some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Tracé à l’encre noire, le message indiquait une adresse, une date ainsi qu’une heure précise, juste en dessous du nom du parc. Elle l’avait griffonné sur la quatrième page, de sorte qu’il l’y trouve à temps, dans le dernier carnet glissé dans ses affaires. Un rendez-vous surprise, proposé à la hâte, en témoignaient les lignes expéditives de son écriture fine. Elle l’avait refermé si vite que le noir s’était imprégné sur la page voisine, bavure qu’elle n’avait jamais soupçonné.

Depuis, tout avait basculé. Le temps passait trop vite, et trop lentement à la fois.
Les premiers jours impatiente, curieuse de voir si les retrouvailles auraient lieu, elle les redoutait à présent. Annuler l’entrevue l’avait tentée de nombreuses fois, mais elle s’était finalement ravisée, consciente qu’il n’y avait pas de meilleure solution que celle de tout lui dire, de préférence au plus tôt. C’était bien la seule chose dont elle semblait si sûre ; ses certitudes et son aplomb habituels avaient fondu comme la neige au soleil depuis qu’elle avait appris la nouvelle. Elle attendait un enfant.

Elle peinait encore à réaliser, à croire qu’elle n’était pas devenue folle, et s’éveillait tous les matins avec l’angoisse au ventre, se demandant s’il ne s’agissait pas d’un rêve - ou bien de quelle façon le destin allait reprendre ses droits. Elle craignait bien évidemment la chute, l’instant où ses illusions prendraient fin, et ne s’était pas encore autorisée à céder au bonheur que l’heureux évènement devait lui procurer.

Incapable d’agir, elle s’était laissée porter par le temps, et s’en remettait au hasard ; emmitouflée dans un manteau épais, elle se dirigeait vers le parc, le regard alerté par chaque mouvement, et le coeur battant la chamade. Une partie d’elle espérait secrètement que l’italien ne se présente jamais au rendez-vous. Qu’il n’ait pas trouvé le message ; qu’il ait préféré s’abstenir ou bien tout simplement qu’il ait eu mieux à faire que de la retrouver à cet instant.  La ville étant paralysée par le blackout, l’emploi du temps de tous les habitants s’en trouvait bousculé. Ca n’aurait rien eu d’étonnant.

Arrivée à destination, la Belladone franchit les grilles et suivit le chemin sous les arbres, regrettant le soleil et la chaleur des caraïbes. De fins flocons tombaient encore, et la brise hivernale la faisait frissonner par moments. Même l’anxiété qu’elle éprouvait à l’idée d’une confrontation ne parvenait pas à la réchauffer. Elle s’arrêta devant la patinoire et observa les gens pour se vider l’esprit. En attendant de voir si l’italien allait venir ou non, elle s’appuya d’une main sur la rambarde, l’autre machinalement posée sur l’arrondi encore discret que l’instinct voulait déjà protéger.
S’il avait le goût des surprises, celle-ci allait décidément faire son effet…

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Ils ne se sont pas revus pendant tout ce temps.
Des mois de silence, sans vraiment de nouvelles en attendant leur prochain rendez-vous. Méticuleusement pourtant il continuait à remplir son journal, ponctuant toujours ceux-ci d’un trait d’humour, de petite piques. Des rappels de leurs vacances dans les caraïbes allant de la fois où il a fait une bombe dans l’eau si près d’elle au bord de la piscine qu’il l’a trempé jusqu’aux aux comme au temps qu’ils ont passés à deux, ou ils avaient enfin pu prendre le temps de se laisser aller.

Pourtant, les choses n’avaient rien donner à leur retour comme si à chaque fois, le professionnalisme refaisait surface peu importe à quel point il arrivait à l’ébranler, sur l’instant. C’était ainsi, qu’il avait fini par se résigner tout en reprenant le cours de sa vie normale. Lui qui était peu impacté par ce black out géant, les appareils électriques fonctionnant toujours sous les ordres du dieux transformait ce temps d’horreur où les gens étaient vulnérable à une simple période silencieux, creuse. Moins de gens dans les rues, le bruit de la télé des voisins inexistants, y’avait que les mama qui hurlaient d’un immeuble à l’autre pour rappeler que l’on était à little italy. Même sans téléphone leurs affaires ne s'arrêtent jamais et les ragots circulaient toujours autant. C’est en profitant d’une soirée comme celle-ci ou, par simple précaution il avait préféré allumer une bougie plutôt que d’utiliser ses pouvoirs pour allumer la lumière du salon qu’il rédigeait son compte rendu de la journée en arrivant à quelques pages de la fin du livret. En la tournant, il découvre une tache noir traversant le papier, une note écrite sur la page d’après qu’il tourne, pour y trouver une adresse sur la quatrième de couverture, une date et une heure. Un rendez-vous fixé. Satisfait de la découverte il ne pouvait s’empêcher de sourire, sentiment de victoire qui s’empare de lui. Le rendez-vous est fixé pour dans quelques jours, il faudrait patienter.

Le jour J pourtant, le doute s’était installé. Voilà des mois qu’elle avait dû glisser ça dans son carnet et avait surement oublié, il aurait l’air d’un con. Avec tout ce qu’il se passait en ce moment, avec le blackout et le retour à la vie comme au début du dix-neuvième siècle limite, elle avait surement mieux à faire que le retrouver dans un parc paumé en plein hiver. Pourtant il avait réussi à braver la neige, râlant certes quand les flocons se mettent à tomber. Pourtant dorénavant ils fondent sur sa peau tout comme la neige ne résistait pas, sous ses pieds, la neige fondant là où il mettait les pieds, la chaleur émanant de son corps ne laissant aucune chance à l’eau glacée. Heureusement personne ne prêtait attention à ce détail et le parc est traversé, les yeux cherchant la rousse près de la patinoire indiquée sur le carnet.. Et elle était là. Aussi curieux que cela puisse paraître, le brasier et la forêt décidaient véritablement à un jeu dangereux. En terrain neutre pourtant et hors des vacances il se demande ce que cela pouvait donner, ce qu’il en était. Il s’approche de la belladone, malgré tout, sourire satisfait sur les lèvres malgré l'incertitude du rendez-vous. « J’ai eu une bonne idée de le continuer, ce carnet… » qu’il claironne, sans penser à regarder en bas. Sans jamais penser que la raison de sa présence c’était ce bébé dont il ignore l'existence alors qu’il était là, entre eux. Il continue, crédule. « Un curieux endroit pour se retrouver. Je préférais les Caraïbes. » Les caraïbes, sa chaleur et sa simplicité là où il ne savait pas ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient. Incapable de dire quoi que ce soit de plus, de lui dire la vérité. Qu’au final elle lui a manqué.

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

C’est le son de sa voix qui la fait sursauter. Traversée par une vague de panique, elle se retourne pourtant et ses yeux se raccrochent aussitôt à ceux de l’italien.
Ils sont moins bleu que d’habitude ; tourmentés, comme un ciel orageux, fatigués et brillants ; distraits aussi, comme l’esprit est ailleurs, et tout plein de questions.
Malgré tout, elle décroche un sourire, sincère bien qu’un peu triste, parce qu’il a ce pouvoir ; celui de réchauffer son être sans même s’en approcher, d’apaiser son myocarde, et de la rendre heureuse, seulement d’avoir pensé à elle.

Un instant fugace, elle espère une étreinte ; un baiser sur sa joue ou une main sur ses hanches. Elle oublie le bébé ; repart dans les antilles puis réinvente ce rendez-vous. Peut-être qu’ils auraient fini par trouver un endroit où bruncher, peut-être même un hôtel, malgré le blackout et la plupart des lieux fermés.

« Méabh est à la maison », elle finit par répondre, le timbre grave et éraillé. De quoi lui faire comprendre qu’elle voulait qu’ils soient seuls, en plus de changer de décor. « Ca me manque aussi », l’aveu fond dans sa gorge, et elle relève les yeux en direction des arbres. Il y a quelque chose de nouveau avec eux. Une façon de ressentir les choses qui commence à changer, sans s’être tout à fait épanouie encore. L’impression qu’ils lui parlent, maintenant. Mais elle y reviendrait.

