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A Safe Place

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A Safe Place - Lun 9 Juil - 21:49

A SAFE PLACE
Joaquin Costilla ∞ Pya Vetula


(www)

Je vais mourir.

La certitude s'imprima dans sa carne avec netteté, les lettres apposées au fer rouge sur sa peau, sur chacune de ses pensées fébriles. Les mots, bien qu'étrangers, résonnaient de façon incrédule sous sa poitrine, à la fois lourds de conséquences, et sans réelle importance. Le caractère définitif de ce que tous nommaient si religieusement la mort, Pya n'y croyait pas. Une pause. Un sommeil temporaire. Un coma, duquel vous pouviez vous réveiller. Ou du moins, duquel elle pouvait les tirer.

Mais si je m'endors, je ne me réveillerais pas, et moi alors, qui me sortira de ma douce hibernation ?

La peur marquait cette conclusion de son empreinte terrible, mais pour son plus grand malheur, elle ne s'avérait pas à l'origine des tremblements qui secouaient sa silhouette gracile, ne portait aucune responsabilité pour la fièvre qui grignotait sa raison, ni pour la sueur froide qui glissait le long de son échine livide.

Pya était souffrante.

Frappée par un mal dont elle ne comprenait pas la nature, ni la provenance. Peut-être est-ce Son châtiment, qui tombe enfin, alors que je pensais en être à l'abri. Peut-être est-ce Sa réponse à mes pêchés. Les suggestions se mêlaient, s'entremêlaient, et se perdaient sous le voile étouffant des symptômes. Son nez saignait. La chaleur grimpait. Son équilibre se perdait, englouti sous les nombreux vertiges. Pya observait son loft et y apercevait des silhouettes sombres, des fantômes impalpables ; la mort omniprésente y envoyait ses faucheuses hallucinées, visions fantasmagoriques, parfois saisissantes, toujours inquiétantes. Et Pya faiblissait. Il n'était plus question de jours, mais de secondes. Chaque grain tombé au fond du sablier lui ôtait des forces. Muscles cotonneux, énergie déclinante ; bouger le moindre cil devenait un effort constant. Même son cœur battait moins vite, colibri affaibli dans sa cage d'os. Elle le sentait s'épuiser, l'entendait s'éparpiller sans jamais se retrouver. Le percevait s'éteindre, comme s'en vont les jours d'été, peu à peu rattrapés par les nuits d'automne.

Comment savoir ? Comment deviner que le réanimé puisait ce qui la maintenait debout pour ne plus s'effondrer ? Ignorante vestale, démolie par son plus grand ennemi, la vie.

Je ne peux plus attendre. Je dois prévenir quelqu'un.

Cette décision mûrissait depuis sept semaines, depuis que la première faiblesse avait pointé le bout de son nez. Elle avait reculé l'échéance, chaque fois un peu plus, parce qu'au début, ça ne l'inquiétait pas, ça ne pouvait être qu'un mauvais rhume ou une migraine coriace. Elle s'en était convaincue, si fort, pour ne pas alerter qui que ce soit, pour ne pas inquiéter ou ajouter à la liste grandissante des problèmes de la Calavera une nouvelle ligne, mais il était temps pour elle de se rendre à l'évidence. C'est aujourd'hui ou il n'y aura plus de demain.

Le pas incertain, elle saisit d'une main tremblante un manteau qui traînait au milieu du bazar de son loft – habituellement si bien rangé. La porte s'ouvrit dans un interstice, dans lequel elle s'engouffra. Elle ne songea même pas à refermer le battant derrière elle ou à prendre ses clés, ou à troquer son pyjama contre une tenue plus appropriée. Une seule idée martelait son crâne, l'obligeait à se concentrer pour continuer d'avancer. Trouve-le.

