qui avait fait une telle action. Attaque éclair, et les rumeurs courent toujours, même plusieurs mois après l’attentat. Personne ne sait réellement qui, ni pourquoi. Peut-être est-ce pour assouvir la dominance du Royaume sur les docks… Enfin, tu n’en sais rien. Les histoires de mafias, ça ne te parle pas. Tu en fais partie non pas par choix, mais par obligation, et tu te doutes que tu vas faire les quatre cents coups avec le gars qui t’a embarquée là-dedans. Oh non, tu ne vas pas le lâcher… Il faut bien que le karma s’occupe de lui aussi, que tu ne sois pas la seule à te retrouver dans une situation qui ne te convient pas.

Tu pestes, alors que tu t’enfonces dans les rues d’Arcadia. Une part de toi est tendue, l’autre toujours aussi suicidaire (merci Ma’at de n’avoir aucune idée de la fragilité de l’humaine que tu occupes) alors, tu ne fais pas attention où tu mets les pieds. Angélique t’avait pourtant bien signalé que certains coins se trouvaient hors limite, emplis de personnes dont la méchanceté était ancrée dans l’âme. Toi, tu n’y fais juste pas attention, alors que tes yeux peuvent les voir bien mieux que les autres. Tu sens la noirceur, tu sens les esprits malsains. Ils sont tous sur le point de périr, sur le point de tuer. Et dans cette ruelle, tu n’as besoin d’aucun don pour te rendre compte de l’erreur que tu fais. Mais tu t’y plonges, poussée par les sensations et l’influence d’une divinité.

Tu la hais.

Tu la hais car, une fois de plus, au détour d’une ruelle, tu tombes sur un échange que tu ne devrais jamais voir. La drogue passe de main en main, à la vue de tous. La seule différence aujourd’hui étant que tu n’es pas typée comme faisant partie des environs. Les peaux pâles ne dancent pas si bien avec tes chairs ambrées. Les iris te détaillent, les sourires apparaissent ou disparaissent. Tu n’as pas besoin de lire dans leurs esprits pour savoir que la fuite, ici et maintenant, est ta seule optique si tu veux survivre en un seul morceau. Alors, tu fais demi-tour, et tu cours. Sans un regard derrière toi. Sans jamais t’arrêter, même quand les rues deviennent plus lumineuses. Parce que tu restes en territoire ennemi, à n’en pas douter.

Et qu’il faut juste fuir.