Pour toujours et à jamais

Les phares de la voiture viennent vers moi. Elle a fait une embardée sur le trottoir juste pour venir me voir. Je suis pétrifié et ne peux absolument pas bouger. Les goutes de pluies autour de moi commencent à tomber au ralenti. Derrière le par brise, je vois le chauffeur, surpris, et son co-pilote qui lui a pris le volent de force.

J’aperçois vaguement l'homme avant que quelqu'un ne m'attrape par le bras.

La voiture me traverse de part en part.

Le contact est froid et désagréable. Quelque chose est arraché de moi, comme si on me retirait un manteau de force. Je me retourne et me voit moi-même gisant sur le trottoir dans un cercle de sang qui commence à se former.

Preeti qui m'a pris par le bras me regarde et sourit. Elle lie ses doigts avec les miens et me murmure d'une voix enjouée :

"Viens, on a peu de temps !"

Le temps s'est finalement arrêté et nous rejoignons facilement la voiture qui m'a renversé quelques secondes auparavant. C'est étrange de laisser mon corps derrière moi ainsi. Preeti, méthodique, se penche par les fenêtres arrières et je fais de même à l'avant. Nous arrivons à la même conclusion.

"Ils n'ont pas pris Nisha ... Viens !"

Nous courrons à présent jusqu'à la maison encore en proie aux flammes. Le temps reprend petit à petit le cours de son histoire et nous voyons une femme encapuchonnée aller dans la même direction. Tiens, ça, c'était nouveau...

Dans le jardin, il y a un tas de couvertures et au milieu, un bébé qui hurle en silence, ses petits poings révoltés serrés. La femme s'approche pour s'en saisir...

Le temps commence à repartir, je me sens happer, il ne me reste que très peu de temps. Je regarde Preeti qui me tend la main désespérément, puis mon propre corps gisant sur le trottoir. Je cours vers lui.

"Il faut que je le fasse ... Sinon tout cela n'aura servit à rien."

Je m'attrape par le col, je suis encore vivant mais plus pour longtemps. Mes yeux sont désespérés et cherchent ce à quoi ils peuvent s'accrocher. Je penche la tête de mon moi mourant vers la maison afin d'être témoin de la scène qui suit, de l'enlèvement de Nisha par cette femme, juste avant de sombrer dans la mort.


Je me redresse d'un coup, les yeux plein de larmes. Des larmes de tristesse, de joie, de soulagement ou de désespoir ? Je ne sais pas...

Est-ce un réel souvenir ? Le visage de mon assassin est encore flou mais au moins, si je le vois un jour, je pourrais le reconnaître très facilement. Il me faut quelques secondes pour remettre mes idées et ma raison en ordre. Mon premier réflexe est d'aller chercher ma fiancée et de tout lui dire mais finalement, je n'ai rien de vraiment concret à lui annoncer. Et ici en Inde, il n'y a rien que nous puissions faire vraiment...

Et si ce n'était réellement qu'un rêve ?

Je regarde dehors et voir le soleil encore fatigué de sa nuit se lever timidement. Il doit être cinq heure du matin et je me sens l'énergie de traverser la ville en courant. Je saute de mon lit et saute sur Dmitri

"Tu fais quelque chose aujourd'hui ? Moi, j'ai une femme à épouser ! Tu sais ? La meilleure du monde."

Je décide rapidement de tout préparer pour le mariage, des alliances à mes vêtements en passant par un set de couture au cas où... Avant de me souvenir que j'avais déjà fait tout ça la veille.

En bref, je me suis réveillé avec plus d'une heure d'avance pour rien.

Sous une impulsion, je décide d'aller dans le jardin pour me vider de mon trop plein d'énergie. J'enfile des vêtements confortables et sort pour saluer les tout premier rayons du soleil. C'était quelque chose que je faisais beaucoup quand je suis entré dans les ordres, bien malheureusement, c'est quelque chose que je ne prend plus jamais le temps de faire.