Dehors, son corps heurta la fraîcheur vespérale avec la force d'un boulet de démolition. Pya tituba, chancela, s'écrasa contre un mur en maudissant sa faiblesse. 41° C. Ce n'étaient jamais que quatre petit degrés au-dessus de la moyenne. Ses mains repoussèrent son corps et ses pieds se remirent en route. Quelques klaxons déchirèrent de fugaces inconsciences – elle traversait au rouge – et des sifflements égrenèrent son parcours – le short en coton plaisait visiblement. Elle resserra le manteau autour d'elle, cette fois frissonnante, tête baissée. Remarqua alors seulement qu'elle ne portait pas de chaussures. Pria, ou du moins, essaya, sans parvenir à dépasser plus de cinq mots à chacune de ses nouvelles prières.

Elle aurait peut-être dû appeler une ambulance ; elle avait entendu dire que les interventions se caractérisaient par une rapidité incroyable. Non ! Elle ne devait pas, ne voulait pas impliquer de personnes extérieures à la famille, elle ne pouvait se permettre de les exposer de cette façon. Après tout, Pya restait une mariée en fuite, une fugitive pour laquelle le Père Avila remuerait ciel et terre si cela lui permettait de la retrouver. L'hôpital n'était pas une possibilité. Il n'y avait qu'une adresse. Celle, entendue au détour d'une conversation entre son précédent garde du corps et un chauffeur. Trouve-le.

Les orbes fatigués se levèrent sur la rue dans laquelle elle venait de tourner. Et je l'ai trouvé. La démarche hésitante, lippes frémissantes, elle s'approcha. Poumons écrasés, souffle court. Ses paupières papillonnaient trop souvent, sa conscience glissait, revenait, s'échappait à nouveau, marée imprévisible. Elle leva une main saisie de tremblements, serra le poing, puis cogna sans réfléchir à deux fois. Attendit, attendit un long moment. Si bien qu'elle douta d'avoir toqué chez la bonne personne. Ou peut-être le dérangeait-elle. Elle n'aurait pas dû venir, ça n'en valait pas la peine.

Elle recula d'un pas juste au moment où le battant s'ouvrait, dévoilant la silhouette imposante du commandante dans l'embrasure de la porte. Se retrouvant muette devant lui, elle baissa les yeux, sans oser affronter le regard de celui qu'elle dérangeait. « Je... Je ne savais pas vers qui me tourner... ». Balbutiements fragiles, soufflés du bout des lèvres. Oubliés la politesse, le sens des convenances. Ne restaient plus que la faiblesse à l'état brut, le visage blafard, les prunelles mordorés éteintes, soulignées de cernes violacés, ne restait plus que l'urgence. Et alors qu'elle reculait, parce que l'idée de s'imposer lui plombait beaucoup trop l'estomac, ses jambes cédèrent et Pya s'effondra.

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A Safe Place - Dim 15 Juil - 19:18


