Sa vie prend un autre tournant, subit un coup d’accélérateur inattendu. Swann prend connaissance de toutes les données récupérer, bien loti chez lui, sous la lumière descendante de cette journée interminable. A la seconde où il a franchi la porte de son appartement, le jeune homme a filé droit vers sa douche, quasiment certain qu’il trainait encore l’odeur caractéristique du Red Lantern. Mélange d’encens, de sexe, de sueur, de pisse et d’autres senteurs abjectes. Encore pire que l’odeur de la mort. Il ramène ses cheveux encore humides en arrière, contemple l’étendu des vidéos capturées après avoir passée en revue les audios récupérer. Et tout cela au nez et à la barbe des deux concernés, du Red Lantern entier. Tout ce qu’il veut, il l’a et l’obtient : La déchéance de son père et de son oncle. Couple incestueux dégueulasse et à gerber qu’il prendra plaisir à faire chuter de ce trône qu’ils pensent discret. Au fond de son âme, Zmeï jubile, lui injecte dans les tripes cette satisfaction de vengeance qui approche, jours après jours. Parfois dans des sursauts, Swann se voit confronter à des flashs colorés, chaotiques. Des images qu’il revit pleinement à 100 à l’heure, lui donnant l’impression que sa peau s’embrase alors que cet homme l’achève, le condamne sous cette montagne écrasante qui finira par l’achever. Des sensations désagréables, étouffantes, comme si le poids du monde cherchait à l’écraser jusqu’à ce qu’il en crève. Des souvenirs qu’il peine encore à gérer aujourd’hui, bien que la cohabitation se fasse avec plus d’aisance qu’au premier jours.
Swann trie, supprime les enregistrements vidéos et audio qui ne servent à rien, conserve les images et les mots les plus précieux qui feront glisser Ariel et Asbjörn droit en enfer. Le jeune homme tient à être là pour observer leur chute, leurs visages décomposés, déconfits. La panique dans les yeux, la sueur de l’angoisse le long du dos. Il les détruira, LE détruira, au creux de ses larges paumes et ce, jusqu’à ce qu’il en crève un jour.
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Fin de soirée
Les chiffres défilent sur l’écran de l’ordinateur. Autre ambiance, autre contexte. Swann n’est plus chez lui dans sa petite bulle de confort et de satisfaction, mais entrain d’égrainer le quota de l’argent perçu cette nuit. Des passes à n’en plus pouvoir, des billets lâchés avec leurs mains poisseuses et dégueulasses après s’être démener sur leurs prostitués. Et comme chaque jour, il en a la gerbe, ravalant cette bile acide à lutter contre les mauvais souvenirs qui lui tiraillent l’esprit. Cette fois, ça ne sont pas ceux de Zmeï qui l’obsèdent mais les siens. Sa mère à revenir plus décharnée chaque jours, maquillage coulant, cheveux défaits. Ses « amies » venant cracher sur un client brutale, stupide ou dégueulasse. Les bruits, les gémissements, les odeurs caractéristiques qui n’ont pas changées. Seul l’antre de son bureau semble être plus ou moins immunisé contre les odeurs répugnantes grâce un encens à la douce odeur de feu de bois. Sa préférée. Le jeune homme s’applique sur ses calculs, ses comptes, observe et réajuste certaines erreurs de manière minutieuse. A croire qu’il a fait ça toute sa vie. Il gère également le budget pour les réparations à effectuer, les améliorations à apporter, sans compter les « salaires » de ceux qui se donne autrement que par l’acte charnel. Swann s’apprête à jeter un œil aux passes d’Ariel pour quelques vérifications personnelles mais est aussitôt interrompu par quelques coups à la porte.
« Entrez. » Le jeune homme lève les yeux vers son visiteur qui s’avère être une femme et pas n’importe laquelle. Lui qui s’attendait à voir débarquer le patron, se voit surprit – ou presque – d’avoir Freya devant lui. A la seconde où leur regard se croise, Swann ressent le même feu que le jour où ils se sont captés au Red Lantern, après des années de silence radio. Et s’il n’en montre rien, il n’en pense pas moins. Freya a été la pierre blanche sur son tableau noire, l’âme étrange mais captivante, presque obsédante qu’il n’a pas hésité et encore moins regretté, d’entrainer avec lui au cœur même de ce qu’il y a de pire chez l’Homme. Et quel n’a pas été sa déception et sa surprise de la voir évoluer dans les boyaux du Red Lantern, aux bras de son enculé de père. Il mentirait de dire qu’il n’est pas curieux, parfois inquiet, de la voir ici, de leurs côtés. Et il a pris tout le temps qu’il lui fallait, oeuvrant avec une discrétion imperceptible, pour l’observer, l’étudier. Le jeune homme hausse les sourcils à la vue de la bouteille et des deux verres.