« Tout va bien ? » Il y a longtemps qu’elle n’a pas pris de ses nouvelles. D’abord, parce qu’elle en attendait de lui ; ensuite, parce qu’elle n’a jamais trouvé le courage de l’appeler ou de lui écrire sachant qu’elle devrait patienter pour lui dire la nouvelle. Elle voulait être sûre, avant.

Sous la neige et les nuages, elle commence à marcher. En suivant le sentier, le corps tremble et la chaleur que l’italien dégage, à quelques centimètres, la pousse un peu plus près. Jusqu’à l’effleurer presque, et agripper son bras pour garder l’équilibre. L’envie est là, pourtant, elle renonce à ce geste qui lui donne l’impression de revendiquer ce qu’ils ne sont pas.  

« Je voulais juste te revoir ». La confidence est dite, sans trop savoir pourquoi, mais tous ses mots et ses actions lui semblent mécaniques depuis quelques semaines. Inspiration profonde, elle s’arrête brusquement pour observer des enfants qui s’amusent justement à quelques mètres. « Mais j’ai quelque chose à te dire depuis ».
 

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

l’absence de Méabh n’est pas tant une surprise que cela, en tout cas, il imagine. Il ne l’avait vu que lors de leur visite dans les Caraïbes et en général, l’adolescente ne se mêlait donc pas des affaires de sa mère, que ce soit professionnel ou..privé, il imagine. Mais il souligne la précision, se demandant bien pourquoi elle était faite. Pour qu’ils soient seuls, il imagine, mais devant l’expression de la déesse il se demande si c’était une bonne chose, une inquiétude se lisait sur son visage, un fait rare, elle toujours si forte, si droite, montrant très peu ce qu’elle éprouvait. Insondable à son grand désarrois, cachant trop son jeu, alors quand cela n’était pas le cas c’était d’autant plus inquiétant.

Les sourcils restent légèrement froncés, légèrement inquiet de ce qui motivait une tête pareille. Elle avait l’air nerveuse et lui l’était aussi, se demandant bien dans quoi il s’était fourré en venant là, lui qui pensait que peut-être.. Peut-être c’était un rendez-vous, mis en place avant.. Avec les Caraïbes peut-être mais qui prouvait que même sans ces vacances, elle avait prévu de le voir, un jour. Alors pourquoi autant de stresse, pourquoi cette mine. « Je crois que c’est plutôt moi qui devrait te demander ça. » Lui allait bien en dehors de ça. Sa petite vie n’était pas trop changée, l’électricité de manquant pas à la maison pour les choses importantes dont il n’avait pas envie de se passer avec le blackout qui plongeait la ville dans l’obscurité. Il avait cette chance, alors, cela allait, même si les affaires en prenaient un sévère coup. Peut-être c’était ça, la tête d’enterrement.

Avant qu’il ne pose la question directement elle se met à marcher, et l’italien emboîte le pas, restant à ses côtés sans toutefois s’approcher plus.. Parce qu’ils n’en étaient pas là. Que els vacances dans les caraïbes n’ont rien changé au final, revenant chacun à leur travail à son grand désarrois et sans nouvelles de sa part.. Il n’avait pas cherché à en donner non plus. Trop d’essais, de demandes. Si cela l’intéressait elle l’aurait dit, mais il imaginait mal que ce soit le cas. Ce n’était qu’une aventure, et il n’allait pas broncher. Il avait déjà réussi à se prouver qu’il y avait quelque chose, cela suffisait surement. Même si marcher près d’elle lui rappelait qu’il attendait sûrement plus. Qu’il voulait plus, mais n’allait pas supplier pour l’avoir. A défaut il se contente de l’écouter, tente de comprendre. Pourquoi vouloir le voir et qu’est-ce qu’elle avait à lui dire. Peut-être que l’idée germait déjà dans son esprit. Peut-être que l’absence de signe de vie.. La peur.. et ce qui c’était passé pendant ces vacances suffisaient à deviner ce qu’elle allait dire, mais ça pouvait pas être vrai. C’était forcément une erreur, il se trompait. . « Tu voulais me dire quoi ? » qu’il demande, les dents serrées, s’arrêtant de marcher. Parce qu’il sentait qu’il fallait faire une pause. C’était ça, n’est-ce pas ?

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Marchant à ses côtés, elle réalise combien l’écart entre eux lui pèse, sans pour autant trouver l’audace de le combler. A retrouver sa chaleur auprès d’elle, son odeur, sa voix, elle se demande comment la vie l’a tenue en retrait durant toutes ces semaines. Comment elle a trouvé la force de faire abstraction du souvenir de ses doigts agrippés à ses hanches, des lèvres avides sur sa peau blanche, de son souffle mêlé au sien. Et de ne jamais le réclamer.

Il est le premier à stopper la marche, et la rudesse de sa question, l’angle saillant de sa mâchoire - exactement l’esquisse de réaction qu’elle redoutait, lui souffle la réponse à ses interrogations silencieuses.
La fierté pour unique raison. La fierté et la peur d'être trop en demande ; de n'avoir pas les mêmes attentes. La terreur du rejet, quand on sait ô combien s'ouvrir lui coûte, l'a simplement paralysée. Même la tendresse des nuits passées aux Caraïbes n'a pas suffi à la convaincre qu'elle pourrait être plus qu'un challenge, ou qu'une case à cocher sur une liste. Aveugle aux signes, comme l'est l'amour, à ce qu'il paraît.

Pourtant il est venu, murmure une voix dans son crâne. Il est venu mais l'enthousiasme du début a disparu au profit d'un sourire fané. Désormais, elle le sent nerveux et rigide, sans néanmoins réaliser que l'attitude est reproduite par mimétisme. Et elle ne sait plus quoi penser.

Le regard bloque sur les enfants qui chahutent autour d'eux. L'image, et l'espoir de voir un jour le sien à leur place, lui apporte un peu de réconfort. Pas assez cependant pour chasser son hésitation, et le trac qui lui vrille les entrailles. Les mots lui échappent alors qu'elle sait toujours quoi dire ; les aligner lui est si pénible qu'elle finit par abandonner. « C'est... »

Elle tremble. Ses lèvres demeurent entrouvertes, ses yeux rivés au sol. « Je ne savais pas comment te le dire... » Elle ne sait toujours pas, et sans doute qu'aucune façon n'aurait été meilleure que l'autre étant donné leur situation. « Et avant de le faire, je voulais être sûre ». Sûre que l'enfant soit bien là, grandissant dans son ventre, et confirmé par des médecins et toute une batterie d'examens. Non plus un fantasme, ni un produit de son esprit pour combler son vœu le plus cher, et à travers les âges, son plus grand regret.    

« Je suis enceinte ». Juste assez de courage pour relever la tête et capter les yeux clairs de l'italien.

Même elle a du mal à y croire.

Pourquoi avec lui, et pourquoi aujourd'hui, après toutes ces vies à tenter, puis finalement à perdre espoir ?
Une partie d’elle voudrait lier le tout aux décisions qu’elle a prises il n’y a pas si longtemps, aux efforts déployés pour s’affranchir de ses croyances et de ses obsessions, et se dire que peut-être, enfin, elle s’est libérée de ses schèmes, de sa malédiction.
Mais au fond, rien ne lui dit que cette fusion de leurs deux êtres se développera jusqu'à son terme et qu'elle viendra au monde ; l'éventualité d'une perte rend les faits plus difficiles à accepter, de peur de subir une fausse joie dont elle ne se relèverait pas cette fois. Alors, tout à coup, il lui semble important de préciser son état de santé au futur papa. Et elle répond à la question occultée juste avant, les doigts glissant sur son bas-ventre, tâchant de se rassurer elle aussi.

