Une autre soirée noyée dans les rires, les éclats de voix et la musique balancée un peu trop fortement. Tout autour d’elle la vie semble battre son plein, c'est ça qu’elle aime, c'est la raison pour laquelle elle ne reste jamais sagement à traînasser dans l’appartement trop bien tenue qu’elle partage avec sa colocataire. Elle n'avait pas voulu se joindre à elle ce soir, elle avait des « choses à faire », choses que Freya soupçonnais d'être une pure invention, une excuse parfaitement trouvée et incontestable par son imprécision, peut-être qu’elle se trompait, peut-être pas, ca n’avait en réalité pas la moindre importance à ses yeux.  Elle l'avait donc laissé derrière cette porte close et était partie se perdre dans le bruit et la lumière, jamais vraiment besoin de qui que ce soit pour observer la vie lorsqu’elle ne la vivait pas vraiment elle-même et ces derniers temps, elle se surprenait à la chercher plus souvent qu'à l'accoutumée. Le frisson manquait, apportait le vague à l'âme subtil de celle qui s'ennuierait presque d'une vie d'égarement et d'excès. À dire vrai ce n'était pas presque, l'adrénaline avait lâché ses veines depuis quelque temps, la passion s'était éteinte et au lieu de foncer droit devant, la jeune femme passait un temps bien trop chronophage à contempler des plans qui ne prenait toujours pas forme. Une prudence loin de lui être caractéristique, une prudence qu’elle exècre et qui l'ennuie. Pourtant elle se trouve obligé d’agir ainsi, tisser le lien voulu avec celui qui avait sans aucun doute oublier jusqu'à son existence était compliqué, c’était un homme froid et imbus de sa personne, presque inaccessible et intouchable, mais elle ne perdait pas de vue l’importance de se donner les moyens de devenir pour lui une figure indispensable.

Un verre, puis un autre…la blondinette ne sort que peu les billets froissés qu’elle sent immobile dans la poche de son jean noir sans doute trop serré pour le bien des yeux masculin qui s'y perdent. Ils viennent à elle trop facilement. Un sourire, un battement de cil, parfois rien de tout cela, mais pourtant ils viennent avec leurs phrases d'accroche pourries, leurs sourires enjôleurs et leurs confiances toute relatives en eux. Elle déteste les types comme ça, pourtant ce sont eux les gentils garçons, les types pour lesquels on est censé tout abandonner. Il faut croire pourtant qu’elle est restée enfermée dans l'attrait juvénile pour ceux qui sont loin d'être recommandable. Âme torturée, gueule brisées et coeur noircis, voilà ce qui parlait à son coeur tout comme à son corps, le genre dont on se méfie, le genre qui pourrait vous dévorer quand bon leur semble.

Autre bar, autre verre, autre public. La nuit n’est pas vraiment avancée et déjà il lui semble qu’il ne reste que les âmes un peu perdues, celle encore à la recherche de ce qui viendra les satisfaire, que ce soit dans un verre, les courbes d’un autre ou dans un doux poison trop vite respiré. Elle observe, n’arrive pas à s’immerger dans la vie qui s’étale autour d’elle, alors dans un élan presque trop rapidement suivie, elle décide de quitter les lieux aussi vite qu’elle les avaient pénétrer.  Ses pas la porte dans l’air froid de cette fin novembre, elle connaît bien le quartier désormais, peu fréquentable,  qui ne paye pas de mine, mais elle ne s’y sent pourtant pas si mal que ça. Très vite, elle se rend compte que ses pas l’ont mené bien près du QG de la Bratva et elle décide de s’y rendre, elle n’a après tout pas mieux à faire et a cette heure, il doit bien y avoir encore quelques âmes qui y traînent, elle pénètre donc les lieux, salut vaguement une ou deux tête déjà croisés, son air n’est pas très aimable, mais ils lui renvoient pourtant. Freya bien décidé à se rendre au bar situé un étage plus bas, franchie un peu brusquement la porte qui mène aux escaliers et cela sans escompter que quelqu’un puisse se trouver juste derrière et pas n’importe qui cette grande blonde bien trop présentable pour un lieu comme celui-ci…elle la déjà croiser auparavant, mais ne lui avait jusqu’ici jamais parler. Son bras se tend vers elle de façon un peu machinale, comme si cela allait changer le fait qu’elle a bien failli lui coller la porte dans la tronche. « Désolée je peux être un peu brusque, pas de casse ? »