A Safe Place



Il contemple sans le voir l’écran de la télévision qui lui fait face. Les informations défilent sans qu’il ne percute vraiment. Un tsunami de l’autre côté de la terre, une crise politique dans un pays du Moyen-Orient, une maladie qui ne s’éteint pas en Asie, un dictateur en fin de vie en Afrique. Qu’importe, ce n’est pas son monde.
Le sien est ici, à Arcadia. La ville ne fait pas la une tous les matins. Il y en aurait des choses à dire, pourtant. Bien plus que sur les terribles allergies aux pollens, troisième reportage du genre depuis le début de la saison estivale. Sur les oracles, dont le tueur n’a toujours pas été trouvé. Sur les mafias, aux liens si fluctuant, influençant toutes la ville et ses habitants. Sur les dieux eux-mêmes, qui font leur loi, qui cherchent un peu de la gloire qui suintait avant de tout leur corps. Comme Buluc Chabtan. Qui se réjouit des images à l’écran. Qui exulte en voyant les conflits, moraux ou physiques. Qui se sent plus fort alors que le corps devient plus faible.
Il regarde sa clope partir en fumée de temps en temps, n’a même pas le cœur à tirer une taffe fatiguée. Il aurait voulu rester sur sa terrasse, en haut du QG ce soir. Il a préféré rentrer. Des fois, la ville et la vue qu’elles lui donnent produisent sur lui un étrange effet, un élan mélancolique qu’il n’aime pas. Un pincement au cœur, une vague de regrets qui lui remonte en mémoire et qui s’agglutinent jusqu’à ce qu’il les noie dans l’alcool. Et ce soir, il n’a pas envie de vider sa bouteille de whisky, pas envie de revoir le visage de Serevo briller d’une haine mauvaise envers lui, pas envie de revoir le cadavre de son frère pendu au bout de sa corde, pas envie d’entendre le refus de Jan de partager une nuit. Pas envie de revivre certains de ses assassinats, pas envie de revivre certains choix, mauvais ou difficiles à prendre. Pas envie de revoir la tête de Javier se trouer d’une balle. Pas envie.
Il se lève et va éteindre la télévision. Il parcourt sans se presser l’espace qui le sépare de la cuisine, balaye du regard ce qui pourra finir dans son ventre ce soir. Il n’a envie de rien. Il a besoin de manger. Nécessité physique que Buluc Chabtan déteste et refuse parfois au point de rendre l’estomac du mortel noué, incapable d’ingurgiter le moindre élément solide.
Joaquin le sent, le dieu se fait plus présent, plus unique, plus imposant sous sa conscience. Plus arrogant, plus ambitieux aussi. Il change le corps de l’homme, rend Joaquin amer. Ce soir, s’il n’a pas envie de noyer ses souvenirs sous l’alcool ambré, c’est qu’il ne le peut plus. Que les breuvages humains n’ont plus de prise sur lui. C’est un charme qui se perd.
Buluc Chabtan le force à regarder ses échecs, de son piédestal divin.

Du bruit à la porte. Personne ne connait cette adresse ou presque. Discrète, pas vraiment tape à l’œil. Le genre que Joaquin aime bien. Il sait ce que l’on dit sur les puissants de la Calavera. Que des pistolets en or vingt-quatre carras se cachent sous les pans de leur manteau. Ce n’est pas quelque chose que Joaquin aime. Parce que l’or est lourd et trop meuble pour faire une bonne arme.
Parce qu’ainsi, on ne vient pas le déranger. Et même s’il n’affiche pas sur sa porte qui il est, aucun voisin n’est encore venu lui chercher du sucre. La tête qu’il tire doit suffire à éloigner les bavards.
Il a son M9 en main avant de s’en rendre compte. Un t-shirt est enfilé en vitesse. La silhouette du visiteur regardée à travers le judas. Surprise en y voyant Pya.
Il ouvre la porte, la voit reculer. Il ne met pas longtemps à remarquer ses immenses cernes, ses yeux fatigués et les symptômes d’une grande fatigue. Pas plus longtemps pour la rattraper alors que les jambes de la femme cèdent, que les mots lui parviennent. Elle vient chez le commandante faire un malaise. Il faut qu’il lui trouve un ami, une présence, un médecin vers qui se tourner. Ça ne devrait être le premier choix de personne, la demeure de Costilla dans un élan de faiblesse.
Il ne comprend pas, mais sait que la scène ne doit pas se dérouler en public. Il la porte dans la maison, la dépose sur le canapé. Le M9 est posé sur la table alors qu’il reporte son attention sur elle. Elle est encore consciente, mais il ne faut pas être médecin pour savoir qu’elle ne va pas bien.
- Qu’est-ce qui se passe ?
Il sent sa gorge se serrer, se sent stupide. Un vieux sentiment plante ses dents au creux de son ventre. La panique. Qu’il n’a pas ressentie depuis de longs mois. Depuis que Jan lui a annoncé sa maladie. Depuis qu’il a compris qu’aucun remède ne serait trouvé pour sauver son second, qu’il était condamné à le regarder mourir sans rien faire.
Un sentiment qui ne le gagne presque jamais, mais qui, en voyant la silhouette recroquevillée de Pya, se fait sentir, amer. Elle ne doit pas mourir. Pas elle. Pourquoi elle mourrait, c’est peut-être juste une maladie de passage. L’humain veut se rassurer. Buluc Chabtan sent la mort. Buluc Chabtan est heureux. Joaquin se sent malade.
- Pya ?
Le ton est trop inquiet pour être le sien, il ne reconnait pas.
- Pya, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu as fait ?
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A Safe Place - Dim 22 Juil - 21:37