« Ça va... ». Physiquement, du moins, pour elle comme le bébé. C'est le mental qui ne suit pas. Les angoisses qui la rongent, l'incongruité de cette situation, et comme si ça ne suffisait pas, la peur de vivre ses premiers mois de grossesse sans électricité. « Je suis juste terrifiée ». Le regard embué prend la fuite, tandis qu'une main timide vient couvrir à moitié son visage. L'aveu est chuchoté, presque inaudible, elle fait de son mieux pour cacher ses larmes, et retenir celles à venir.

« S'il te plaît, dis quelque chose ».

 

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Elle n’avait même pas besoin de le dire.
Pas besoin de formuler les mots. Qu’est-ce qui pourrait la mettre dans un état pareil, hormis quelque chose d’aussi grave, un incident dépassant une simple rupture de stock dans un des ingrédients de ses médicaments. Hormis le blackout, hormis.. hormis les caraïbes il n’y avait rien eu, rien, motivant une voix tremblante et l’impossibilité de l’herboriste a formuler sa phrase. Encore moins d’avouer avoir du mal à s’exprimer. C’était donc forcément un problème venant de là, et la seule chose lui venait en tête, c’était une erreur trop commune, celle d’un enfant. Alors le mot, “enceinte”, ne tombe pas comme une révélation des plus choquante, juste une confirmation de ce qu’il redoutait.

Les yeux sa captent, mais il n’a aucune idée de ce qu’il peut lui renvoyer. Perdu, en colère et juste… absent, loin. Ne réagissant surement pas comme un père devrait réagir en apprenant qu’il va.. et bien, être père. Mais même lorsque Leliana lui avait annoncé être enceinte au travers d’un écran d’ordinateur.. Il n’avait pas sauté de joie. Parce qu'il était coincé en irak pour les onze prochains mois. Il était resté là à regarder des photos d’échographie à travers la webcam, à voir si son ventre s'arrondir avec les semaines, les mois, et quand Elio est né.. Il n’était pas l. Ni pour elle, ni pour leur fils, et lorsqu’il l’a enfin rencontré cet enfant.. Il était déjà bien né. Les premiers mois étaient déjà passés, les nuits à ne pas dormir, les premiers couches, premier.. tout. Absent, observateur. Et quand il revenait ce n’était jamais pour longtemps. Parce que la mafia avait besoin de lui, parce qu’il avait des affaires à régler en Italie pour eux. Même si son fils ne lui en tenait pas rigueur, les souvenirs oubliés depuis longtemps.. Lui, s’en voulait. Et cette fois n’était pas différente de la première, peut-être pire. Quel rôle voulait-elle qu’il joue dans la vie de cet enfant. Un rôle de fantôme, un rôle de père. Un enfant accueil dans une situation bien compliquée, avec des parents qui ne sont rien l’un pour l’autre.

Elle allait bien, qu’elle disait. Au final c’était le principal mais cela ne changeait rien au bordel. La colère qui gronde sous la peau, le feu qui menace de prendre. La mâchoire se crisper et les poings se serrent et il tente de respirer. Hors de question de montrer ses pouvoirs en plein jour dans un lieu public. Sous ses pieds déjà la neige tassées par les passages des gens avait totalement fondue. la chaleur émanant de lui formant un cercle parfait d’eau, comme si seulement cette partie n’avait jamais été en contact avec la poudreuse. Elle devait le sentir facilement, l’éclat brûlant, plus fort encore que d’habitude qu’il radiait malgré l’envie de contrôler. Au moins, il ne prenait pas totalement flamme.

«Qu’est-ce que tu veux que je dise. » qu’il souffle, blasé. « De quoi tu as peur. C’est un enfant, pas une bombe atomique. Si ça te dérange de dire que c’est le mien, t’as qu’à dire que c’est une intervention divine. » Surement plus mordant que d’habitude, amer. C’était une complication qu’il refusait. Un problème de plus, comme s'ils n’en avaient pas assez l’un comme l’autre. «Depuis combien de temps tu sais ? » Elle s’était donnée le temps d’être certaine avant de le dire et c’était déjà trop, pour lui. « Si tu n’avais pas mis ce mot il y a des mois dans ce carnet, est-ce que tu me l’aurais dit avant que cet enfant naisse ? Parce que j’ai des doute là. » qu’il gronde. Si elle n’avait pas décidée de lui parler ce jour là, est-ce qu’il aurait su avant qu’elle soit complètement ronde ou pire, que l’enfant soit né ? Elle aurait attendu qu’ils sa revoient pour lui dire ? Qui sait, après tout.


« Je sais que les téléphones ne fonctionnent pas comme on veut mais tu n’es pas sans pouvoir me contacter non ? » Parce qu’ils ont des connaissances en commun. parce qu’un mot lui demandant de venir plus tôt aurait pu être convenu. Ils n’étaient pas non plus coupés de tout malgré la situation chaotique. Il y avait toujours des solutions. Il y avait réfléchit en tout cas, sans se décider pourtant. Parce que même si il était venu la voir.. Qu’est-ce qu’il aurait pu lui dire ?

« J’ai cru que. » il commence. Prêt à livrer sa déception suivant leur retour des caraïbes. Du silence, du rien, qui avait suivi. Il avait cru que cette fois peut-être les choses auraient pu être différentes. Est-ce que c’était à lui d’encore chercher après elle ? Oh il avait manqué de le faire, parce qu’elle lui manquait, au final. Que sa fierté n’était peut-être pas aussi importante que cela. Qu’il l’avait déjà assez perdu avec elle, pour en avoir quelque chose à faire.. Mais était-ce une bonne idée ? « Peu importe. » qu’il coupe, interdisant au final de parler de ça. Il ravale la rancoeur, la noyant loin. Leur relation n’était pas le plus urgent, pour le moment, et il se contente de continuer à parler du bébé, un temps.

« J’imagine que tu veux le garder. » explication logique, et puis.. « De toute façon il est trop tard et mon avis a pas l’air de compter. » Ils n’avaient plus le choix maintenant, quoi qu’il arrive.

C’était ça le problème suivant, l’avenir. De quoi serait-il fait cet avenir. Pour la première fois depuis qu’elle lui a annoncé la nouvelle les yeux quittent les siens, sa sur le parc, puis vers le soleil gelé.
« On fait quoi, du coup. Tu attends quoi de moi. »

 

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Le souffle coupé face aux mots qu’il déclame, la Belladone peut ravaler ses pleurs. De la même main timide, elle essuie son visage, les perles de sel entachant le cuir, quand ses paupières se ferment. Juste un instant, avec la volonté de revêtir son masque habituel, sans pour autant y parvenir. Déjà, elle peine à contenir ses émotions, faute au sujet sensible mais surtout à ce tourbillon d’hormones qui prend chaque jour un peu plus possession de son être.

De sa part et à l’annonce de la nouvelle, elle s’attendait à l’affolement. A la réserve et à l’éloignement. Au désaccord surtout, mais sûrement pas à l’amertume dont il fait preuve, ni même à cette rancoeur totalement inédite - ce qui la rend spectaculaire, et dirigée contre elle comme si elle était l’unique responsable de ce qui leur arrive.
Devant ce qu’il lui dit, elle se sent ridicule ; offensée ; indignée par son manque d’empathie. Puis finalement, déboussolée et triste de lui inspirer de la colère, alors qu’elle n’a jamais voulu lui procurer que du plaisir, de l’affection et du repos. Son coeur est blessé davantage que son ego face à sa réaction, et alors elle comprend que le myocarde l’a choisi bien avant elle et malgré la distance entretenue. Il est déjà trop tard et les précautions prises n’auront servi à rien : ce rejet la rendra malheureuse.  

Quant à ses peurs, elles ne tiendraient pas sur une liste. Mais la plus grande, que cette grossesse ne soit qu’un leurre, une malice du destin et une nouvelle épreuve à traverser peut-être, il ne peut pas comprendre. Elle voudrait lui expliquer, lui raconter combien elle a souhaité voir son corps habité un jour ou l’autre, sans pour autant que ça n’arrive jamais. Jusqu’à se croire maudite. Et justifier ses doutes et sa panique, mais devant les humeurs que sa première révélation ont engendré, elle renonce à s’ouvrir davantage. Même dans l’espoir d’apaiser l’homme et de le retrouver aussi doux et blagueur qu’elle l’a connu, elle n’a ni le courage ni la force de se mettre à nu. Combien sont ceux à connaître son plus grand chagrin et son plus grand regret, parfaitement combinés à ceux de sa déesse ? Bien peu, au final, et dans cette vie, même son défunt mari et son ex-fiancé n’ont jamais entendu ne serait-ce que l’ébauche de ce secret.  

