Astrid s’était réveillé, comme chaque jour, avec la même simplicité : en ouvrant les yeux. Son sommeil sans rêve avait été agité, comme en témoignait l’application d’analyse de sommeil qu’elle s’efforçait de déclencher chaque soir en allant se coucher. Elle ne se sentait pas fatiguée et elle avait soif. Rien que de très ordinaire pour la jeune femme.
Une tasse de thé à la main, la blonde avait le temps d’observer les étoiles qui brillaient encore dans le ciel, le vent frais de l’aube faisant voler ses cheveux autour de son visage. Son visage était fermé, comme à son accoutumée, mais si l’on avait fait un peu plus attention à elle, on se serait sûrement rendu compte qu’une ombre de sourire semblait danser sur ses lèvres.

Astrid quitta son appartement avec la discrétion d’un chat, la lourde porte d’entrée ne faisant aucun bruit en se refermant derrière elle. La nuit n’était pas assez sombre pour la camoufler, même en dissimulant ses cheveux blond sous la capuche noire de sa veste, les lampadaires, les lumières des phares de voiture ou bien encore des enseignes qui brillaient dans la nuit teintaient le ciel sombre d’une lueur irréelle, rosée, persistante. Les nuits n’étaient jamais sombres à Arcadia… A moins que l’on ne sache où aller chercher l’obscurité.

Au pas de course, Astrid entreprit de jogger jusqu’à la salle de sport où elle avait l’habitude de venir s’entraîner. Elle salua d’un signe de tête l’homme assis à l’accueil, le même qu’elle croisait tous les matins en arrivant et parfois très tard le soir, quand elle sentait qu’elle avait besoin d’extérioriser ses émotions sur un sac de sable. En journée, l’accueil était occupée par une bubble-blonde souriante, aux seins aussi faux que ses ongles, qui n’avait jamais touché à un poids de sa vie mais adorait pouvoir passer sa journée en pantalon de yoga. Pas qu’Astrid eut quoique ce soit à redire à ça… Elle appréciait la vue autant que les autres habitants de la salle.

Sa veste noire vint trouver sa place habituelle sur le porte-manteau tandis qu’elle changeait ses runners pour ses chaussures de salles, qui restaient dans le casier qu’elle avait sur place. Ce matin était un matin à sac, elle le sentait dans ses muscles, alors elle attrapa ses bandes de boxes avant de sortir du vestiaire.

La salle d’entraînement était aussi désertique que les autres matins où Astrid était venue à cette heure, ce que la blonde appréciait tout particulièrement. Elle pouvait lâcher ses coups sans crainte qu’un oeil indiscret se demande pourquoi et comment elle tapait aussi fort, elle pouvait laisser Enyo remonter jusqu’à ce que sa peau frémisse en la sentant dessous, et prendre, prendre, prendre, jusqu’à ce qu’elle soit repue. Avec un sourire, elle attrapa une corde à sauter et commença à sautiller sur place, jusqu’à ce que son souffle se fasse plus court et que son coeur batte la chamade dans sa poitrine.

Elle était occupée à frapper sans relâche un pauvre sac de sable qui valdinguait au fil de ses coups de poings et de pieds quand elle entendit la porte s’ouvrir derrière elle. Elle ne prit pas la peine de relever la tête, ni de se tourner, jetant simplement un coup d’oeil dans le miroir qui ornait l’un des murs de la salle pour confirmer que celle qui venait d’entrer était bien celle qu’elle attendait. Quand ses yeux furent tombés sur la silhouette d’Aura, Astrid se redressa, ses coups cessant instantanément, avant de se retourner pour faire face de plein pied à celle qui lui avait fixé ce rendez-vous matinal.

Elle l’observa silencieusement faire ses étirements, ses yeux cherchant sur le visage de l’italienne le moindre signe de gêne, cherchant sur le corps de l’italienne les signes des semaines passées sans s’entraîner. Ils étaient là, dans la raideur de son corps ou bien dans la lenteur d’un mouvement qu’Aura aurait effectué sans arrière pensée quelques mois plus tôt.
Astrid sentit sa gorge se nouer, et son coeur s’emballer. Les signes physiques étaient toujours là, des semaines après l’événement, et ils la rendaient malade.

« T’es sûre que c’est une bonne idée ? » demanda Astrid, tout en approchant malgré tout d’Aura, pour la rejoindre sur les tapis au centre de la pièce. « Si tu n’es pas complètement remise, c’est mieux d’attendre non ? » Ce qui, une fois encore, ne l’empêcha pas de se mettre face à Aura, les poings légèrement levés, prête à attendre le premier coup.

Astrid pouvait discuter, s’inquiéter, émettre des doutes… Au final, elle savait très bien qu’Aura ne prenait aucune décision sans y avoir mûrement réfléchi, et que malgré ses interrogations, il n’y avait aucun doute dans son esprit que ce combat allait bien avoir lieu.