Aujourd'hui, cela me paraît être plus important que jamais. Je commence par étirer tous les muscles de mon corps avant d'écarter les bras en croix face à l'astre et j'entame même quelques foulées au pas de course.

Je sens que quelqu'un m'observe.

"Salut Indira ! T'as bien dormi ?"

Elle rit avant de venir jusqu'à moi.

"Je vais chez Preeti avec Chaachee... Pour le rituel avec une pâte de curcuma. Tu vas le faire ?" j'approuve "Alors Isha ne devrait pas tarder. Tu n'as qu'a resté habillé comme ça, c'est parfait. Le curcuma, c'est salissant."

"Tu peux dire à Preeti que ..."

Mince ... Ce n'est pas le moment d'être à court de mots à dire, pourtant !

"Qu'elle m'a énormément manqué et que ..."

Je baisse les yeux, l'esprit vide.

"Je lui dirai que tu l'aimes !"

C'était pourtant si simple. J'approuve silencieusement.

Je la regarde s'en aller en me faisant un dernier signe de la main et j'entre dans la maison afin de préparer du thé pour mon futur beau-père et pour mon frère qui entre enfin dans la cuisine, les cheveux en bataille mais l'air serein. Il me demande si j'ai bien dormi, j'essaye de ne pas lui répondre que c'est sans doute la nuit la plus longue que j'ai passé sans encombre depuis très longtemps. J'acquiesce et lui retourne la question.

Isha arrive et je lui ouvre avant même qu'il n'ait eu le temps de frapper. Il a un sourire à la fois étonné et ravi. Il entre avec une jarre, certainement la pâte jaune dont Preeti m'avait parlé du rituel de haldi qui n'est pas obligatoire mais que je tiens à faire.

Pour toujours et à jamais

Assis dans la cuisine, je prend une énorme respiration. Devant moi, Dmitri est tout sourire, ses mains déjà pleine de pâte et Isha qui nous regarde amusé.

"... Non mais le jaune, c'est bien. Ça changera du noir !"

Je pensais que j'allais moi-même me tartiner de curcuma, pas qu'il fallait que quelqu'un s'en charge. Pourquoi ais-je accepté ? Je ferme les yeux et sens une pâte granuleuse être étalée sur mes joues, mon front, mon nez...

"A présent, il faut que tu ôte ton haut pour t'en tartiner le torse ! N'est-ce pas, m'sieur Isha ?"

Un regard vers le père ne me renseigne pas sur une pseudo-plaisanterie qu'ils se seraient échangés en cachette. Dmitri insiste et je déboutonne ma chemise. Ce dernier passe derrière moi et commence à m'en mettre dans le dos, presque trop méthodiquement pour ce que je connais de lui. Quand Isha le rejoins dans mon dos, je l'entend rire franchement, je me doute que quelque chose n'est pas normal.

"Qu'est ce que tu es en train de me dessiner ?"

"Rien rien ..."

"Qu'est ce que tu écris ?"

Isha et Dmitri éclatent de rire les deux.

"Une vérité indéniable."

J'ai peur. Je me lève et vais directement dans la salle de bain pour montrer mon dos au miroir. En lettres jaunes sur ma peau blanche, on peut désormais lire :


Après l'étonnement, la phrase me fait éclater de rire aussi. Je reviens dans la cuisine où les deux hommes sont encore en train de s'esclaffer. Avant que la pâte n'ait séché, Dmitri l'étale afin que ça ne se voit plus.

Nous restons un moment à discuter et à boire du thé en attendant que le curcuma ne fasse effet. Au bout des vingt minutes réglementaires, je me précipite dans la salle de bain pour tout retirer. En relevant ma tête devant le miroir, je m'arrête une seconde, assez stupéfait, je dois dire. Le curcuma avait effectivement fait de l'effet. Avec mes deux nuits consécutives passées à bien dormir et mon alimentation plus diversifiée du moment, je dois bien admettre avoir l'air beaucoup plus jeune.

