« Maudit Hybris. Maudit corps. Maudite récurrence ». Une litanie qu’il se répétait à chaque combat, perdu ou gagné pour la Bratva. Il était rarement là pour fêter la victoire, et jamais quand il était question de pleurer une défaite. Dans le premier cas, il était bien souvent aux urgences ou chez lui ou chez Bryn, à être soigné – ses blessures prenant bien trop de temps à guérir, comparé à ses comparses - . Dans le second cas, il était « sûrement » aux urgences. Ce soir ne faisait pas exception à cette règle. Quelques emmerdeurs au Red Lantern, Maksim qui était exceptionnellement en congé, et lui qui était dans les parages pour faire le point sur une ou deux informations avec une ou deux filles. Un cocktail explosif qui menait Wolfreim à être la première vague signée Bratva contre ces personnes, et à être la première victime d’une frappe – une chaise en bois qui se brise avec beauté sur son dos.

« Putain. Je ne vais pas faire vieux os » pensa-t-il, amèrement. Combien d’années lui restait-il ? Est-ce qu’il avait pu éponger ses dettes passées avec cette vie qu’il avait menée ? Avait-il protégé la Bratva comme « elle » l’aurait fait, comme « il » l’aurait fait ? Avait-il était à la hauteur de leur attente, s’ils étaient encore en vie ? Une réponse qu’il aura, le jour où il fermera les yeux pour de bon et que son corps et son âme seront enfin seuls, à pourrir allégrement sous quelques mètres de terre, sans Ull. Sans regret. Sans combat.

Le conflit réglé, en faveur de la Bratva évidemment, il est traîné sans tarder vers une pièce calme du Red Lantern, avec une tonne de glace sur son dos meurtri, lui couché sur le ventre – une position sacrément gênante, à bien réfléchir. Les ecchymoses se formaient sans aucune pitié, ne faisant que ressortir davantage les stries blanchâtres nombreuses – beaucoup trop – sur ce corps. La forme d’une chaise était visible, et les échardes pouvaient être vues en raison des petites rougeurs formées. Pour ce dernier point, quelqu’un allait venir l’en débarrasser apparemment. Bryn, ou une fille ou un médecin, il n’en savait rien, et il ne voulait nullement y réfléchir. Tout ce qu’il désirait était d’être soulagé.

Le silence de la pièce se brisa au doux son d’une porte qui s’ouvre, et de pas sur le plancher. Pour Wolfreim, c’était synonyme de délivrance à travers quelques antidouleurs et une aiguille – ou pince à épiler – dont l’ingrate tâche allait être de le débarrasser de ses échardes sous peau. Les paupières closes, il finit par se décider à les ouvrir pour tenter de fixer la personne – un peu de politesse au vu de la tâche qui l’attendait.

- Merci, se contenta-t-il de dire, ne voyant malheureusement que les pieds et les jambes au vu de sa position inconfortable. Par contre un mélange vodka & rhum serait possible, pour un peu noyer le poisson ?

Expression merdique, mais qui collait bien à cette situation « merdique ». Les antidouleurs étaient fortement utiles, il ne pouvait nier, mais ils prenaient un sacré temps à réagir. Or, l’alcool – réalité ou seulement perception subjective – semblait être bien plus rapide – l’efficacité était à discuter, évidemment.