Godasses terreuses, salopent le parquet verni de l'endroit. La boue séchée remonte jusqu'aux genoux, jeans écorchés, lutte acharnée. Deux gorilles escortent une frêle jeune femme à la chevelure reconnaissable entre tous. « Anna » qu'on murmure d'outre en outre du Red Lantern, parce qu'ici on la connaît, on connaît la prostituée nommée Raiponce ; Fut un temps elle avait du succès ici, elle rapportait beaucoup d'argent et elle est devenue de plus en plus chère, femme trop fertile, le principe était de les empêcher d'y aller. Inconsciente, ils craignent qu'elle se réveille et que de nouveau elle leur donne du fil à retordre. Puissante déesse mais humaine fragile encore que d'un coup frappé à l'arrière dans la tête elle est tombée raide au sol et ils ont pu se libérer des sables mouvants dans lesquels elle les a piégés. Invitée Anna, ou plutôt conviée de manière forcé à les suivre, elle s'est défendue, elle a cherché à fuir et finalement elle s'est faite attraper. Ils se dépêchent de la conduire là où lui a demandé de la ramener, faire leur travail et décamper pour ne pas avoir plus de problèmes. Endormie, entre les bras de l'un d'eux, ils toquent à cette porte, entrent après y avoir été conviés et viennent déposer la jeune femme sur un fauteuil sans plus de délicatesse.

Le mouvement la ramène à elle, plainte douloureuse entre ses lèvres quand elle essaye tant bien que mal de garder sa tête droite. La main passe par réflexe sur ce ventre légèrement arrondi, elle veut vérifier qu'ils sont toujours là, que tout va bien. La migraine frappe, d'un coup plus puissant que celui qu'elle a reçu, Anna déteste avoir la tête qui tourne, les oreilles qui sifflent. La nausée, les crampes dans le corps maltraité ; elle a reçu une sacrée baffe pour en venir à bout, la maîtriser, prise en traître, elle n'a rien vu venir. Annalisa lève les yeux, quand elle parvient à les garder ouvert. Elle reconnaît cette odeur entre mille, parfums d'orient, capiteuses, senteurs obscènes, insomnies sous les effluves d'encens, elle a passé trop de temps entre ces murs pour ne pas savoir où elle se trouve, Anna. Bienvenue à la maison princesse Raiponce, de retour dans ta tour; dans ta prison. Anna déteste cet endroit, ça lui rappelle ces longues journées passées à se voir humiliée, le ventre livré aux plus bas désirs d'inconnu. Elle soupire doucement et voit Zmeya, Asbjörn, s'attendait à voir aussi Oksana ou Artyom histoire de remuer le couteau dans la plaie jusqu'à ce que mort s'en suive. Elle se souvient que l'un d'entre eux lui avait dit que la bratva désirait lui parler, le but après cela avait été de fuir, se réfugier chez Clarence, abandonner le navire ; toute sa vie. Ses enfants sont en sécurité, sauf les deux derniers encore trop petits pour être laissés seuls. Qu'est ce qu'ils vont lui dire hein ? La réprimander comme une gamine ? La Bratva a l'air proche du Royaume ces temps-ci, elle l'a remarqué durant les festivités de l'Eden Manor. Qu'est ce que ça peut bien leur faire désormais qu'elle soit amoureuse de l'un d'entre eux ? Ça fait trois ans que son second mari est mort, il n'y a pas eu d'autre prétendant pour lui faire pondre de bons petits soldats. Alors Anna a retrouvé sa liberté, à redécouvert l'amour, le bonheur.

Anna se redresse dans ce fauteuil, referme machinalement sa veste sur elle comme pour protéger un peu plus les deux trésors cachés sous le nombril. Personne ne le sait à la bratva, pas encore. Elle attendait de voir, elle attendait de fuir. Annalisa grimace, parce qu'elle se sent prise au piège et qu'elle va avoir besoin de quelques instants pour retrouver ses esprits dans le cas où elle souhaite réutiliser ses dons pour se défendre. Elle replace ses longues mèches rousses qui lui cachent le visage comme un voile, telle Nerthus dissimule le sien. Prise dans les filets, la reine des Vanes, son regard se pose sur Asbjörn un de ses paris, un de ces nordiques dominés par les slaves.  Elle ne dit rien Anna, elle se concentre pour garder son calme, ne pas laisser l'hybris prendre le dessus et faire trembler les murs. Elle ne dit rien non plus, parce qu'elle a délibérément essayé d'éviter cette confrontation, parce qu'elle appréhende ce qu'il pourrait arriver et pense d'abord à la santé de ses enfants qui dépendent de la sienne.