C'est vrai que notre différence d'âge n'avait soulevé absolument aucune question pendant notre voyage. Cela ne m'aurait pas dérangé outre mesure mais je suis ravi que ça soit moins flagrant à présent.

"Kyan ? Ton destrier va arriver"

"Pati !"

Une fois tout le jaune bien retiré de partout, la salle de bain nettoyée. J'enfile mes vêtements de mariages et Dmitri m'aide à appliquer de la vapeur pour que tout soit bien impeccable. Je prend aussi mon talisman de lotus que je place autour de mon cou et auquel j'ai accroché les deux bagues de Preeti.

"Prêt ?"

"Oui."

Et sans aucune raison, Dmitri et moi nous étreignons dans la chambre. Je le regarde dans son costume indien bleu et violet. Je remarque qu'il a quand même pris un sabre d'apparat, non ... Deux ?

Il suit mon regard et m'en tend un en riant.

"Autant faire les choses à fond, c'est ça ?"

Dmitri sourit et acquiesce comme un enfant. Une fois affublée de l'arme émoussée, je rejoins la rue où un énorme pachyderme s'avance déjà, faisant s’exclamer beaucoup de passants. Il est magnifiquement décoré lui aussi, il porte une couverture blanche couverte de broderies violettes et rouges. Les soigneurs l'ont également peint avec force détails.

Pleinement en confiance, je m'approche de lui et, parfaitement docile, le voilà qui s'incline pour me laisser monter sur son dos. Une fois parfaitement installé juste derrière son cou, il se redresse.

Après avoir affronté l'Inde, les tests d'Indira et les parents de Preeti, je ressentais que cette balade ne pouvait être que du bonheur. Dans un état proche de l'ivresse joyeuse, je commence à me prendre au jeu et à saluer la foule des passants qui s'amasse déjà pour nous suivre. J'ai un doute sur le fait qu'ils fassent effectivement partie du mariage mais cela à l'air naturel et je suis un peu trop perché en hauteur pour m'en inquiéter.

Pour toujours et à jamais

Finalement, je pense que la ville entière est dans le cortège. L'éléphant est beaucoup plus calme que moi, certainement habitué à être entouré de centaine de petites bestioles qui crient et courent partout autour de ses pattes.

Docilement, Pati rejoint la place qui lui a été attribué et je le flatte derrière l'oreille pour le remercier. Comme habitué à en mettre plein les yeux à tout le monde, il remonte sa trompe et lâche un barrissement qui me fait presque sursauter mais qui fait que tout le monde nous acclame à ce moment là. Moi qui n'ai jamais été au centre de l'attention et qui a toujours eu horreur de ça, je suis ravi qu'un éléphant se dresse entre moi et une population surexcitée. Malgré tout, je me prend au jeu et salue comme on s'attend à ce qu'un futur marié le fasse.

Finalement, dans le fond, les cris de joies redoublent et les gens s'écartent. Ce n'est qu'au dernier moment que je vois Preeti arriver sur un magnifique jeune cheval orné de toutes les fioritures possibles et imaginables, monture comme femme d'ailleurs.

Je me penche sur ma propre monture pour lui demander de se mettre à genoux et en un rien de temps, me voilà au sol, oubliant totalement le monde autour de moi. Pour peu, je me mettrai à courir vers ma fiancée pour être plus rapidement vers elle. Fort heureusement pour moi, la foule s'écarte avec quelques exclamations. Sans doute que je ne fais pas dans les usages mais là, c'est plus fort que moi.

Tendant les bras pour l'aider à descendre, je serre ma Déesse contre moi. On a toute notre vie devant nous mais ce contact est un besoin vital. Jamais je n'ai ressenti ce violent bien-être qui m'envahis actuellement. Tout va bien à présent. Je murmure à son oreille.

"Tu m'as tellement manqué... Plus jamais on ne se quitte, d'accord ?"

