Il n'y arrivera pas. Vous allez voir, j'vais me faire 100 dollars sans même bouger.

Je souris en entendant la grande gueule se vanter de sa soi-disant future victoire. Il était nouveau et ne me connaissait pas encore. Mais il allait très vite déchanter. J'avais quatre coups de hache pour abattre un sapin assez âgé. L'arbre n'était pas trop épais, et je pouvais facilement m'y prendre des deux côtés. Je saisis non pas une, mais deux haches. Je vérifiai si elles étaient bien aiguisées, en changeait une car elle ne me convenait pas et en pris une autre. L’énergumène qui m'avait provoqué voulut s'offusquer, mais je le regardai et lui rétorquai.

Hey ! Un coup double, ça n'est toujours qu'un coup.

Le reste de mes collègues approuvèrent. Je me dirigeai vers l'arbre et pris une profonde inspiration. Je levai ensuite les deux haches et frappai le tronc d'un coup sec descendant. Deux entailles profondes, avec de magnifiques angles oscillant entre 40 et 45° s'étaient creusées sous l'impact. Premier coup. J'en donnai un deuxième avec le même angle, mais remontant cette fois-ci. Une fois encore, les deux entailles se formèrent et rejoignirent les premières, faisant voler deux blocs de bois dans les airs. Deuxième coup. J'observai un moment les dégâts de chaque côté. Bien. J'avais déjà bien entamé la structure du tronc.

Je tournai autour du tronc d'un quart de cercle et réitérai les deux coups précédents sur les parties encore intactes de l'arbre. Deux nouveaux blocs furent éjectés du bois, et celui-ci trembla quelques instants. Mais il se stabilisa sans s'effondrer. Je fis quelques pas, reculant pour observer la situation. Le vantard en profita pour exulter de joie.

Ha ! Il a pas réussi !
T'as dit quatre coups de hache ? T'as pas précisé ensuite. lançai-je avec un sourire malicieux.

Il voulut réagir, s'offusquer et m'ordonner que je lui donne le pognon. Mais, avant qu'aucun son désagréable ne puisse sortir de sa bouche, je pris mon élan, courus jusqu'à l'arbre et y donnai un coup de pied ravageur, juste au-dessus de la partie fragilisée. Un craquement sourd retentit. Le sapin se mit à bouger, d'abord lentement, puis de plus en plus vite, avant de s'effondrer sur les arbres avoisinants. Fier de moi, je revins vers le vantard et tendis la main. Il voulut réagir et refuser de payer, mais le reste des bûcherons lui lancèrent quelques regards mauvais qui achevèrent sa résistance. Il sortit les billets et me les tendit. Je le remerciai avec un grand sourire et m'éloignai.

Tout le monde repartit se mettre au travail. Je m'épongeai le front un instant, repris ma hache sur l'épaule et me remis en direction de l'imposant tronc que j'avais à émailler. Alors que j'abattais les branches les unes après les autres, j'aperçus une petite silhouette s'approcher. Une citadine, qui ne semblait pas du tout représenter la compagnie, fit son entrée sur le chantier. Je me redressai, m'essuyai le front de la main avant de la passer dans ma barbe. On aurait dit qu'elle s'était paumée. Je l'invectivai et déclarai.

Hey ! Le chantier est interdit au public. Qu'est-ce que vous foutez là ?