Effluves fruitées imbibées sur ses doigts fins et agiles, la lame tranche la chair tendre des prunes jaunes. Séparées, dénoyautées, elle les laisse de côté et passe à la suivante. La mécanique est douce, sereine, Annalisa prend son temps pour les ouvrir, l'une après l'autre avec la plus grande délicatesse. Déesse de la terre, sous le bout de ses doigts chaque plante chaque fruit, chaque fleur lui procure une sensation particulière. Fourmillements, ondes électriques, picotements, un courant privilégié avec ce qu'on ne soupçonne pas vivant.  Éclats de curiosité lui font relever la tête, le nouvel arrivé de la famille tend ses petites mains vers ses jouets suspendus et gazouille tranquillement.  Il attrape, essaye de serrer, essaye de tirer, découvre sous ses doigts lui aussi la texture, la sensation de sa peluche dans le creux de sa main. Son regard brillant, le sourire s'étire timidement et celle que l'on appelait Terre-mère dans un autre monde aurait tout pour être dans son élément. Le douce brise soulève ses cheveux roux dans le courant d'air qui se glisse dans la fenêtre, les arbres frémissent comme s'ils lui parlaient, essayaient de lui dire quelque chose. Nerthus n'est pas assez éveillée pour comprendre la langage du vieux saule de son jardin ni celui du chêne posé comme un chien de garde devant sa maison. Elle ressent pourtant, c'est toujours comme ça quand ils observent, quand ils espionnent.

La naissance de Sveinn se fait rumeur, et l'on se demande pourquoi la veuve n'avait jusque là pas sa silhouette de femme enceinte. Pistes brouillées sur la conception de son sixième trésor, l'Islandaise ferme les yeux. Les frémissements des arbres sont ils là pour prévenir de son meurtre ? Est ce que quelqu'un la soupçonne de quelque chose ? Elle avait eu l'espoir qu'après la mort d'Einar, le second époux, la bratva la laisse dans son coin. Et dans les derniers instants de ses funérailles, sous le voile noir est parvenu à ses oreilles l'intention de la remarier une troisième fois. Pas encore, avait on répondu. Par envie de lui laisser le temps de s'en remettre ? Parce qu'elle avait déjà des allures de maudite, la veuve noire ? L'enfant né et déjà on lui porte des propos étranges en fixette sur sa grossesse, on se demande si le défunt époux en est le père mais personne n'est venu lui poser la question - parce qu'Anna a des facultés hors normes sur sa fertilité, elle contrôle la gestation elle peut berner tout le monde et faire naître un enfant en quelques semaines à peine. puisque la possibilité de tromperie est grande, Il est plus convenable de l'observer du coin de l’œil, après la mort de Milan les choses ne s'étaient pas déroulées ainsi.

Suspecte pour les uns, pour les autres elle n'a toujours pas d'intérêt particulier. Prostituée à la retraite, vouée à pondre tant qu'on lui dira de le faire. Sveinn est à elle, rien qu'à elle, elle l'a désiré, elle l'a eu. Elle en paiera le prix, tôt ou tard ils sauront qu'elle n'est pas si innocente qu'elle en a l'air. Avec son esprit fragile et délicat elle est capable pourtant de pires choses tout comme l'est Nerthus. Sous-estimée, cela reste sa couverture jusqu'à ce qu'elle en décide autrement. Le coeur cogne dans sa poitrine sur les frémissements des arbres, quelqu'un est ici, quelqu'un est venu. Trois coups secs résonnent, le sursaut et les tremblements dans les doigts, elle a manqué de se couper. Visiteur qui n'est pas à la porte d'entrée mais à la porte fenêtre de la cuisine donnant sur le jardin, il n'y en a qu'un qui fait cela et quand son visage fait face à celui-ci elle est rassurée de reconnaître Alexei. Un signe de la main,invité à entrer ici puisqu'ici il y est toujours le bienvenu. La seule vision de son visage ne la trouble plus, il y a longtemps qu'elle ne fait plus de cauchemars sur son frère aîné à qui il ressemble beaucoup. Les mains trempées de prune elle les essuie et se lève pour embrasser Alexei sur la tempe. Complicité tenace, derrière les regards qu'elle lui avait surpris durant les repas de famille, attentions à lui en donner angoisses toujours par la crainte que Milan ne les remarque et note la couleur rougie de ses joues. La mère de famille désormais seule avec ses enfants enter les murs de cette vaste maison, maîtresse du foyer, elle s'y sent plus à l'aise, elle sent la liberté doucement. « Je ne t'ai pas présenté Sveinn! » Sourire fier sur le visage ensoleillé de la mère.