A regret, je rend Pati aux soigneurs non sans avoir été étrangement étreint par sa trompe avant de partir, heureusement qu'il est gentil et qu'il a l'air de m'aimer car il aurait facilement pu me broyer.

J'aurais tellement aimé le garder avec moi pendant le mariage, ça aurait au moins eut le mérite de multiplier par deux le nombre de mes invités, mais je me dis surtout qu'il préférerait certainement être avec les siens dans un enclos au calme. Je me tourne vers Preeti.

"A qui dois-tu rendre ta monture ?"

Pour toujours et à jamais

Quand Pati est hors de vue, deux choses me ramènent à mon présent. La main de Preeti qui se glisse dans la mienne, naturellement, sans gêne et le fait que la mère de Preeti me parle à moi, sans détour, le regard bienveillant.

"Je vous remercie mais je ne sais pas vraiment y faire, c'est l'éléphant qui a su y faire avec moi pour me mettre en confiance."

Mes yeux se posent sur la jument et je trouve cet animal magnifique. Sans aucun doute, il fera le bonheur de l'élevage. J'ai hâte de voir l'autre mais déjà, me voilà entraîné vers l'eau où un bateau nous attend. Sans éléphant, me voilà au milieu de la foule où je suis beaucoup moins à l'aise, j'imite ma compagne en saluant les gens qui nous entourent. Heureusement, Preeti m'entraîne dans le bateau richement décoré.

Sans vraiment savoir pourquoi, je suis presque à bout de souffle. Je regarde ma future femme et me sens presque intimidé. Après cette séparation, l'agitation, le stress et le manque, l'intimité est quelque chose d'étrange à retrouver. J'aimerai tellement la serrer contre moi ou l'embrasser mais je ne sais pas si ce serait bien vu, d'autant que tous les bijoux qu'elle porte m font un peu hésiter, j'ai peur de lui faire mal.

Ma main se glisse cependant sur sa joue et fait teinter plusieurs boucles d'oreilles.

"Tout va bien, là dessous ?"

Pour toujours et à jamais

Je fais un grand sourire à la maman de Preeti. C'était tant mieux si elle reconnaissait mes qualités même si je ne suis pas certain que savoir monter un éléphant va me servir dans ma vie maritale tous les jours.

Très honnêtement, je souffre pour ma femme. S'obliger à porter tout ça doit être vraiment une torture. Si nous étions restés en Amérique, sans nul doute qu'elle aurait porté un de ces corsages qui coupe le souffle, les femmes sont décidément destinée à souffrir dans toutes les civilisation et sous le consentement de tous.

"Si ça ne tenait qu'à moi, tu aurais pu venir en T-shirt et en short. Bon, laisse moi regarder tes dessins sur les bras parce que plus tard, je n'en aurai pas l'occasion et encore plus tard, je serai certainement concentré sur autre chose."

Excellente excuse pour lui prendre le bras et lui caresser la peau tout en la détaillant au maximum. Je lui demande des détails sur les significations des différents dessins et symboles. En tombant sur son coude, j'ai un sourire et demande :

"Tiens, d'ailleurs, quel est le symbole de la fleur de lotus ?"

Je fronce les sourcils, il me semble déceler une marque bien particulière qui n'appartient pas au henné. L'autre coude ne présente pas ce teint. Sous le dessin, c'est très dur à déceler cependant. Pour ne pas rester dans le doute, je demande en lui montrant la marque :

"Qu'est-ce que c'est ?"

Quand elle me demande ce que j'ai fais pendant mes deux jours, je répond sans ambages, depuis le premier soir jusqu'à maintenant. Nous avons le temps après tout. Bien sur, j'en profite aussi pour regarder les dessins sur les jambes quand le conducteur du bateau ne nous regarde pas.