« Pourquoi ça me dérangerait ? ». Cette fois, elle relève le regard et le contemple les sourcils froncés. Si c’est de honte dont il se pense la cible, il vise totalement à côté. Il y a, c’est vrai, le fait qu’ils appartiennent à deux camps différents. Qu’importe sa neutralité à lui, qu’importe même si elle avait gardé la sienne. Neutres, ils ne pouvaient pas l'être même par choix, de toute façon. Elle avait fini par comprendre, cesser de lutter contre, et finalement l'accepter. Elle avait préféré en faire une véritable décision et s'impliquer, pour revenir aux siens qui lui manquaient terriblement.
Mais honte ? Ce n'était pas un sentiment qu'elle éprouvait. Elle n'y avait même jamais songé ; même dans les Caraïbes, même encore maintenant, ce n’était pas vraiment lui qu’elle fuyait mais ses propres démons.
Elle avait eu assez d’affect et de respect pour inviter l’italien dans son lit. Ses origines lui importaient peu. Elle était assez forte pour s’affranchir des interdits. Rebelle par essence, et seule à faire ses propres choix.  Étrangement, aujourd’hui, après toutes ces années à vivre dans la peur, elle ne voulait plus faire de leurs allégeances un obstacle. Du moins, elle estimait que ce n’était pas l’heure de s’en préoccuper. Et si Ikaar lui-même venait un jour à demander qu’elle fasse un choix entre l’enfant et la mafia… ce dernier serait fait sans l’ombre d’une hésitation - bien qu’avec de la peine à l’idée de le laisser tomber. Au fond, l’accord et les tensions qui s’apaisaient entre les deux factions représentaient un espoir. Et si Pace refusait la paternité, ce ne serait jamais un problème...

« Quelques jours ». En plus de sa fureur, elle peut sentir le feu, les flammes qui - elle en a l’impression - pourraient la toucher presque. Et la chaleur a beau lui être agréable, elle tremble toujours de tension et d’angoisse, en plus de sentir poindre la nausée. « Les hôpitaux sont débordés ». Avec le blackout, il pouvait le comprendre ? « Je ne pouvais pas me contenter d’un simple test ». Ni même de la prise de sang, pour les raisons évoquées plus haut. Surtout, elle avait voulu se tourner vers un médecin de confiance, une récurrence comme eux, de peur d’avoir un jour à justifier les résultats des examens, ou bien les réactions d’un organisme ultra-défensif.

La voix est déchirée, surprise impossible à cacher quand il ne s’arrête pas de lui faire des reproches, de l’accuser des pires bassesses. Comme elle le trouve injuste… Et renonce presque à se battre, hésite à tourner les talons. Mais si ce n’est pas pour elle, elle le doit pour l’enfant qui n’a rien demandé, et qui mérite un père présent, fût-il éloigné d'eux. « Je n’ai jamais eu l’intention de te le cacher. Je te l’ai dit déjà : j’ai dû attendre pour savoir et ensuite… La date correspondait. J’ai eu besoin d’un peu de temps. J’avais peur de te l’annoncer ». Silence alors que les orbes retombent au sol, fixant la neige fondue. Un sanglot étouffé dans un murmure, aussi fuyant que le regard ; « Visiblement, à raison ».

Elle se reprend - essaie du moins, cherche des yeux un endroit où s’asseoir. Elle a le coeur au bord des lèvres et elle en a besoin.
Il y a un banc un peu plus loin, mais les mots l’interpellent. « Quoi donc ? » La question est posée malgré son frein parce qu’à ce stade, elle ne se risquera plus à faire ses propres interprétations. Mais la suite est la plus douloureuse.

Parce que cette fois, il a raison. Ce choix, elle l’a déjà fait pour eux deux. Pour elle il n’y a pas d’autre option possible, même si la culpabilité la ronge vis-à-vis du géniteur. Hors de question pourtant de lui mentir. « Non. Il reste encore quelques semaines ». L’aveu semble lui écorcher la bouche, elle blêmit davantage qu’au naturel. Au-delà de l’absurde, l’idée lui est aussi impossible à décrire qu’envisager. N’en reste pas moins qu’elle s’en veut. « Je suis vraiment désolée ». Elle essaie d’être ferme, mais la voix reste douce et respire l’honnêteté. Quelques silences ponctuent les phrases, tandis que les yeux vont-et-viennent sur les passants et les allées. « J’aurais souhaité que ça se passe autrement. Qu’on puisse en discuter et se mettre d’accord sans se blesser, sans se donner cette impression. Mais tu as raison. Ma décision est prise. Pas parce que je me moque de tes désirs mais parce que s’il y a la moindre chance que ce bébé vienne au monde… je ne peux pas la gâcher ». Des larmes encore, qui roulent sous les paupières mais le visage de l’irlandaise reste impassible. « Je n’en aurais jamais la force, et ce serait l’acte le plus insensé de toutes mes existences ». Un voile à peine levé sur un mystère qui pourtant, reste entier.

Et puis, elle a besoin de son regard. De s’y noyer, comme si c’était la dernière fois. Parce que ça le sera peut-être, sauf si le fruit d’une nuit d’amour a les yeux de son père…

« Rien du tout ». Le ton se brise comme un éclat dans sa gorge, la rousse ne s’autorise aucun silence. « Si tu ne veux pas de nouvelles, tu n’en auras pas. Si tu ne veux pas le voir, tu ne le verras jamais. Ce n’est pas ce que j'espérais » - car elle a eu de lui l’image d’un père aimant et concerné, « Mais je ne veux pas que tu te sentes obligé. Choisis ce qui est le mieux pour toi ». Elle ne serait ni juge, ni foudre de sa décision. Juste déçue et attristée les premiers temps.

La voix se meurt et, même si elle est prête à tirer un trait, elle a besoin qu’il sache.  « Quoi que tu décides, tu pourras toujours changer d’avis ».  

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Il n’a pas envie de répondre, amer.
Il devait bien y avoir une raison pour laquelle elle passait son temps à le fuir. Parfois il se demandait si ce n’était pas tout bêtement son sang. Même si il avait quitté la mafia depuis un moment, le sang et la famille ne changeait pas. Adimari, italiens. Cela même lui ayant causé tant de mésaventures qui était déjà arrivées à ses oreilles à lui. Elle avait souffert sous leurs mains, à celle d’Augustin et d’Alcide normalement, torture infligées et souvenirs amer de la camorra. C’était une des explication, ça et.. Le fait que tout bonnement il ne l’intéressait pas, même si parfois il avait capté certains signes, certains mots, gestes, révélant le contraire et pourtant.. Le jeu du chat et de la souris continuait, durait. De la mésaventure dans la salle de bains aux premiers jours dans les caraïbes où il avait été royalement ignoré, le dieu des forges était incapable de savoir ce qu’elle voulait, ce qu’elle avait en tête.

Même en ce qui concerne sa paternité et l’implication dans la vie de leur enfant, il ne savait pas trop ce à quoi elle s’attendait, ni ce qu’elle voulait, aussi. « Qu’est-ce que tu espérais alors. » qu’il demande, peut-être moins sec qu’il ne l’avait été plus tôt même si il restait tout aussi salé. L’impression de s’être fait avoir, c’est cela qui prédominent. C’était pas ça qu’il avait souhaité durant leurs vacances, loin de là.
Il voulait simplement être avec elle.

Même maintenant c’était le cas. L’envie de la serrer dans ses bras est forte mais il ne s’y résout pas. Déjà parce qu’elle n’avait certainement pas envie qu’il la touche, mais aussi qu’il était fatigué de demander, de réclamer. Il ne bougeait donc pas, les yeux s’attardant sur son visage, sur l’eau qu’elle essuie perlant de ses yeux. « J’aime pas te voir pleurer. » qu’il murmure, et ça suffit à adoucir le coeur revêche, fatigué de tout ça.