Position de faiblesse, l'oreille siffle encore du coup qu'elle a reçu en plein dans la tempe et qui l'a empêcher d'engloutir ces hommes dans les tréfonds de la terre. Elle respire, doucement, le plus important est de reprendre le contrôle de son corps et de son esprit si elle désire tenter une défense. Il y a du vent dehors, les cimes des arbres tremblent sous la brise, la lumière renvoie leurs ombres sur elle et attire un instant son attention. Presque éblouie, rétine sensible, elle repose ses yeux sur les deux protagonistes qui semblent avoir exigé sa présence ici. Elle ignore ce qu'elle a fait à Asbjörn, employée modèle, elle a contribué à renflouer ses caisses, elle était là quand il a eu besoin de réconfort ; poupée muette, juste pour les soupirs désireux. Quand à Zmeya, elle ne la connaît pas assez pour juger du tort qu'elle aurait pu lui causer, encore moins à ce couple aussi étrange soit il. Messes basses échangées un peu plus loin dans la salle, elle ne sait pas de quoi il en retourne jusque là et  Asbjörn a l'air de ne pas être au courant de sa venue ici. A moins que ? Pièces du puzzle remis en place, et d'où l'envie soudaine de déguerpir car elle sera sans doute moins tendre qu'Aksel. Regard furtif et fuyant lancé sur la porte et puis sur cette silhouette à l'élégance slave qui s'approche trop près d'elle. Détourne l'attention, empiète son territoire, frôle la menace de cette main traînante sur sa mâchoire. Les ongles se seraient accrochées à la peau tachetée, elle ressent le mépris au travers de ses doigts, les ondes bien mauvaises laissées passées et qui la salissent. Ainsi les fréquentations remises au sujet du jour, elle prend donc bien la suite d'Aksel et Anna essaye de garder son calme – il en va de la vie de Clarence et de sa famille qui sont bien plus importants que sa propre vie en fin de compte. Les consignes imprimées dans son esprit de la part de sa geôlière – pas de fuite et des aveux qu'elle demande. Annalisa jette un regard à Asbjörn qui autrefois la protégeait, peut il cautionner ce qu'il se passe ? Elle aurait sans doute espéré une réaction de sa part au nom de ces fois là où elle a été son buvard affectif et où elle a été bien gentille. 

Elle n'a jamais été assez proche de lui pour quémander de l'aide, mais peut être, pour le travail fourni et parce qu'elle a toujours été exemplaire entre ces murs, qu'elle ne lui a jamais causé du tort, il la connaît un peu ? Il pourrait peut être adoucir les angles en disant que ce n'est pas son genre ? Non ? Compter sur l'aide d'autrui souvent est vain, surtout lorsque l'on est dans la Bratva, Anna a été oubliée trop longtemps et l'on s'étonne qu'elle en a profité pour aller voir ailleurs ? Ah, ben voyons, quelle ironie. Annalisa repousse le contact de Zmeya et puis celle-ci s'en retourne vers son ex-patron, d'autres messes basses, sans doute le plan à suivre pour lui faire cracher la vérité. Ça ne sera pas nécessaire, elle parlera parce qu'elle n'a aucun intérêt à se faire torturer avec ce qu'elle a dans le ventre. D'ailleurs elle n'attend pas qu'ils reviennent vers elle tenter de l'intimider, elle se redresse sur sa chaise, libère son visage de ces longues mèches rousses qui sont venues s'inviter d'un mouvement de main et hausse la voix. «  Il est du royaume, je croyais que la paix était de mise entre les deux clans, alors qu'est ce que ça peut bien faire que je choisisse d'être avec lui? » Le royaume est son objectif, parce qu'elle s'y sentira sans doute bien plus à l'aise et parce qu'elle pourra enfin être avec Clarence et sa famille sans avoir à se cacher. Un instant, son regard glacé se pose sur ses deux interlocuteurs, Anna n'est pas idiote, elle a vu à l'Eden Manor, mais ils ont aussi tendance à oublier qu'elle a protégé Aleksandr des attaques des autres quand il s'est changé en ours en le mettant hors de portée. Bien sûr qu'elle a d'autres secrets, mais elle ignore jusqu'où vont les soupçons et si elle peut continuer de faire comme si de rien était cela lui convient.