"Le premier soir, j'ai laissé le champ libre à Sheitan qui a frappé quelqu'un qui essayait de violer une femme, le lendemain matin, nous avons rendu visite à Pati, mon éléphant avec qui j'ai passé plusieurs heures pour essayer de me familiariser... Ensuite, on a fait des jeux vidéos, on est allé voir le temple où tu as fais tes études, on a fait les essayages de costumes de mariés, Dmitri a essayé d'embrocher les vendeurs pendant que ta cousine me remontait le moral, on est repassé voir mon éléphant... Et on est allé se purifier avec Dmiti. Voilà ! Et toi ?"

Quand elle me parle de son manque physique pour moi, je ne peux pas m'empêcher de l'embrasser longuement. Personne ne peut nous voir de la berge ici alors autant en profiter. Ce n'est qu'à ce moment là que je me rend compte d'à quel point elle m'a manqué.

Quand le bateau arrive, j'en grognerait presque...

Pourquoi si tôt, pourquoi si vite ? Quand sa fausse menace arrive, je prend sa main et l'embrasse avant de lui murmurer :

"Amen"

Pour toujours et à jamais

"Pureté, perfection, illumination et sagesse... Je suppose que tu es au courant du cadeau que ton père m'a fait." Je demande en exhibant le seul pendentif que je porte actuellement, le talisman en fleur de lotus "C'est pas aussi une position sexuelle ? C'est laquelle, d'ailleurs ?" Je demande innocemment.

Son annonce me fait un peu peur mais je suis rassuré qu'elle veuille en parler et accepte sa volonté de ne pas le mentionner pendant le mariage. Je hoche la tête et reprend mon sourire qui n'a rien de factice, je n'étais pas très fier moi-même de la première soirée que j'avais passé en célibataire.

"Très franchement, j'aurais été beaucoup plus à l'aise si les choses avaient été inversées... Savoir que je m'occupais de tout pendant que tu prenais du bon temps aurait été un vrai plaisir."

Quand le bateau nous débarque, l'énergie de mon rapprochement avec Preeti m'a tout de suite donné l'énergie d'affronter la foule. Je suis ma promise dans ses pas et dans ses gestes. Je me concentre sur ce que j'ai appris, je n'en ai plus pour longtemps avant d'avoir le droit d'oublier tout ce protocole.

Pour ma part, tandis que les prières s'adressent aux dieux, mes pensées sont tournées vers mes parents et à mon propre Dieu. Une fois fini, je pense naturellement à Nisha à qui je pense de plus en plus. Niska, ma fille à partir de maintenant. Une fois les prières terminées, je repousse la mélancolie afin de profiter à nouveau du moment présent.

Quand les colliers de fleurs nous sont remis, je sais ce que je suis supposé faire mais je ne compte pas spécialement mettre des bâtons dans les roues à ma future femme. Dmitri me regarde du coin de l’œil, lui aussi connais la tradition.

Agile et rapide comme l'est Preeti, je sais que je ne l'aurai pas facilement. Je me lève, et m'approche d'elle comme l'ignorant pour lequel je souhaite me faire passer, les sourcils hauts et les yeux affolés comme si j'avais oublié la suite des évènements.

Au dernier moment, je tend les bras pour lui passer la couronne de fleur.

Pour toujours et à jamais

La question me laisse dubitatif. Jamais je n'avais penser avoir mon mot à dire sur les parents de Preeti, convaincu de ne pas avoir le choix de toutes façon et que mon avis ne pèserait pas. Je réfléchis donc à la question sérieusement.

"Pour ton père, je pense qu'il est très protecteur avec toi mais je m'y attendais un peu. Pour le reste, il n'a pas essayé de me piéger ou me tester et je trouve cela très honorable. Une fois que nous avons parlé, il n'y avait plus rien à prouver. Pour ce qui est de ta mère, il y a quelques temps, personne ne l'aurait compris plus que moi dans son amour pour les traditions et le respect de la religion. Mais maintenant, je suis ravi qu'elle ait choisi de faire passer ton bonheur avant ses convictions."