« Siobhán… » qu’il souffle, soupir blasé, sa livrant encore une fois, abandonnant, encore, sa fierté. C’était bien plus qu’un challenge, qu’une tâche. Un nom à rayer d’une liste et ça il le savait depuis longtemps. Cela n’avait pas enlever le jeu à la situation bien entendu, mais il ne se considérait pas comme gagnant, même avant d'apprendre cette grossesse puisque le résultat était identique à la situation le précédant. Il était seul. « Je pensais que toi et moi, après tout ça… On pouvait peut-être continuer à se voir. Dans ma tête en tout cas ça semblait possible, mais je ne voulais pas continuer à imposer mon opinion sans cesses. Je suis venu, je t’ai embrassé. Je t’ai demandé de me rejoindre. Mais toi, qu’est-ce que tu veux. Je sais jamais. Je sais pas ce que tu as en tête, ce dont tu as envie.Pas pour le bébé. Pour toi et moi. »

Il continue, même si la neige fond et que dans ses poings serrés il sent le bout de ses doigts brûler. Parce qu’il est frustré, parce qu’il déteste faire ce qu’il faisait là, sa livrer, capituler, encore. Aucune envie d’avoir l’air désespéré, aucune envie d’avoir l’air de quémander quelque chose d’inaccessible. Peut-être moins qu’avant. « Je suis venu en me disant que peut-être on pourrait enfin sa voir. Peut-être enfin discuter de.. nous. Pas parler d’une grossesse qui effectivement perturbe tout ça. Tu as demandé de la fidélité, il y a longtemps. Et je peux de donner ça, j’ai été avec personne d’autres depuis en attendant d’avoir des réponses... Mais qu’est-ce que tu attends de moi..» qu’est-ce qu’elle veut avec lui.

Il se rapproche malgré le feu, malgré les doigts brûlant et le corps trahissant sa nature, les émotions instables qui le parcourt. Une cacophonie épuisante, qu’il résume très rapidement, en une phrase trahissant cette course incessant, ce jeu, auquel il voulait mettre un temps mort. Quitte à s’avouer vaincu. Le murmure, fend le silence et s'évapore aussi vite que la buée formée au bord de ses lèvres. « J’ai plus envie de courir. »

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Concentrée sur les mots, mais aussi sur les gestes et son visage, elle perçoit la fatigue. La mâchoire qui se desserre dessous la barbe épaisse, les paupières qui s'abaissent et cherchent à capter son regard. Son regard et, peut-être plus encore, des vérités qu'il s'épuise à chercher depuis un certain temps. L'atmosphère se faisant moins pesante, la divine accompagne sa réponse d’un bref hochement de tête, comme si elle annonçait une évidence. « Un enfant qui grandisse avec ses deux parents ». Pas comme elle, pas comme son premier fils à lui. « Deux adultes capables de l'aimer suffisamment pour lui donner cet équilibre. Même s'ils n'ont pas de vie commune… » Ça restait le plus important. Elle était prête à souffrir de ne pas l’avoir pour elle ; espérait simplement qu'ils s'entendraient pour le bien du bébé, et qu'un jour, elle pourrait de nouveau le regarder sans sentir son cœur se serrer.

Au fil de peu de choses, quelques phrases échangées, des regards attendris qu'elle avait surpris de sa part quand il parlait d'Elio ou qu'il pensait à lui, elle s'était persuadée qu'il était un bon père. Même sans trop le connaître sur ce point, elle lui faisait confiance pour donner à l’enfant l’amour et l’attention qu’elle-même n’avait pas eus. Un cadre épanoui, sans perversion et sans violence. Ce n’était pas difficile de s’écarter du modèle qu’elle avait connu.


Les mots qui suivent, elle les écoute sans trop comprendre ; sans réussir à masquer sa surprise au fur et à mesure du discours qu’il déroule. Les premiers la réchauffent un peu, parce qu’il avoue se soucier d’elle. Les suivants procurent des frissons, des battements de paupières et des regards coupables. Par moments, hébétés. « C’est pour ça, cette colère ? ». Pour quelque chose qu’elle rêve de lui donner mais qu’elle n’a pas fait par faiblesse. Par peur de s’attacher sans réciprocité et de revivre l’enfer de sa dernière rupture. Parce qu’elle se donne entière et sans limite une fois que son âme est touchée.

Plus il parle, et plus elle se sent bête. Des mots qu’elle s’était résignée à ne jamais entendre de sa bouche la frappent de plein fouet. Comme la révélation de leurs désirs communs : au final, être un couple, avant de devenir des parents.

Les aveux viennent de loin. Elle peut sentir ce qui lui en coûte comme lorsqu’elle se révèle. Et même si elle peine à y croire après la scène qui vient de se jouer, même si les paroles et son attitude semblent toujours contradictoires, elle finit par comprendre. Se mettre à nu fait mal, comme une peau qu’on arrache et qui nous laisse à vif...Tout autant que l’amour - ou quelque chose qui y ressemble ? - qu’on pense à sens unique.

« Je croyais que… tu voulais juste t’amuser. J’ai voulu essayer aussi… mais je ne suis pas faite pour ça ». Une évidence qu’elle souffle dans un nuage de buée.  « J’ai voulu t’appeler cent fois. Et espéré autant de fois que tu me rendes visite ». Le ton posé, toujours sur la réserve et toujours loin de lui, à son tour, elle se livre. « Mais je savais que j’en voudrais plus après chaque rendez-vous, et je pensais... que c’était impossible ». Que les signes perçus ne trahissaient que du désir charnel, et sûrement pas qu’elle pouvait devenir une exception.

Devant ses mots qu’il lui rappelle, une chaleur douce gagne son corps à la place du vide et du froid. « Tu te souviens de ça ? ». Premier sourire qui s’accroche à ses lèvres depuis le début de la discussion, elle s’émeut du détail, preuve de son attachement au-delà des paroles. Et fidèle à lui-même, à son pouvoir, à son essence, il fait fondre l’angoisse, la déception et le chagrin. Comme la neige sous ses pas, et d'un instant à l'autre...

Alors qu’il se rapproche, elle tend les doigts pour caresser les siens. Prudente, comme frôlant un danger qu'on apprivoise, elle cherche à desserrer le poing. Elle sent le feu malgré le cuir, les tensions dans sa main. Et quitte à se brûler, la voilà qui s’avance. Douce mais déterminée, elle guette ses réactions à chaque centimètre gagné. Façon de demander la permission, de savoir où s'arrêter au besoin.
Enfin, pressée contre un corps raide et bouillonnant, elle pense ne rencontrer aucun obstacle. Hissée sur ses talons, elle parvient à atteindre sa gorge, et se risque à l'orner d'un baiser.

Ses yeux supplient, et son cœur s’abandonne.

« Ne cours plus alors. Reste ».

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Elle voulait sa présence
pour leur enfant, rien de plus. Un enfant qui voit son père et sa mère séparément, parfois ensemble sans trace de vie commune. Un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Étrangement, l’entendre les désigner ainsi fait étrangement mal. A sa fierté, à son égo. a ce petit quelque chose qui lui avait donné espoir en venant ici. C’était un simple géniteur, alors. Un hochement de tête comme réponse suffisait à lui indiquer qu’il avait compris sans avoir besoin de parler. Pour dire quoi, qu’il était vexé ? Son amour propre s’en remettrait, mais le regret d’être venu, le regret d’être dans ce parc commençait s’installer de plus en plus. Pas prêt pour être à nouveau père, encore moins dans ces conditions tout aussi désastreuses que le précédent gamin conçu, c’était compliqué à accepter, cette tournure des choses.