«  Je suis enceinte, ils le savent, ne prenez pas le risque de tuer deux potentiels dieux celtes en me faisant on ne sait quoi. Je ne suis pas certaine qu'ils apprécient » Sourire, étouffé dans un rire court et presque insolent, parce que cette faculté là leur est utile à la Bratva quand on sait l'importance qu'ils donnent à la pureté du sang et par extension à la rapidité de gestation dont elle est dotée, entre quelques jours il suffit, elle donne la vie a des enfants comme s'ils avaient été portés 9 mois. Six marmots, a priori futurs soldats de la Bratva, pour cela elle a été sortie du Red Lantern pour une vie « plus confortable ». Outre le fait qu'on l'ait casée avec un malade mental, elle en a toujours profité, elle le sait que c'est délicat et pour se permettre une porte de sortie elle préfère montrer rapidement ses cartes. «  J'ai bien dit ''deux''  » Elle ne fait pas la maline, Zmeya la veut sincère, c'est ce qu'elle fait à ce moment là. L'islandaise espère que l'argument de l'alliance sera suffisant pour s'en aller d'entre ces murs qui lui remontent de mauvais souvenirs autant que cela a été sa terre d'asile. Le ventre est arrondi sous la veste qu'elle porte, s'il y a besoin de preuves il leur suffira de constater. Elle craint qu'il se passe quelque chose, oui, n'en trahisse les battements rapides de son cœur et des multiples calculs dans son esprit pour trouver un moyen rapide de sortir d'ici sans avoir plus de haine bratvienne sur le dos. « Mais mariez moi de nouveau avec quelqu'un si cela vous gêne. Ça fait trois ans que je suis veuve, c'était le risque que je me remette avec quelqu'un. » Elle ne sera pas présente à la cérémonie, elle prévoit de disparaître dès ce soir.

Asbjörn, ô Asbjörn. Le regard bleuté de la déesse posé sur lui, peinée de constater qu'il n'a pas la moindre inquiétude pour Yggdrasil et se cantonne à la suprématie slave. Panthéon secondaire, il s'en accommode, quand elle l'aurait voulu allié Asbjörn, elle a souvent hésité à le mettre dans la confidence, lui demander de l'aider, elle a bien fait de ne pas lui révéler ses secrets. Et il la menace, l'arme sur le ventre rond ; n'hésiterait pas à faire sauter l'une de ses sœurs. La déception lui noue la gorge, incapable de lui répondre. Mâchoires serrées quand Asbjörn quitte la pièce, elle déglutit, pour peu elle lui aurait supplié de revenir. Parce qu'il est un dieu nordique et qu'elle a espoir que ce point qu'ils ont en commun puisse adoucir son sort malgré ses menaces ; Parce qu'il a été son protecteur par le passé et qu'aussi étonnant cela puisse t-il être, Annalisa craint davantage Zmeya seule. Rien ne transparaît sur ce visage pâle comme l'hiver, son regard attiré par l'unique silhouette interlocutrice, elle l'écoute parler et lui faire des remontrances. Elle ne parle plus Annalisa, son esprit tourne, elle réfléchi à un moyen de se sortir d'ici vivante. Le silence lui permettra de retarder l'échéance de la violence, si elle ne montre pas plus de signes d'agressivité il est possible qu'elle puisse s'en sortir sans égratignures. Optimiste comme toujours Anna, pleine de ressources, elle a des alliés bien placés, elle a foi en l'avenir grâce à Clarence et parce qu'elle n'a pas le droit de le laisser tomber après tout ce qu'il a fait pour elle. Zmeya se saisit de sa mâchoire, menaçante, Anna ne peut dévier l'attaque psychique, sent son esprit rongé de l'intérieur et dévoile les moindres parcelles de son esprit contre son gré. Elle s'immobilise, paralysée par l’envoûtement, la descente commence.