Nous sommes arrivés trop loin pour risquer de tout perdre pour un caprice de ma part. Je me souviens vivement des mises en garde d'Indira et cela me tient encore en alerte.

"Ma foi est dans mon cœur, pas dans un morceau de métal."

Après presque trente ans, j'ai décidé que, de toutes façon, j'avais assez porté ma croix. Un paradis d'un nouveau genre m'attend désormais.

La mention de la position me laisse songeur un instant, je sens un sourire naître sur mon visage alors que je suis perdu dans mes pensées. Il s'agit de la position exacte qu'on avait quand on s'est envolé pour la première fois tous les deux, ensemble... Quelle nuit ça avait été ...

"Je vois très bien à quoi ressemble la position du lotus ..."

Quelle pensée dangereuse à avoir maintenant !

Malheureusement, je n'allais pas être au bout de mes surprises quant à mon obsession.

Ma tentative pour passer ma couronne de fleur ayant lamentablement échouée, un contact innocent se fait entre nous, un contact physique.

Immédiatement, j'ai à nouveau le souvenir de notre première nuit ensemble, elle sur mes jambes repliées, la vibration unique de cette première fois si fantasmée, le désir de faire plaisir à ma Déesse. Je ressens encore sa peau sous mes caresse, son odeur sous mes lèvres, nos muscles qui se tendent dans une danse harmonieuse. Pourquoi ça, pourquoi maintenant ?

Je regarde Preeti avec des yeux ronds, a-t-elle vraiment fait ce que je crois qu'elle a fait ? Comme en réponse instinctive, mon propre pouvoir se manifeste. Bien malheureusement pour elle comme pour moi, je dois à présent passer ma propre couronne de fleur autour du visage de mon amour.

Lentement alors, je passe ma propre couronne autour du cou de Preeti avant de frôler discrètement et tendrement sa joue, l'air de rien. Autour de nous, les applaudissements et les cris fusent mais moi, je ne vois que les yeux de l'amour de ma vie qui s'enfièvrent. Je me penche vers elle pour murmurer directement à son oreille.

"Tu sais qu'on a encore toute la fête, la danse et le repas qui nous sépare de notre moment intime ? Tu veux vraiment commencer à jouer à ça dès maintenant ?"

Pour ma part, je ne suis plus à ça près.

Pour toujours et à jamais

"Moi aussi, Preeti, si tu savais comme j'aurais aimé. Ma maman t'aurait tout de suite adoptée et t'aurait posé une foule de question sur toi, ta culture et tes dieux. Quant à mon père... Disons qu'il ressemblait à mon frère."

Quand je vois Preeti se tendre, je suis aussi confus qu'amusé. Elle sait qu'en usant son pouvoir, le mien se réveille automatiquement. Cependant, le charme a l'air de faire particulièrement de l'effet et je me demande à quoi c'est du, au manque ? Au contact sur le visage ? Ou simplement n'était-il pas si fort mais notre rapprochement a fait le reste ?

Pour ma part, j'ai à présent l'habitude d'être toujours attisé par le corps parfait de Preeti. Cependant, j'admets que le temps va me paraître bien long. Mais l'affolement de mon amour m'amuse, je ne me sens pas coupable étant donné que, pour une fois, c'est elle qui a commencé ce petit jeu de séduction entre nous.

Bien malheureusement pour moi, comme pour elle, nous voilà obligés de nous tenir la main sous le regard de tout le monde. Une chaleur enivrante envahis mon corps et ma respiration s’accélère. Pourvu que tout le monde prenne ça pour une simple nervosité.

"... Et moi, nous, à notre première fois, la première fois que je t'ai ôté ton sari..."

Elle ne m'aide pas, je n'allais pas l'aider non plus.

Comme on me l'a appris, nous nous dirigeons afin de faire sept fois le tour du feu, et à chaque tour, une promesse à réciter. La solennité de la situation fait un peu retomber mon ardeur et je me reconcentre sur ce que j'ai appris. Même dans cette culture étrangère, une promesse divine reste quelque chose d'immensément important pour moi.