Invité surprise, accueilli comme le membre de la famille qu'il a été avec les petits détails que l'on passe. S'il est là, personne ne viendra la tuer aujourd'hui, personne ne viendra lui demander des comptes concernant cet enfant né. Le ciel se fait orageux pour elle, et peut être que le moment est venu pour elle d'affirmer ce qu'elle désire. Annalisa aspire désormais à vivre sa vie comme elle l'entend, élever ses enfants dans le respect et l'amour d'un foyer. Pour Alexei elle n'a pas réellement de secrets, sauf concernant ce petit être qu'elle lui présente, elle ne veut pas le rendre complice de ses écarts. C'est déjà bien assez compliqué comme ça. Elle acquiesce, le laisse sortir Sveinn de son siège pour l'avoir enter ses bras. Présentations faites avec son fils et son protecteur de la Bratva. Et elle regrette peut être de ne pas lui avoir offert de neveu, mais de son frère elle n'avait que des sueurs froides dans le lit conjugal.

Sourire sur les lèvres, à mi réflexion, avoir l'air épanoui peut être mal interprété par la bratva. Après la mort de son second mari, les suspicions pourraient graviter autour d'elle. Petit soupir, fatiguée de devoir faire attention à l'image qu'elle renvoie, elle observe Alexei qui tient entre ses bras sa sixième merveille. « Il l'est, regarde comment il t'observe » Anna veille de près à l'épanouissement de ses enfants au détriment du sien. Parce qu'Anna n'est même pas une femme pour la Bratva: Elle est mère, sa vie sentimentale sera inexistante au profit de son devoir biologique. Baladée de mariage arrangé en mariage arrangé pour cette seule et unique destinée de faire des enfants dieux nés des panthéons alliés de la Bratva. La naissance de Sveinn a été une envie de reprendre ce qu'elle est, la poupée de chiffon souhaite se débarrasser de ces liens qui la retiennent prisonnière, acte de rébellion, se prouver qu'elle en est capable - Car Sveinn a un père, c'est elle qui l'a choisi pour la toute première fois. Sourire décousu, le bambin attrape les doigts de sa mère et observe celui qui le porte. Grands yeux qui se posent sur le monde avec curiosité. Au creux des mains du torpedo il y a la mort et pourtant il tient cette créature tout juste en vie avec grande délicatesse et elle a toute confiance en lui.« Regarde Sveinn, c'est Alexei! tu deviendras un homme intelligent comme lui Sveinn! » la venue d'Alexei réjouit Annalisa parce qu'elle l'apprécie, qu'il a su colorer ses joues de rouge en la complimentant quelques fois et non en la gifflant. L'ambiance est bien plus calme et sereine que du temps où Milan était là,  il n'y a plus personne pour l'effacer. Maîtresse des lieux, elle entreprend de lui faire couler un café et lui servir une part de tarte, soigneusement glissés jusque devant lui. Car mère au foyer, femme exemplaire, et cliché depuis des années maintenant, Anna sait cuisiner et il n'y a rien qui dépasse. Le temps est long, quand les enfants sont à l'école, elle a dû souvent s'occuper. Peut être qu'on la laissera reprendre son travail, si l'homme qui lui passe de nouveau la bague au doigt accepte qu'elle ait cette fausse indépendance. Et si Alexei est là c'est aussi peut être porteur d'une mauvaise nouvelle qu'il doit lui annoncer. Ça lui prend alors dans le ventre, un nœud se forme face à l'éventualité. La naissance de Sveinn viendra peut être précipiter sa nouvelle union, qu'on donne un père à cet enfant.

Elle contourne l’îlot central de la cuisine, veille à laver soigneusement ses mains. Délogée à ses pensées quand elle coupe l'eau, se saisit du chiffons pour essuyer ses mains tout en se retournant vers l'ex beau-frère. Elle observe, détaille l'allure et le courbe de ses bras qui soutiennent Sveinn, Alexei avec un enfant et sans aucun doute que si c'était lui à qui elle devait dire oui, elle le vivrait moins mal. Le risque pourtant existe qu'il partage sa vie et que comme Milan et Einar il s'en aille et la laisse avec une maison toujours plus remplie et son cœur vide, encore plus vide puisqu'elle tient à lui. geste nerveux, elle dégage ses épaules de ses longs cheveux roux, muscles crispés dans le dos. « Ils ont choisi qui je vais épouser ? » Mains jointes devant elle, comme une coupable attend sa sentence. Besoin de savoir et pourtant dans le déni, Annalisa craint de s'offrir de nouveau à un inconnu qui souhaitera aussi envoyer ses enfants s’entraîner pour devenir des chiens en laisse. Mais le panthéon nordique et slave ne se mélange pas, alors elle n'a pas d'autre choix que d'accepter. Panique dans le cœur, fourmillements sur le bout des doigts, elle n'a pas le moindre contrôle de sa vie, laissée dans l'attente.