A SAFE PLACE
Joaquin Costilla ∞ Pya Vetula


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Pya observait sous des paupières à demi-closes.

Observait les ténèbres se nourrir d'ombres, tassées dans des recoins obscurs, recroquevillées sous des meubles, amassées en désordre tout autour d'eux. Silhouettes impalpables, parfois lointaines, souvent trop proches. Toujours omniprésentes. Toutes, sans exception, braquaient leurs prunelles aveugles sur elle, attendant qu'à son tour, elle devienne ombre, nourriture pour ces âmes en friche. Et elle s'en rapprochait de cet état, pouvait le percevoir dans ses forces déclinantes, dans ses pensées vacillantes. Aussi, la terreur la saignait à blanc. L'épuisait. Propulsait son cœur dans des courses, desquelles elle ne sortirait pas intacte.

Ce ne sont que des hallucinations, reprends-toi, Esperanza.

Erreur des sens, avait-elle lu quelque part, illusions funèbres façonnées par la fièvre, modelées par sa peur des démons et de l'enfer. Elle pouvait les repousser, écarter cette réalité déformée de ses yeux. Elle devait s'ancrer. Se concentrer. Ses doigts se plantèrent dans une épaule, son autre main se serra autour de sa croix. Les orbes fades essayèrent de se planter sur un point fixe pour ne plus en bouger, mais Pya semblait en mouvement et l'opération devint périlleuse. Je suis tombée. Devant le commandante, se rappela un coin de mémoire encore non-fané. Oui. Oui, elle se souvint. À bout de souffle, elle laissa les images de ses dernières heures défiler à nouveau sur ses rétines.

« Qu’est-ce qui se passe ? ». La voix lui parvint, lointaine, émoussée par des années-lumières d'écart. Elle ne se trouvait plus contre l'homme. Elle ne s'était pas rendue compte qu'il avait troqué la chaleur de son corps contre celle plus éparse d'un... sur quoi se tenait-elle recroquevillé déjà ? « Pya ? ». Ses pensées s'éparpillèrent, petits moineaux inconstants, et elle leva une paire d'yeux cernés sur l'homme. « Pya, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu as fait ? ». Cette fois, les questions transpercèrent le brouillard. L'inquiétude perçue transforma sa propre peur en angoisse différente. Sa silhouette gracile se déplia brusquement, alors qu'elle se redressait sur son séant, les yeux écarquillés. « Non, non, je n'ai rien fait, je le jure... », balbutiements fébriles plus que réelle récrimination. Elle n'avait pas attiré d'ennuis à la Calavera, et ne pensait pas être responsable de son état – à moins que Dieu n'en soit l'instigateur. Si elle apprenait que c'était le cas, elle accepterait alors son sort. Elle essayerait, du moins.