Programme bien différent de ce qui était prévu, c’était un revirement dans leur relation quand bien même Pace restait indécis lui-même. Oscillant entre simple jeu et.. quelque chose d’un peu plus profond, même si c’était difficile à avouer, encore moins face à elle. Frustré, après des mois de jeux ne résultant en pas grand chose. C’était mieux d’appeler ça un jeu et tirer un trait sur ces efforts à fournir pour avoir son attention. Du moins c’est ce qu’il s’était dit, après être resté sans nouvelles jusqu’à tomber sur le mot, le rendez-vous qui avait définitivement pris un autre chemin que celui espéré. C’était donc ça, sa colère. De la frustration oui, et une fatigue d’une course sans même savoir où cela allait le mener mettant à rude épreuve sa patience bien minime. Entre les gènes italiens et le feu bouillant qu’il était, difficile de tenir en place, ça l’était bien avant Héphaïstos. Lui, ne mettait que le feu aux poudres, influençant l’humain avec son propre caractère, ses propres travers. Fait pour s’entendre, l’humain a été choisi avec attention, le plus volcanique des Adimari, au plus près d’Arès réincarné.

La mine boudeuse il explique ce à quoi il s’attendait, une conversation nécessaire, une décision ferme qui permettrait de mettre les choses au clair une fois pour toute entre eux, qu’il sache à quoi s’attendre, que la course cesse. Parce qu’il est fatigué, parce que la patience était terminée, il bougonne de s’être livré et d’avouer une faiblesse, une faille, lui qui était fier, la plupart du temps. Trop pour que ça continue, trop pour se laisser mener par le bout du nez.

C’est à son tour d’expliquer son point de vu, ce qu’elle pensait d’eux, de ce jeu auquel elle n’arrive pas à jouer. Un amusement qui au final n’était pas dans son caractère, il avait cru le comprendre de lui même, avances refusées malgré le jeu qui continuait. Seul ces vacances avaient marqué une légère victoire, un temps à part qui s’était achevé tout en rentrant aux état-unis. Pourtant elle dévoile son envie de l’appeler, ou qu’il vienne la voir après ça, l’impossibilité de plus. Pourtant il le cherchait, l’attendait. Trop curieux pour son propre bien peut-être, invisible finalement au danger visible. C’est ce qui rendait l’idée si intéressante.

Le feu continue de tourner autour de la plante pourtant, approchant sans la toucher, brasier caressant simplement de sa chaleur d’herboriste. C’est elle qui touche sa main, les gants froids heurtant la peau anormalement fiévreuse, les caressants légèrement alors qu’il souffle sa fatigue, son envie de se poser. Aucune protestation n’est faite quand elle se rapproche jusqu’à s’appuyer contre lui sans qu’il ne l'interrompt, finalement la fleur marchant directement dans les flammes s’enveloppant autour d’elle. Les doigts près des siennes quittent leur place pour se pose sur sa taille sans la saisir réellement, simplement là, curieux de ce qu’elle allait faire, aller oser. Un baiser sur sa gorge, délicatement déposé et des mots, demandant à rester. Un qu’il n’espérait plus entendre, scellant finalement cette envie d’essayer, de voir ce que cela pouvait donner. Malgré les tensions entre elle et son clan, malgré la tournure des évènements. Le destin avait décidé de les lier qu’ils le veuillent ou non, alors autant essayer. Autant sauter le pas, abandonner. Le yeux se baissent un instant vers elle et jauge son expression, suppliante qui déclenche finalement ce qu’il a envie de faire depuis être arrivé. Cette fois quand il se penche les mains s'agrippent, l’accroche à lui puisqu’elle voulait qu’il reste et le baiser poser sur ses lèvres trahissait cette urgence. Elle est à lui, et il n’était pas près de s’enfuir si elle l’autorisait à rester.

Quand il la relâche, ce n’est pas pour partir loin, restant simplement là et observant les alentour, un instant, histoire de voir si personne ne regardait dans leur direction. La neige avait une nouvelle fois fondu sous ses pieds, mais il n’avait pas envie de bouger pour autant. En baissant les yeux il l’observe, elle, puis la légère bosse déformant légèrement son vêtement. Leur enfant au milieu d’eux, complètement invisible aux histoires de ses parents et encore trop petit pour les entendre, heureusement. Il soupire légèrement. Ce n’était vraiment pas ce qu’il avait prévu, mais être père au final, n’était pas le job le plus désagréable au monde. Il adorait ça, au contraire. Est-ce que ce serait comme avec Elio il se le demande, mais autre chose le taraude en premier. « Je sais vraiment aps comment je vais expliquer ça à mes parents, ils vont me tuer de savoir qu’ils vont avoir un petit-enfant à moitié roux. » Il plaisantait à peine… Toute la famille si fièrement italienne allait surement s’indigner d’une telle tare dans l’arbre généalogique et il pouvait déjà entendre son père furieux, désapprouvant quelque chose qu’il était trop tard pour retirer. « T’as déjà fait une échographie ? » qu’il demande, curieux. Il ne savait même pas quand ça commençait, ni comment s’était. Il n’a jamais été là pour celles d’Elio, pas plus que pour sa naissance, complètement ignorant des démarches hormis de ce que lui rapportait son ex-femme après ses rendez-vous et des photos d’échorgraphie collée devant la web-cam basse résolution qu’ils avaient à l’époque. « J’aimerais la voir, si oui...Ou venir, si tu.. en a pas fait. » qu’il demande. C’était une façon de rendre ça tangible. De mettre des pixels sur l’idée puisque bon, cela restait un amas noir et blanc sur une simple photo, par un vrai bébé bien visible.. Mais c’était un début, non ?

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Malgré les flammes invisibles qui dévorent sa silhouette, la déesse tremble un peu. De crainte, le souffle suspendu, qu’on la rejette encore après cet étalage de sentiments inattendu.

L’esprit en surchauffe, elle a l’impression d’en avoir trop dit. Trop tôt, même si lui attend ça depuis trop longtemps à son goût, elle n’a pas cette aisance qu’il réclame pour mettre à nu ses sentiments. Dans cette vie là, même un je t’aime n’a pas franchi ses lèvres pour celui qu’elle croyait son grand amour. Alors, comment a-t-elle fini par dire à l’italien ce qu’elle ressent ?

Elle ne se l’explique pas. L’urgence de la situation lui a extirpé les mots ; de la détresse mue en courage à l’idée de le perdre, pour lui avouer qu’il la rend faible. Que même sans le connaître plus que ça, elle voudrait davantage que deux nuits à l’hôtel ; la chaleur de ses bras sans devoir partager, et sans devoir passer à autre chose une fois sortie des draps, parce qu’elle ne sait pas faire.


C’est qu’il en vaut la peine, sans doute.

Une voix lui souffle de s’accrocher, de soutenir son regard quand les deux se rencontrent. Airmed, peut-être ? Ou l’instinct maternel, déjà ? Sûrement une partie d’elle, au fond ; celle qui assume sa requête et qui veut du changement. Celle qui a compris qu’il est la vie pour elle, en quelque sorte. L'imprévisible, l’étourdissant, à tous les points de vue. La vie qu’il a fait naître dans son ventre, resté vide si longtemps. Ce dont elle a besoin, maintenant, même si ça ne dure pas. Une histoire à tenter...  


Le temps durant lequel elle guette sa réaction lui semble interminable. Les doigts que le dieu forgeron a posé sur sa taille pourraient tout aussi bien la repousser ; la tenir à distance, non sans montrer de l’empathie. Car malgré la colère qu’il vient de témoigner, la botaniste croit toujours à son bon coeur.

Mais le baiser qu’il lui donne chasse pour de bon ses derniers doutes. Soulagée quand les bras forts l’entourent et que la fougue l’emporte, elle se laisse submerger sans aucune résistance. De la faiblesse physique, soudaine, s’empare de ses membres - un contrecoup de l’ascenseur émotionnel qu’elle vient de vivre - la faisant presque défaillir. Qu’importe puisque le Volcan est là pour la tenir debout.


