Life is the muse which perfectly rhymes

Cette gueule.
Je ne pensais sincèrement pas que j'allais réussir à m'endormir mais je ne me souvenais de rien entre le moment où j'avais quitté Ieremias au club et le moment où la porte avait sonné. Quel sale connard. Il savait pertinemment que je ne devais pas être plus frais que lui et il avait pourtant décidé de violer ma sonnette comme j'allais lui violer le... non. Stop.
La tête entre mes mains, à genoux sur le carrelage froid des toilettes, j'essayais de trouver la force de me lever mais la gravité, Newton l'avait prédit -ou pas, c'était peut-être pas un alcoolique- elle ne me laissait pas vraiment le temps de me mettre sur mes jambes. Après trois tentatives infructueuses et dix millions de coups de sonnette -mais peut-être était-ce uniquement dans ma tête- je finis par hurler. « Ta gueule putain ! Lâche la sonnette ! » Les voisins avaient du m'entendre gueuler en français, ma langue préférée par son cheptel d'insultes dont je l'inondais ensuite ; mais ils devaient aussi entendre la sonnerie. Les murs étaient pas ce qu'il y a de plus épais ici, clairement pas.
A la quatrième tentative, je parvins à me mettre debout me tenant au lavabo pour y boire un maximum d'eau. Le goût dans ma bouche était tellement horrible que j'avais du boire l'eau des toilettes à un moment, je n'avais pas d'autre explication.
De longue minutes et une aspirine plus tard, j'arrivais vers la porte en caleçon, un t-shirt propre dans la main et les cheveux en bataille. Vu l'état de la cuisine, je ne m'étais pas calmé après le club, ce qui expliquait ma présence près des toilettes. Je me passais une main sur le visage, comme si me frotter les yeux allait effacer les cernes. Je respirais un bon coup, la main sur la poignée et j'étais près à l’affronter.
« Pitié petite aspirine, fais effet tout de suite » marmonnais-je dans ma barbe avant d'ouvrir brutalement la porte.

Il me fallut une seconde, ou deux.. bon allez, on va dire une minute, pour assimiler ce que j'avais sous les yeux. Je fermais les yeux et inspirait profondément avant de me décaler pour le laisser passer, le guidant dans la pièce principal faisant office de salon/cuisine/salle à manger. Je le laissais en plan au milieu de la pièce pour aller me préparer un café, me servant de cette excuse pour ranger les cadavres de bouteille en notant mentalement que je n'étais pas si mal pour la quantité avalée mais qu'il valait mieux que je m'épargne pareil mélange la prochaine fois.
« Je te sers quelque chose à boire ? » lui demandais-je. « Thé, café, bière, aspirine ? » Il y avait l’embarras du choix mais s'il s'attendait à des pancakes, il allait être déçu. J'ouvris le frigo pour y chercher du lait et fis face à une métaphore de ma vie. Plus vide, tu meurs et je savais que mes placards n'étaient pas mieux. J'attrapais une petite boîte et une brique au trois-quart vide avant de me tourner vers mon invité. « J'ai du houmous si tu as faim, ça ira parfaitement avec du café. »
Est-ce que j'étais sérieux ? A moitié. C'était ça ou rien. Est-ce qu'ils livrent le petit déjeuner ? Je crois que c'était l'occasion de le découvrir...
« Installes-toi, ça risque de prendre du temps. », l'invitais-je en désignant les chaises haute du comptoir. Je récupérais le t-shirt que j'avais abandonné dessus pour le passer sur moi avant d'attraper mon portable, interrogeant internet sur un potentiel livreur de pancake dans le coin.

Life is the muse which perfectly rhymes

Le sale bâtard.
Il s'amusait visiblement de la situation et je ruminais ma vengeance, m'imaginant lui rendre la pareille très très prochainement. Mais au fond de moi, j'aime ça, non ? Ne dit-on pas que la haine n'est qu'un trait de la jalousie qu'on porte aux autres et que la jalousie, l'amour, tout ça, bref... beaucoup trop tôt pour philosopher.

J'essayais désespérément de trouver quelque chose à manger dans cet appartement, sans succès. Enfin si, j'avais du houmous mais.. rien de proprement comestible sur lequel l'étaler. J'ai bien dit proprement comestible, ce qui me vient à l'esprit n'a rien de propre, croyez moi. Je posais quand même le pot de houmous sur la table basse avec une cuillère. Ce n'est pas comme ça que ça se mange en Grèce ? Zut alors.. ça pourra toujours servir plus tard.
Les yeux à deux centimètres de mon écran, j'essayais de trouver un livreur de pancakes tout en essayant, je dis bien en essayant, d'ignorer l'autre con. J'avais l'impression d'avoir ouvert ma porte à un chat, un chat terriblement sexy mais un chat quand même. Allait-il faire ses ongles sur mon dos si... non.. trop tôt pour ma gueule de bois.