Le premier vœu me vient en tête et je prononce avec un accent que je sais déplorable :

"om esha ekapadi bhava iti prathaman"

traduction:

Ce n'était pas celui auquel je tiens le plus, mais il faut bien admettre que notre relation avait débuté presque mots pour mots ainsi. Étrangement, je ne m'en rend compte que maintenant.

Pour toujours et à jamais

Tandis que le premier vœu de ma chère et tendre est prononcé, les souvenirs de ce que j'ai a dire me reviennent rapidement. Un nouveau tour se forme autour du feu et je ne peux m'empêcher de regarder Preeti alors que je prononce ces mots auquel je crois tout particulièrement.

"om oorje jara dastayaha"

Traduction:

L'avantage d'un tel besoin de concentration est qu'il fait passer mon désir pour elle au second plan. Je me dois de croire en ces mots, c'est important pour moi, pour Preeti et pour toutes les personnes ici présentes. Je sens Sheitan me seconder dans mes pas comme pour prendre part également à cette cérémonie.

Pour toujours et à jamais

Ses mots prononcés, je me souviens de leur signification. J'acquiesce à sa phrase et je remarque que mon aimée à les larmes aux yeux. Je lui fais un sourire d'encouragement.

Malheureusement, j'ai du mal à me rappeler du troisième. Alors que le cercle se termine, il me revient enfin alors que j'use de tout les moyens mémo-technique que je m'étais préparé. Juste à temps pour ne pas que ça se remarque par l'assemblée, je prononce enfin :

"om rayas santu joradastayaha"

Traduction:

C'est sur que la richesse n'est absolument pas mon but premier avec Preeti. La prospérité, en revanche, m'étais assez chère. Avec ce qui se passe dans nos vies, je n'aspire qu'à un peu d'équilibre et de confiance dans l'avenir.

Pour toujours et à jamais

Quand elle prononce sa réponse, je crois me souvenir qu'il s'agit d'une volonté de fidélité. Encore une fois, je souris à ces dires, si le monde ici présent savait à quel point il n'était pas nécessaire de le formuler, je pense que beaucoup d'entre eux hurleraient au scandale.

J'aimerai tellement arrêter de tourner avec elle, la prendre dans mes bras, l'embrasser, mais nous en sommes encore tellement loin...

Nous en arrivons au quatrième vœu. A nouveau, j'éprouve le besoin de ressentir ces mots :

"om mayo bhavyas jaradastaya ha"

Traduction:

Après la nourriture et la protection des enfants, il n'y avait rien de plus vrai. Croire qu'un prêtre catholique ne pouvait pas croire en des dieux hindous est certainement une vérité à toute épreuve avant d'en avoir fait l'expérience d'une manière on ne peut plus concrète.

Je ne sais pas si j'ai jamais touché Preeti avec ma propre religion mais le contraire est une vérité à toute épreuve. Quant aux enfants, je ne sais pas si nous en auront jamais...

Pour toujours et à jamais

Quand Preeti mentionne son vœu, presque malgré moi, je lui fais un sourire en coin. Tout le monde voit le sous-texte derrière cette phrase ou seulement moi à cet instant précis parce que je viens d'être salement échaudé par une Déesse ? Je parviens néanmoins a retrouver mon sérieux à temps.

Quand vient mon tour, j'annonce en cinquième vœu :

"om mayo bhavyas jaradastaya ha"

Traduction:

Tout, dans cette phrase, est scrupuleusement exact. Nous nous l'étions dit tellement de fois que je suis ravi de voir cette phrase inscrite à présent dans des vœux de mariage sacrés. J'avais trouvé ça dommage de ne pas pouvoir écrire nos propres vœux comme cela se fait en occident, cependant, les termes hindous sont si proches de notre réalité que cela ne m'embête plus autant.