Quand il s’écarte, elle se sent apaisée. De toute les questions qui taraudaient son être, au moins une a trouvé des réponses. La neige fondue attire son attention, puis elle surprend le regard attardé sur son ventre. Curieux, peut-être ? C’était son cas à elle aussi. Malgré ses inquiétudes, elle était impatiente de pouvoir découvrir tous les aspects de la grossesse. D’avoir le plaisir de sentir son enfant grandir en elle, bouger, et de le voir interagir avec son père, puisque ça semblait possible…

A la plaisanterie qu’il lui fait, elle a envie de sourire en retour mais la perspective d’annoncer la nouvelle la ramène à la dure réalité. Il y a toujours une ombre, cette malédiction dont elle se croit victime et le risque de perdre leur enfant. Ce qui la terrifie. « Tu devrais attendre un peu, avant de le dire à qui que ce soit ». Sa voix est douce, à peine audible, et ses yeux brillent quand elle capte les siens. Rare manie de sa part, la Belladone mord sa lèvre inférieure avant de se montrer plus explicite : « Je n’ai plus vraiment l’âge d’être enceinte ». Bien sûr, la magie opérant en elle et dans son entourage allait l’aider mais elle ne le savait pas encore. Tributaire de ce corps, elle devrait faire avec de toute manière. « L’obstétricien a dit qu’il y aurait plus de rendez-vous pour surveiller, et que je devrais me montrer prudente ». Ces recommandations seraient suivies, sans aucun doute, mais le blackout ajoutait à ses craintes. Et puis il y avait justement ce moment à la fois espéré, à la fois redouté de la première échographie. Celle qui lui permettrait enfin de lâcher prise et de pouvoir se projeter, à moins qu’elle ne révèle un drame.

Touchée par la demande, et soulagée de savoir qu’il sera à ses côtés, l’herboriste cherche la main du brasier. Sans pour autant se rapprocher, elle écarte à nouveau ses doigts pour les mêler aux siens, les serrant un peu fort, sans se soucier qu’ils soient vus.
Elle a presque oublié qu’ils étaient dans un lieu public ; que leurs clans respectifs les opposent, et combien il est ridicule de faire des projets quand on habite une ville comme Arcadia. Mais l’italien a ce don agréable avec elle : celui de refouler toutes ses angoisses, un problème à la fois, quand elle veut bien le laisser faire...  

« Pas encore. Le mois prochain. Vendredi 10 à 9 heures ». Un sourire faible éclairant son faciès, elle s’avance finalement jusqu’à agripper le col de sa veste. Machinalement, elle époussette les poils de chien accrochés sur l’épaule, fidèle à ses névroses, tout en tentant d’imaginer une vie où chaque élément de leurs existences se trouveraient réunis…  

Et puis, quand elle croit déceler son regard insistant, elle guide la dextre du brasier jusqu’à son ventre, entre l’espace infime qui les sépare et malgré les tissus, comme une invitation à oser la toucher. A rencontrer le fruit de ses entrailles, tout simplement.
Il ne pouvait ni les entendre, ni sentir leur présence, mais il y avait toujours les vibrations. L’énergie pure et surtout la chaleur dégagée par son père, qu’il pourrait vite apprendre à reconnaître.

« Si jamais… ». Elle relève vers le dieu une mine embarrassée alors que la neige autour d’eux se met brutalement à tomber plus fort. « Tu crois qu’Elio le prendra bien ? ». Pour lui aussi, la Belladone était inquiète. Dans cette histoire, il y avait le bien-être d’un autre enfant en jeu, un qu’elle n’avait jamais rencontré encore, et pour lequel elle redoutait d’être une contrariété, ou pire, un autre traumatisme...

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Il devrait le dire, à un moment ou à un autre.
Et la perspective de voir les réactions de sa famille ne l’enchante pas du tout.
C’est un sacré soucis qu’il apportait au sien et, par dessus le marché, faisait de cet enfant une cible idéale si les choses en venaient ainsi. Un enfant au milieu de deux mafias, quoi de mieux pour tirer dans le tas particulièrement quand il s’agissait de deux familles importantes de celles-ci. C’est comme si ce foetus avait une cible dans le dos avant même d’être né et avec lui, sa mère. Heureusement qu’il ignorait la vérité encore. Qu’il n’avait aucune idée de qui était véritablement responsable de la mort de Leliana, sinon il aurait du soucis à se faire en plus, non ? Le pire soucis c’était finalement son père et Marcello, sa mère aussi, même si, avec une autre tête blonde dans les pattes elle s’apaisera immédiatement elle toujours aussi admiratives de ses petites enfants qu’elle n’avait pas assez nombreux à son goût. Aucune d’entre eux ne tentait de les imiter, eux, et leurs neufs marmots. Mais la nymphe a toujours eu ce côté… maternel, délicat. Une nature allant finalement avec ce qu’elle était, rien de bien étrange là-dedans finalement.

Mais le secret n’était pas à garder pour des raisons politiques, ou mafieuses. Simplement parce que tout ça était encore incertain. Plus en âge d’avoir des enfants il est vrai, elle était même son aînée de quelques années. il y avait des risques effectivement que la grossesse n’aboutisse pas ou qu’il y est des complications. Une raison supplémentaire pour laquelle il ne comprend pas son choix, mais semblait si désespéré qu’il était facile de comprendre que c’était une de ses dernières chances, peut-être. Il hoche la tête, silencieux. Elle avait surement raison à ce sujet, mais il préfère rajouter. « On est pas sans ressources non plus. Trouver un prophète, un dieu capable d’aider.. ça doit se faire. » Le monde surnaturel était plein de ressources et forcément, moyennant prix, il devait être possible de faire quelque chose d’après lui, si c’est ce qu’elle voulait.

Elle tend les doigts vers lui et les doigts gantés s’emparent des siens, mêlant le cuir à  la peau, serrant ceux-ci un peu plus. il ne faisait que demander, cherchait à bien faire lui qui ne s’était jamais montré présent. Qui sait, il était peut-être déjà père ailleurs dans cette ville sans même le savoir. Mais cette fois il avait la chance de pouvoir être là, si elle le laissait faire. « Le 10, c’est noté. » Il sera présent, il en était certain quitte à déplacer ses rendez-vous et obligations. Il sera là, pour tâcher de faire les choses comme il faut, maintenant.

Finalement elle attire la main contre son ventre nourricier abritant l’enfant qu’ils ont conçus, apr erreur peut-être, mais qui restait bien là. Une tangible preuve de ce qu’elle disait, arrondis dont il n’avait pas le souvenir se formant sous ses doigts et derrière, la chair de sa chair. La neige tombe et fond au contact de sa peau posée là, pluie instantanée ne résistant pas contre lui. Les yeux quittent cette main effleurant cet avenir incertain pour l’observer, elle, et l’inquiétude traversant son visage pour une raison bien particulière, pensée pour l'autre enfant concerné, son fils. «il faudra lui expliquer. » qu’il avoue, après tout c’était déjà délicat d’expliquer à un enfant que sa situation familiale changeait, mais annoncer en plus qu’il allait être un grand frère, c’était encore autre chose. « Mais on est pas obligé de lui dire tout de suite, il ne s’en rendra pas forcément compte si vite. » Les enfants au final ça ne faisait pas forcément attention à ça, en tout cas pas à ce stade là. La priorité ce n’était pas le bébé, mais simplement rencontrer Siobhan, accepté les changements à venir. Après tout il avait déjà vécu des changements brutaux, la mort de sa mère, l’arrivée d’un père qu’il ne connaissait que très peu et pourtant tout c’était bien passé, gamin acceptant et trop jeune finalement au moment des faits, aujourd’hui bien plus âgé. « Tu devrais le rencontrer. » qu’il affirme. C’était nécessaire même, un passage obligé, un début. « Si tu veux tu peux passer diner à la maison un soir ? … Il sera ravis de te connaître. Il aime tout le monde alors, je vois pas pourquoi ça n’irait pas.» Un peu trop même, gamin insouciant qui ne voyait pas encore le mal partout. Pas encore, parce qu’il s’en rendrait compte à un moment donné, il suppose. Tout ne pouvait pas rester rose longtemps dans cette ville, même pour un gamin. même si il faisait tout pour le protéger. « Je te préviens par contre, y’aura mes chiens aussi… Et ils aiment pas trop les poils de chats. » c’était une plaisanterie mais oui, les canidés allaient forcément s’y intéresser mais elle ne craignait rien des deux toutous, bien élevés, eux.

some flowers only thrive after a forest fire.