Je mettais l'eau à chauffer d'un air distrait, rageant de trouver si peu de résultat quand quelque chose tomba dans un bruit fracassant, foudroyant le peu de neurones qui me restaient. « Putain mais arrêtes de remuer, tu me files la nausée ! » articulais-je entre les dents, pinçant l'arrête de mon nez. « Une pizza ça te va ? » ajoutais-je, portant le téléphone à mon oreille sans attendre sa réponse. Genre ils livraient des pizzas si tôt le matin mais par contre pour trouver des pancakes, fallait se lever la veille. Bordel à queue. Une pizza me convenait en tout cas, le genre pizza froide avec beaucoup de fromage, des patates et du lard, beaucoup de lard bien gras.

Avant que le chat ne décide de refaire toute ma déco, je m'installais à ses côtés sur le canapé, plus pour éviter une chute épique à cause des vertiges que pour me coller à lui mais autant joindre l'utile à l'agréable, vous n'êtes pas d'accord ?
Alors je m'installais vraiment près de lui, vraiment très près, le cueillant de mon haleine putride.« Le thé est prêt dans une seconde mon chaton, je suis en train de chauffer l'eau. » et pas que.. quoique.. mon haleine était vraiment à faire tomber des mouches pour le coup mais il me fallait bien le tenir en haleine (haha jeu de mot) pour qu'il arrête de gesticuler le temps que son thé soit prêt. « Thé noir, thé vert, aromatisé ? Qu'est-ce que tu préfères ? » En vrai, je n'avais que du earl grey mais bon, je pouvais toujours tremper ma bite dedans pour l'aromatiser s'il y tenait.

Life is the muse which perfectly rhymes

J'hésite.
Non pas que j'ai envie d'obtempérer ou que ce qui semble être une invitation m'attire à ce point, surtout si tôt dans la journée mais j'hésite vraiment, posé là sur le canapé, ma cuisse collée à la sienne, sa chaleur se mêlant à la mienne.
Et puis merde, trop tôt pour ses conneries.
Non, j'hésite parce qu'il est trop tôt pour être hors du lit et que contrairement à Obélix, c'est pas dans la potion magique que je suis tombé mais dans un baril de liqueur. Plus alcoolisé tu meurs de froid sous un pont. Est-ce que ma semence à le goût du baba au rhum ? Seul Ieremias pourra en juger une fois que je l'aurais empalé pour accompagner le houmous dont il se plâtre le fond de la gorge. Miam !
Du coup, oui, j'hésite à me lever pour aller prendre une douche, surtout qu'elle est assez grande pour deux, cette douche, sauf que je suis ramené à mes moutons et que c'est plus efficace qu'une douche glacée pour calmer les ardeurs de l'étalon.
« Talk about what? » je marmonne en essayant de recouvrer mes souvenirs. J'ai l'air con, là comme ça, pas foutu de me souvenir de ce dont je voulais parler la veille. Tout ce qu'il me reste en mémoire précaféinée c'est des flashs et des sentiments et oh quels sentiments. C'est comme s'être fait enculer à sec sans l'actuelle douleur physique.
Je fouille ma mémoire pendant qu'il suce ma cuillère, cuillère que j'ai sucé de nombreuses fois avant lui. Oh fuck. Je n'ai clairement pas la tête à ça alors plutôt que de me trouer le cul à recouvrer une mémoire qui finira bien par me revenir une fois que j'aurais décuvé, je me redresse à genoux sur le canapé et me tenant d'une main au dossier, je me penche pour attraper la cuillère que je tiens éloignée de lui pour ensuite lui lécher le coin de la bouche où réside une trace de houmous avant de me lécher les lèvres d'un air satisfait.
J'avais au moins accompli quelque chose que j'avais rêvé toute la putain de soirée.

Je me lève alors du canapé et à mi-chemin en direction de la salle de bain, lui faisant toujours dos, j'ajoute. « Je vais prendre une douche. Feel free to enjoy your tea, whatever way you like it. » J'aime me doucher à l'eau chaude, très chaude. Je dis ça, je dis rien.