En attendant, elle devrait se battre encore un peu, pour ne pas sombrer, pour ne pas fermer les yeux trop longtemps. Pour expliquer ce qu'elle savait au seul en qui elle plaçait une confiance absolue. Reprends du début, explique au mieux. Quelques mots de plus, Pya, puis tu te reposeras. « Je ne voulais pas être un problème. », murmura-t-elle tout en se fustigeant silencieusement, parce que clairement, elle en devenait un à présent. Ses bras se pressèrent contre sa poitrine, épiderme dressé par une chair de poule glacée. « Ça a commencé... six ou sept semaines plus tôt, je crois. ».  Tout se passait comme à son habitude ; elle cuisinait un plat qu'elle venait d'apprendre quand la poêle lui avait échappé des mains, que la terre s'était retournée, la renversant au sol, voilant momentanément ses pensées. « Des vertiges surtout, puis je les ai vues... ». Ses paupières cillèrent, les prunelles voyagèrent furtivement derrière l'épaule du commandante, observant une des intruses. Les faucheuses de la Mort, les silhouettes de ténèbres affamées. Sourcils froncés, elle essaya d'ignorer les crampes dans ses muscles, le sentiment anxiogène qui lui vrillait soudain le cœur, et reporta son attention sur Joaquin. « C'est comme si on m'attirait hors de mon propre corps. ». Constamment. Violemment. Insidieusement. Si son esprit avait été touché d'encore un peu de lucide raison, elle se serait rendue compte que ses paroles semblaient folles, qu'il n'y avait que peu de chance pour que quiconque la croit. Mais les secondes passaient, et Pya dérivait. S'enfonçait. Trop loin pour espérer remonter. Voilà la seule certitude qu'il lui restait.

Des larmes inconscientes coulèrent de son regard grave et elle s’agrippa aux mains de son commandante, comme si s'accrocher à lui pourrait l'empêcher de se noyer. « Si je m'endors, cette fois... », souffla-t-elle du bout de ses lèvres sèches, tremblante, « Je ne pourrais pas me réveiller...». Elle ne serait pas morte. Tout le monde pouvait revenir de la mort – ce n'était pas définitif, et elle n'en éprouvait donc aucune terreur. Non, elle, c'était le néant qui l'attendait. L'incroyable abysse dans lequel elle dériverait à jamais, purgatoire des non-jugés – piège impalpable entre enfer et paradis.

Une confession. Un appel au secours, surtout. Elle n'attendait pas qu'il l'absolve de ses pêchés, mais qu'il l'aide à se débarrasser des conséquences engendrées. Même si c'est Son souhait de me voir disparaître.

Aide-moi, Joaquin, ou personne d'autre ne le fera.

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A Safe Place - Mar 24 Juil - 22:33