Et le voyage se fait dans les plus sombres recoins de sa tête, l'histoire de la belle contée de la pire des façons sur les pires instants de sa vie. Fraîchement débarquée jeune fleur d'à peine dix huit ans sombre dans la dépression suite aux intimidations de la Bratva. Abandon d'une vie, enfermée entre les murs du Red Lantern et la domestique voit son innocence volée dans un couloir de ces lieux, la culotte sur les chevilles. Et la douleur physique va crescendo, à chaque fois qu'on lui passe dessus, qu'on la souille, qu'on la rabaisse, qu'on la frappe pour qu'elle soit docile, Annalisa, tirée par les cheveux, les cuisses irrités à chaque fois qu'elle trouve le sommeil.  Et puis l'amant secret dont elle accepte la rémunération, Saturno Bellandi, revient, la traite bien, elle tombe enceinte et c'est le départ du nouveau cauchemar. Personne ne doit savoir que c'est lui confie t-elle à une de ses collègues. Imagine tout un tas de tortures qu'elle aurait subi, que son fils aurait subi si cela avait été su ; ça l'a hantée des années durant. Et la sortie du Red Lantern se fait également mauvais souvenir, nuit de sa première noce, frappée par le Torpedo qui était son mari, pour la rendre soumise ; et chaque fois qu'il rentre elle se cache, pleure, il la retrouve. La frustration de tuer sa déesse en elle, à chaque fois qu'elle perd l'envie de se battre, l'hybris fait des dégâts, elle perd le contrôle et détruit tout autour d'elle. La boule au ventre quand la déesse voilée de nouveau mariée craint de perdre la vie une troisième fois.  Et non, il meurt, elle pleure devant sa tombe, veuve encore, sur les bras cinq enfants trop jeunes qui sont pourtant destinés à être de bons soldats de la Bratva. L'horreur quand elle réalise qu'elle les enverra sur le front ou que ses filles se feront catins pour le bon plaisir du clan. Cela ne doit pas se réaliser

Le mauvais souvenir de ce regard jeté par dessus son épaule quand Alcide Belladi la tient à la taille ; l'impression d'être espionnée, jugée par la Bratva, qu'ils découvrent ce qu'elle s'apprête à faire entre les bras de cet homme qu'elle a ardemment désiré pour sa force et son ambition mais surtout se rebeller contre la Bratva en allant chez l'ennemi. Et dans cette danse passionnelle, elle entendait « traître, traître. » Pensées étouffées dans un baiser, réclame à l'amant de l'étreindre encore. Il naît cet enfant dont elle a provoqué la grossesse suite à cette nuit là et dans la joie éprouvée, il y a cette crainte qu'on le découvre un jour que lui aussi est issu d'une union que la Bratva n'aurait pas désiré. Par la suite les mauvais souvenirs passent par l'horreur et l'angoissante phobie de perdre Clarence à l'Eden Manor, de perdre son amour par les menaces d'Aksel, et de voir leurs enfants s'en aller d'Arcadia. Déchirement du cœur en les observant monter dans cette voiture, les larmes assèchent ses yeux, et elle a peur Anna, de perdre encore le contrôle, de voir sa grossesse se solder par la mort, de décevoir Clarence et de payer le prix de sa souffrance.

Électrochocs dans le crâne, Annalisa se défait de son emprise, l'hybris monte, une secousse sismique fait trembler les décorations sur les murs quand elle parvient enfin à respirer, verre brisé par la chute du tremblement provoqué par Annalisa elle sait que la suite ne se fera pas à son avantage si elle ne reprend pas le contrôle de la situation. Elle retrouve le souffle laisse son dos aller contre la chaise essoufflée, épuisée. Après cela elle va être chassée, après cela on mettra sans doute sa tête à prix, après cela les Torpedos seront sans doute à ses trousses.

Non.

C'est fini, sa place à la Bratva n'est plus, elle le sait, après ce que Zmeya aura compris dans l'orage de ses souvenirs, à observer le champ de bataille depuis le haut des cimes. L'hybris gronde, la terre mère se réveille, donnera des cataclysmes pour protéger sa famille. « Je ne vous dois rien ! Absolument rien ! » mépris craché en pleine face, Annalisa se lève et attrape cette chaise où elle était assise pour l'envoyer briser un miroir. Et puis elle fait face au démon. Les membres tremblent d'irritation, la frustration l'emporte dans la colère, violente colère de l'hybris qui fait de nouveau trembler les murs et décroche des cadres ; l'hybris qu'elle s'efforce toujours de réduire au silence, douce Annalisa pas si naïve que ça. « Je vous interdit de les approcher !!» Hurle, Anna, regard noir et assassin, l'hybris monte encore en grade et la plonge dans une hystérie destructrice et meurtrière. Prête à donner sa vie et à tuer pour eux, et Zmeya, ne fera jamais tel sacrifice personnel pour avoir Anna, c'est ce qui fera la différence. « Je me libère de vous !! Je n'ai plus rien à voir avec la Bratva et vous allez maintenant me laisser en paix ou je vous ferai la guerre !! je vais tout détruire !! » Rien à faire, face à Zmeya, l'insolence et la folie se mêlent, incontrôlable, ses muscles se crispent et les planches du parquet craquent sous la tension qu'elle exerce, tente de maîtriser le volcan en elle.