Life is the muse which perfectly rhymes

Je ne sais pas si je suis soulagé ou déçu.
Soulagé parce que j'ai enfin une minute pour moi à éliminer les effluves d'alcool qui émanent de moi suite à la soirée d'hier. Déçu parce que j'avais très envie qu'il vienne pourrir ce moment pour l'agrémenter de sa sauce (littéralement).
Cette douche s'apparentait à du luxe. L'eau brûlante marquant ma peau au niveau des épaules et du dos, descendant sur mon torse en laissant des traînées rouge s'estompent en atteignant la toison sous la forme légèrement dessinée de mes abdos. Encore quelques soirées comme ça et j'allais finir par ressembler à un beignet au lieu d'un fourage chocolat... Une petite reprise en main s'imposait.
N'importe quel malade de la muscu aurait fait quelques tractions sous la douche, à moins que ce ne soit que dans les films (ne me demandez pas mon genre de film, on ne les trouve pas sur Netflix). Pour la part, je m'attaque simplement sous la pluie de mon pommeau de douche à m'interroger sur la suite (et aussi à ruminer comme une adolescente en mal de bite mais c'est accessoire). Je savais pertinemment que Ieremias m'attendais et sans doute était la raison pour laquelle je m'attardais si longtemps (non sans déc bridget). Il fallut cependant que je me décide à quitter ma zone de confort temporaire avant que je ressemble à une crevette franchement cuite. Je quittais la salle de bain dans un nuage de vapeur, une serviette nouée autour de la taille et les cheveux dégoulinant sur mon torse. Il avait peut-être refusé de me rejoindre mais j'étais près à lui laisser une seconde chance (je croise le cul mais pas trop fort, ça risquerait de réduire mes chances).
Arrivé dans le salon, j'ai comme une absence en le voyant dans son plus simple appareil (version premium) allongé sur mon canapé (plus jamais je le lave). Une part de moi me crie que ça a été beaucoup trop facile. Une autre part de moi a envie d'immortaliser ce moment. Une dernière part, beaucoup moins patiente, a envie de le prendre là, tout de suite, sur le champ (et de repeindre ce canapé d'une teinte plus sombre). L'odeur de la pizza me saisit cependant, me ramenant à la raison (enfin presque). « Qu'est-ce que... » Dois-je être jaloux ? « Tu as ouvert au livreur comme ça ? » je demande, les yeux plissés et les sourcils froncés, un petit creux se formant entre eux. J'essaye de déterminer quelle est cette mauvaise impression que je ressens au fond de moi, comme si la réception que je ressentais plus tôt venait brutalement de l'emporter sur mon soulagement.

Life is the muse which perfectly rhymes

J'ai l'air d'un poisson. D'un poisson particulièrement perplexe et un petit peu en colère mais d'un poisson quand même.
Comment je sais à quoi ressemble un poisson en colère ? Eh bien à quelqu'un sourcils froncés qui ouvre et ferme la bouche sans rien dire, plusieurs fois de suite histoire d'avoir l'air vraiment con. Est-ce que je regrette mon manque de répartie ? Oui. Est-ce que je peux y faire quelque chose ? Là tout de suite, non.
S'il y a par contre quelque chose qui n'est pas en panne chez moi, c'est mon imagination et entre les fenêtres grandes ouvertes et le mec à poil sur mon canapé.. je me demande combien coûterait sa désinfection, à ce canapé.
Plus cher que 15 balles, assurément.

Ma douche aurait duré si longtemps ?
C'est que j'en avais bien besoin.
Je reste là, figé, à me geler les couilles avec ma serviette autour de la taille, les tétons dressés comme deux petits cônes de signalisation.
Bordel de merde. Le sang n'eut même pas eu le temps de me monter au cerveau ou accessoirement.. de descendre me réchauffer l'argenterie que je me retrouvais tout seul, tout nu, au milieu de mon salon.
Non mais la blague...
Je m'empressais d'aller fermer les fenêtres et de vérifier la pizza avant de lui courir après jusqu'à la salle de bain. « 15 balles ?! », je criais depuis la porte. « Il aurait pu te faire un prix si ce n'était te la faire gratis ! » Qu'est-ce que j'insinuais ? Je ne sais pas... un quelconque paiement en nature vu que je l'avais retrouvé en tenue d'Adam sur mon beau canapé.
Je ne savais pas d'un coup si je devais être déçu ou me sentir chanceux. Déçu qu'il ait pu faire ça sous mon toit ou chanceux parce que clairement.. ce n'était pas pour le temps que j'avais passé sous la douche alors s'il était aussi rapide en besogne..

Oh puis merde ! A quoi je pensais ?
J'ouvrais la porte en grand et me tenant nu, dans son entrebâillement, je lui disais d'un coup de menton. « Bon, on était pas supposé discuter ? T'es pas là pour mes pancakes que je sache. »
Oui, c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Mais my house, my rules.
S'il était là pour salir mon canapé et gâcher mon eau, il avait intérêt à ce que ce ne soit pas en vain.

« Qu'est-ce que tu foutais hier soir ? »