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Elle se redresse à ses questions, comme paniquée, les yeux grands ouverts.
- Non, non, je n'ai rien fait, je le jure...
Ça lui fait plus mal qu'il ne l'aurait cru, cette sorte de peur sur son visage. Il se sait faible, mais la nécessité de balayer ce sentiment est forte, trop forte pour qu'il en ignore l'existence. Il ne se formalise normalement jamais des réactions que provoquent ses interrogations, mais voir la jeune femme se redresser ainsi, apeurée, le dérange. Parce que ce n'est pas le rôle qu'il veut avoir auprès d'elle. S'il ne l'a pas encore défini, il lui suffit de se rendre compte du goût amer que cette vue lui laisse en bouche pour le savoir.
Il pose une main sur son épaule et appuie doucement, poussant la jeune femme contre le canapé, la forçant à se rallonger.
- Je ne voulais pas être un problème.
Elle sera un problème. Phrase prononcée mainte fois lors de la réunion qui a précédé l'intégration de Pya dans la Calavera. Trop pure, trop innocente, trop ignorante. De leur monde, de leurs pratiques, de leurs mentalités. Joaquin a décidé de balayer les oppositions, de prendre le risque. Jusqu'ici, ça a payé. Des renseignements en plus, des profits qui augmentent. Une intrusion trop curieuse de la jeune femme dans une salle qui ne lui était pas destinée, voilà tout. Mais là c'est autre chose. Il ne comprend pas et c'est le problème. Pas elle. Pas encore du moins.
- Ça a commencé... six ou sept semaines plus tôt, je crois.
Six ou sept semaines ? Et sans aller jusqu'à se rendre chez lui, elle n'a pas pensé à aller voir quelqu'un en autant de temps ? Il faut vraiment lui trouver un médecin qui ne la fasse pas penser que chacune de ses visites est un poids pour la Calavera.
- Des vertiges surtout, puis je les ai vues...
Sourcils qui se froncent. Le regard de la jeune femme ne le suit pas. Coup d’œil derrière lui. Rien, sans surprise. Quand il pose de nouveaux les yeux sur Pya, elle le regarde.
Il est en train de passer à côté de quelque chose, sans parvenir à poser le doigt sur ce dont il s’agit.
- C'est comme si on m'attirait hors de mon propre corps.
Il aimerait que ce soit une blague. Que personne n’a prévenu Pya que le sens de l’humour de Joaquin est comparable à celui d’un requin et qu’elle va se lever tout à coup, un grand sourire aux lèvres, enlever le maquillage mimant des cernes pour lui crier « surpriise ». Il gueulerait un bon coup et serait retourné à la recherche d’un repas.
Rien de tout ça ne se produit, au contraire. Plus Pya parle, plus le discours semble décousu et étrange. Et quand les larmes s’y mettent, il se retrouve figé. C’est la deuxième fois qu’elle pleure face à lui et cette fois-ci, ce n’est même pas de sa faute. Il s’apprête à ouvrir la bouche quand elle lui saisit les mains. Il doit se retenir pour ne pas faire un pas en arrière, peu habitué au contact humain, n’aimait guère qu’on s’immisce dans son espace personnel. Il serre un peu les doigts, seule consolation qu’il trouve à donner.
- Si je m'endors, cette fois... Je ne pourrais pas me réveiller...
Un silence qui lui semble durer une éternité. Une réplique digne de la scène finale d’un thriller. Sauf qu’il n’y a pas de caméra, qu’il ne sait pas soigner les personnes frappant à sa porte et qu’il n’a aucune idée de ce qui peut ronger Pya.
Pour la première fois depuis une éternité, il ne sait pas quoi faire. Appelle Clemens. C’est la première pensée rationnelle qui lui vient à l’esprit. La deuxième l’est beaucoup moins. Elle n’est pas allée voir le thaumaturge, elle est allée le trouver lui. Ce n’est pas sur Clemens qu’elle veut compter, c’est sur lui.
Joaquin n’aime pas décevoir. Il n’aime pas non plus échouer. Et, chose qu’il n’arrive pas à expliquer, il n’a pas envie de briser la confiance que Pya a placée en lui. Alors le risque est accepté et il renonce à l’idée d’aller chercher le téléphone.
Les réflexes reprennent vite le dessus. Le masque se replace, la « tranquillité » apparente sur ses traits aussi.
- D’accord … Qu’est-ce qui s’est passé il y a sept semaines Pya ? Qu’est-ce qu’il y a eu d’inhabituel, que tu ne fais pas d’habitude ? Et qu’est-ce que tu vois ?
Il espère que l’esprit de la jeune femme se montrera assez lucide pour répondre à ces questions. Il se rend également compte qu’elles sont rudes, brutales et posées en rafale.
Il vient s’asseoir sur le canapé à côté d’elle, frôle du bout des doigts son front en repoussant une mèche de cheveux. Elle est brûlante, son regard est vague, peu présent. Il le sent, il est en train de la perdre.
- Il faut que tu restes concentrée d’accord ? Est-ce que tu veux quelque chose pour rester consciente ?
Du café ? Du thé ? Est-ce qu’elle est seulement capable d’avaler quelque chose ? Comment est-ce qu’on est censé rassurer un malade ? Est-ce que ça fait ça d’être parent ? Se retrouver avec un enfant malade sans savoir quoi faire pour le soulager et être incapable de l’aider ?
Trop de questions pour Joaquin. Trop qui lui sembleraient normalement anodines mais auxquelles il porte maintenant une importance capitale.
- On va trouver ce que tu as. Tu ne fermes pas les yeux.
Je suis là. Il le pense mais ne le dit pas. Il ne le dit jamais et ça refuse une fois de plus de passer la barrière de ses lèvres.
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