I was born to play this game


It's my destiny (It's my destiny)
I was born to play this game
So fear me or love me
It's all the same

- - - - - - - - - - -

Bianca Sforza & Aura Sciarra

L’ordre de mission entre les doigts, elle laissa s’échapper un long soupir. Aura n’avait jamais été du genre à désobéir aux demandes faites par ses supérieurs, néanmoins, depuis la mort d’Augustin et son aménagement avec Clemens, les histoires de mafias commençaient à l’agacer. L’italienne se savait à une place délicate. En tant que femme au sein de la Camorra, même si son utilité était acquise, ses capacités étaient sans cesse remises en question, tout comme sa position. Qui accepterait de vivre, de servir une cause qui la dénigrait sans cesse, qui passerait sa place à un homme dès que l’occasion se présenterait ? Personne. Et surtout pas Aura. On ne l’avait éduquée comme une fille de mafia, capable d’en diriger une, pour qu’elle se laisse marcher sur les pieds de la sorte. Certes, de nombreuses années elle avait vécu dans l’ombre, comme simple homme de main, tueuse de sang-froid. En soi, la lumière, sa place, cela l’importait peu. Juste la misogynie ambiante la faisait doucement sourire. Peu seraient capables de s’occuper de son rôle. Observer, réfléchir, accepter d’être haïe, regardée de travers… L’espionnage, les meurtres, se teindre les mains de sang, jouer d’une langue autre, plonger dans les tréfonds de la ville… Elle aimait porter un masque et n’avoir aucune existence réelle.

Le papier disparut dans les flammes de la cheminée, seul moyen de se chauffer depuis que l’électricité manquait dans la ville. Elle espérait que tout revienne rapidement mais en attendant, la maison avait revêtu ses plus belles bougies, le tout éclairant d’une lumière tamisée l’intérieur. L’endroit apparaissait encore plus comme une maison gothique, avec ces quelques ajouts. Le visage retrouva alors sa sévérité, loin des sourires et de la douceur dont il se paraît face à Clemens. Le travail avant tout, et la visite qu’elle devait rendre aujourd’hui était tout sauf courtoise. Oh, elle ne devait pas non plus effrayer son interlocutrice, de toute façon, l’avocate ne faisait physiquement pas peur. Non, elle devait s’assurer que la jeune femme, Bianca était capable de reprendre le rôle qu’on lui destinait. Son père avait été un membre de la Camorra pendant des années, Aura l’avait même côtoyée à certains moments, les rares fois où elle se fournissait en armes dans la mafia. Quelques mots échangés, même si son implication était un secret et que même son nom était gardé sous silence. Maintenant que le paternel était mort, c’était sur l’enfant que la responsabilité retombée. Si elle en avait les épaules. Et autant dire qu’Aura partait, comme à son habitude, avec un apriori négatif. Sans même connaître la gamine.

Un petit poignard fut glissé autour de sa cheville, caché sous son bas de pantalon. L’avantage d’être aussi fine, et de pouvoir porter des vêtements un peu plus larges sans éveiller les soupçons. Avec les militaires patrouillant dans les rues, mieux valait ne pas se surcharger, d’autant plus que l’italienne avait la chance d’avoir des doigts, capables de tout transformer sur sa demande. Même si les cicatrices se dessinaient sur ses mains à force d’utilisation.

Le soleil commençait doucement à se coucher, éclairant d’une douce lumière la ville d’Arcadia. Tout paraissait si paisible pourtant, elle pouvait sentir le serpent se glisser dans les ruelles, tapis dans les ombres. Khaos allait à nouveau attaquer. Les militaires et les humains deviendraient bientôt leurs ennemis aussi. Le piège se refermait au fur et à mesure des secondes, sifflant, et les issues diminuaient. Tant qu’elle pouvait préparer sa fuite. Elle rentrerait certainement après le couvre-feu, mais étant maîtresse des ombres, la situation ne la dérangeait guère. Seul un autre pouvoir pourrait briser son emprise sur la nuit, ce qui réduisait fortement le nombre de personnes capables de la découvrir.

Une dernière caresse pour Salem avant de quitter la maison, et de prendre la direction du manoir Sforza. Une dizaine de minutes, où seuls ses talons brisaient le silence qui s’était installé dans les rues. Etrange que tous trouvent refuge chez eux… Au moins, Aura pouvait se déplacer tranquillement, quand le soleil ne la brûlait plus de ses rayons.

Elle ouvrit le portail, avança jusqu’à l’imposante porte d’entrée. Ca lui rappelait presque la demeure de son arrière-grand-père en Italie. Le paysage et la taille différaient certes, mais la richesse qui s’en dégageait était bien réelle. Deux coups secs furent portés et sa voix glaciale suivit : « Je dois voir Mademoiselle Sforza. » Sa venue avait-elle été annoncée ? Au vu de la Camorra, ils auraient très bien pu lui faire envoyer un message. En tout cas, l’italien avait roulé sous sa langue, et elle n’attendait plus que d’être conviée à entrer. Forcer la porte ne serait pas une première bonne impression.