Elle garde la tête haute, n’affiche pas cet air mortifié qu’on aurait pu aisément excuser, non, en lieu et place de cela elle se contente de passer sur l’incident et se saisie volontiers de la main tendue de Freya. L’idée de la torpedo n’était pas tant de la saluer que de retenir, a retardement, une éventuelle chute, mais à son tour elle ne se laisse pas surprendre et fournit à la jeune femme une poignée de main ferme et engagée.  La première impression n’ayant pas franchement été la bonne, elle tâche de donner le change sur la suite de l’histoire qu’elles dressent toutes deux au milieu de cet escalier désert.

Dédramatiser pour garder la face ou parce qu’elle ne se prend finalement pas autant au sérieux que la cubaine l’aurait pensé, toujours est-il qu’elle lui offre un de ses rares sourire ; discret, léger, presque imperceptible par sa fugacité si on ne lui prête pas vraiment attention. La réflexion l’amuse, dieu sait qu’elle n’aurait elle-même pas réagit aussi bien, elle l’avoue aisément, elle serait probablement monté sur ses grands chevaux et aurait littéralement incendié le coupable, mais Alexandra, puisque c’est ainsi qu’elle se présente, a de toute évidence bien plus d’élégance et de retenue qu’elle et elle vient le prouver en se penchant avec grâce pour ramasser sa mallette. « Freya. Lâche-t-elle toujours appuyé contre la porte partiellement ouverte, un pied entre deux univers ou presque.  Plus d’une fois à dire vrai, je n’oublie jamais un visage. Qui plus est, il serait difficile d’oublier celui de cette gigantesque blonde. On peut dire ça oui. Aucune raison ici de cacher ses véritables activités, elle savait qu’Alexandra était vu comme une référente au sein de l’organisation, certains avaient même utiliser le terme oracle si elle se souvenait correctement ? Surement un code à la con pour compliquer son statut d'informateur ou elle ne sait quoi! La vérité c’est qu’elle ne s’était pas vraiment interrogé sur le rôle des autres, mise à part évidemment ceux qu’elle côtoyaient régulièrement, peut-être que c’était là l’occasion d’élargir ses connaissances au sein de la bratva, après tout on ne sait jamais à quel moment son voisin peut se révéler utile. Je bosse au Red Lantern. La jeune femme se demande un instant si elle se doit de préciser qu’elle s’y occupe de la sécurité, elle ignore si Alexandra connaît l’endroit, mais si c’est le cas c’est évident qu’elle doit déjà l’imaginer les cuisses écartées, un quinquagénaire frustré et rougissant s’agitant sur elle. Ca l’amuse intérieurement, mais elle décide pourtant de développer un peu sa réponse. Je m’occupe de la sécurité des pauvres âmes qui…elle penche la tête, lève un sourcil ; donnent de leur personne là-bas…sourire en coin. Vous connaissez ? Elle croise ses bras sur sa poitrine, attend une réponse, drôle d’endroit pour une conversation, endroit idéale pour échanger des banalités ? Elle en oublierait presque pourquoi elle a atterrit là, il faut dire qu’à force de déambuler sans but de la sorte, c’est exactement ce qui se passe.

Elle aurait pu rentrer, elle aurait pu finir dans un autre bar à parler à d’autres types sans intérêt, elle aurait pu tristement aller faire un tour au Red pendant son jour de repos, ca n’aurait pas été la première fois, ca pouvait paraître navrant, mais la vérité c’est que les endroits familiers la rassurait, elle s’y sentait bien, à sa place, forte. Bon il n’y avait pas que ça il fallait bien le reconnaître, il y avait aussi celui qui cachait derrière son visage neutre et discret, un secret qu’elle mourrait d’envie de découvrir, pas pour l’exposer, mais pour se rassurer en un sens, confirmer ce qu’elle croit être une vérité absolue, les gens ne changent pas, ils évoluent, mais ils ne changent pas. Jamais.

Son attention se reporte sur sa vis à vis, laissant ses pensées lui échapper. Et vous ? »