@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

www

Imperméable à ce qui se passe autour d’eux, elle l’écoute, attentive, incapable à présent de le quitter des yeux. Les peurs sont toujours là, les doutes aussi - et ils n’étaient pas prêts de s’envoler quoiqu’il arrive - pourtant savoir qu’elle peut les partager cette fois change tout. La perspective d’être deux pour affronter les épreuves à venir lui fait un bien fou, à elle habituée à toujours tout garder pour elle. Curieusement, la Belladone est soulagée à l’idée qu’il s’implique, qu’il ait cette intention de rester auprès d’elle, alors que certainement, si elle avait choisi d’élever cet enfant seule, tout aurait été plus facile...

Pace avait raison. Si cet avenir prenait forme pour de bon, ils allaient devoir expliquer ça à leurs familles. Vivre dans la peur d’être obligés de se trahir pour satisfaire leur clan, peut-être… même si quelque chose lui disait qu’ils se ressemblaient beaucoup sur ce point, et qu’ils préféreraient tous les deux tourner le dos aux leurs, se battre pour ce qu’ils pensaient juste et voulaient préserver, comme ils l’avaient déjà fait, par ailleurs.
Quoiqu’il en soit, l’union de leurs deux êtres, comme la venue au monde de leur enfant, ferait grincer des dents des deux côtés. La botaniste avait beau espérer que les affaires entre irlandais et italiens assureraient leurs arrières, elle resterait toujours pour ces derniers une cible potentielle - et avec elle, son héritier. L’accord en passe d’être négocié constituait leur meilleure arme cependant, et si le dieu du Feu n’était pas encore au courant, elle était bien décidée à tout faire pour se rendre indispensable à leurs deux gangs et à leur amitié naissante, et surtout le rester.

Ca n’enlevait pas les risques. Ca n’enlevait pas l’angoisse. Mais elle devrait vivre avec ça de toute façon : ce sentiment d’avoir fait un choix égoïste, en dépit des difficultés ; la culpabilité d’avoir légué à cet enfant un avenir trouble et incertain, peut-être autant rempli de drames que le sien l’avait été…
Malgré tout, elle crevait de se battre pour briser les schèmes. Ce bébé méritait qu’elle s’acharne, et la déesse en elle semblait déterminée à l’empêcher de renoncer. Elle la rendrait plus forte, lui donnerait plus de rage encore pour écarter les ennemis de cette famille à naître, les tenir à distance ou savoir les charmer.

Au final, elle avait deux soutiens sur lesquels s'appuyer. C’était une belle victoire pour cette journée si maussade au départ. Et si Pace restait vraiment, elle comprendrait plus tard qu’il était tout ce qui lui manquait : un homme capable de lui proposer des solutions ; quelqu’un qui sache la rassurer, apaiser ses frayeurs, plutôt qu’ajouter à ses doutes ou de la conforter dans ses angoisses interminables…


Elle hoche vaguement la tête à son idée. « J’en connais quelques uns ». Un ami, son beau-frère, le galeriste à l’angle de la rue… Des thaumaturges pouvaient faire des miracles et sans doute, garantir la naissance de ce bébé. Peu importait le prix. « J’espère seulement ne pas en avoir besoin ». Ou bien le moins possible. Une préoccupation de moins ne serait pas du luxe, surtout en attendant l’échographie…
Elle offre au dieu un sourire triste, et ce faisant, cède à l’envie d’attraper sa main.


Quand ils en viennent à évoquer son fils, la Belladone acquiesce une nouvelle fois. Ils feraient tout à sa manière, elle ne s’imposerait pas. D’aucune façon d’ailleurs. Elle pensait juste à son petit garçon, à la peine qu’elle voulait éviter de lui faire. Elle aimait les enfants, et ces derniers lui rendaient la pareille en règle générale. Mais avec celui-ci, il n’y avait pas droit à l’erreur. Et faire sa connaissance devenait plus que nécessaire. Son père avait raison, faire les choses dans cet ordre limiterait les chances de le braquer. « J’en serais ravie », elle répond finalement, la lumière revenant éclairer quelque peu son visage. Stressée à cette idée, elle est aussi impatiente, au point de commencer à réfléchir à ce qu'elle allait lui offrir. « Qu'est-ce qu'il aime ? » En lisant ses carnets, Elio et ses dessins l’avaient fait rire, souvent. Elle ne s’était jamais montrée curieuse avec son père à son sujet, mais ça ne l’empêchait pas de l’être, et ce depuis longtemps. Elle se demandait s’il lui ressemblait, et avait hâte de voir le dieu à l’œuvre à ses côtés. Ils avaient l’air complices, malgré toutes les contraintes et les obligations de Pace, qui le forçaient - il l’avait dit lui-même une fois, à ne pas être aussi présent qu’il le voulait.

« A Little Italy ? » Ses doigts s’agrippent à l’Olympien, tandis qu’elle l’interroge tout autant du regard. Un endroit neutre - pas pour elle, pour l’enfant, lui aurait paru plus sage, seulement pour ne pas lui donner l’impression de faire irruption dans sa vie, celle de son père, dans sa maison… Avec le Blackout cependant, les options étaient limitées. Restait donc leur appartement, dans un quartier qu’elle n’avait plus foulé depuis longtemps, et qui s'interrogerait sûrement d’y voir passer sa chevelure de feu. « Il faut que j’investisse dans une perruque, ou un bonnet ? » Un peu d’humour pour masquer le frisson qui la traverse. Puis elle relativise. Préfère seulement lui faire confiance, et laisser le brasier la détendre avec sa tendance naturelle à plaisanter. « J’espère qu’ils auront l’occasion de s’y habituer ». Façon de lui avouer qu’elle souhaitait que ça marche, de lui assurer aussi qu’elle était prête à composer avec tous les aspects de sa vie… du moins à essayer. Les chiens, ça effrayait déjà son côté maniaco-compulsif, mais elle pouvait surmonter ça pour gagner tout le reste…    

Cette fois de froid, elle se met à trembler. La chaleur du brasier - et sa proximité - ne suffisent plus à réchauffer l'entièreté de son corps dans la brise hivernale. Le contrecoup de cette rencontre et la fatigue ajoutant à son mal, l’irlandaise envisage de rentrer.  
Alors elle se hisse contre lui, et dépose un baiser furtif à la commissure de ses lèvres. Même s'ils viennent de se dire qu’ils voulaient être ensemble, les gestes peinent encore à se faire naturels. Elle semble réfléchir, hésiter.
Ose enfin.

« Tu veux me raccompagner ? » Elle voulait juste retrouver ses murs, un endroit bien à elle, sûr et chaud. De préférence avec lui, mais ignorait s’il avait le temps. L’envie.
« J’avais prévu un brunch, mais… » Mais tous les restaurants étaient fermés. Impensable à l’instant où elle avait écrit le mot. Et à part du patin à glace - sport dans lequel elle ne voyait pas le dieu s’illustrer - il n’y avait rien à faire dehors avec la panne. « Je sais faire les sandwichs » - et bien mieux, avec de l’électricité : un véritable cordon bleu. « On peut faire ça chez moi ».
Malgré le sel sous ses paupières, ses yeux rougis encore et la mine éreintée qui ne quitte pas son visage, elle trouve la force de sourire, de plaisanter. Et celle de lui faire comprendre qu’elle aimerait bien passer ce temps prévu à ses côtés. Même sans continuer à parler d’eux ou du bébé… Juste poser la tête sur ses genoux, somnoler dans ses bras et laisser son odeur imprégner ses vêtements.

Un peu confuse, elle baisse les yeux sur la flaque à leurs pieds. Ses bottines à neuf cents dollars, trempées, n’ont pas tenu le coup. Mais elle s’en moque éperdument.
« Je comprends si tu préfères rentrer. Être un peu seul, pour digérer....
»