« C’est ta manière de venir me demander d’augmenter ton salaire discrètement ? » Une entrée en matière particulière, teintée d’humour. Une façon bien à lui de lui dire bonjour après des années sans se voir.
Les habitudes se prennent avec une facilité presque déconcertante. Trois mois qu’elle arpentait les couloirs aux néons rougeâtres et à l’odeur de perdition et déjà elle y avait ses habitudes, ses affinités flottant sur la surface imperméable et infranchissable de sa considération. Le Red Lantern n’avait rien d’un lieux accueillant ou distingué, il puait le sexe, l’abus et les bas-fond, mais il était sien, ici elle se sentait impératrice, gardienne des âmes égarés, ici elle pouvait oublier la tristesse de son passé et la noirceur de ce futur qu’elle construisait pierre après pierre avec une lenteur qu’elle percevait comme méthodique et éclairée. Ici elle prenait un nouveau départ, dans cette ville, ce travail, cette communauté Bratvienne, mais aussi avec tous ces nouveaux visages et ses espoirs pernicieux. Il n’y en avait qu’un qui n’avait rien de nouveau, un qui avait hanté ses jours et ses nuits pendant des périodes hachées et entrecoupées de séparations salvatrices, un seul qui, lorsqu’elle avait de nouveau croisée son regard, avait fait perdre à son coeur un battement silencieux. Elle n’avait rien fait, rien dit, s’était contenté de lui jeter le genre de regard qu’elle jette à tous et toutes, celui d’une indifférence arrogante. Quelques mots avaient été échangés pourtant, toujours en public, toujours neutre et fades, comme si leurs souvenirs communs n’étaient plus qu’un mirage, une histoire qu’ils se seraient racontés et avaient lentement laisser mourir. C’est parfois l’impression qu’elle avait lorsqu’elle repensait à certaines scènes fanées d’un passé dont elle tuerait pour oublier ne serait ce qu’un morceau, le problème étant qu’elle ne saurait choisir lequel.
Ses pensées silencieuses s’éteignent alors qu’elle arpente le couloir de l’étage, elle tend l’oreille devant chacune des portes devant lesquelles elle ne s’arrête pas, prête attention à ce qui pourrait sortir de l’ordinaire, aux bruits qui n’auraient pas à venir se répercuter contre les murs peints de l’endroit. Elle est aux aguets, s’applique à faire correctement ce travail sans prestige, mais qui revêt pour elle une importance toute particulière, c’est une façon de s’installer, d’induire une confiance hautement nécessaire au coeur de celui qui l’avait rapproché un peu plus d’un père fermement ancré au plus profond de ses desseins. Oh oui ce travail revêtait bien plus qu’il pouvait n’y paraître.
Les heures s’égrènent et les pièces se vident, ce n’est pas vraiment commun à cette heure, mais l’approche de Thanksgiving coupe sans doutes les ailes volages de certains de ces messieurs pourtant habitués à batifoler dans le dos de leurs épouses. Ainsi, Freya en vient à s’ennuyer, ses doigts suivent ses pas, viennent se balayer sur le mur irrégulier du couloir, s’engagent sur la balustrade de l’escalier qui la ramène à l’entrée du Red, d’un côté se trouve le bureau d’Asbjorn qu’elle a vu s’éclipser un peu plus tôt, elle doute le revoir ce soir, une mission lui est venue aux oreilles, une qui n’était pas pour elle. Son regard se détourne de ce chemin et vient naturellement faire face à l’autre voie, celle qui donne sur le petit salon de bienvenue si toutefois on pouvait prétendre que qui que ce soit, soit vraiment accueillie en ces lieux, et elle s’y laisse porter, le regard mécaniquement attiré vers la porte d’un autre bureau, plus petit, plus sommaire, mais dans lequel se trouve une silhouette qui éveille terriblement son intérêt.
Peut-être est-ce dû à l’ennui, peut-être que ce n’est là qu’une réminiscence de ses vieilles habitudes, mais elle décide qu’il est temps de venir poser les questions qui lui brûlent les lèvres, de comprendre ce changement auquel elle ne peux décemment pas croire, alors elle se glisse derrière le bar, attrape deux verres qui viennent tinter l’un contre l’autre dans un délicieux son cristallin, puis une bouteilles de bourbon qu’elle remboursera si toutefois on le lui demande, puis d’un pas décidé s’avance vers cette porte encore fermée. Freya hésite un instant à juste entrée, mais elle se ravise et d’un geste vient doucement faire cogner la bouteille contre le bois, ses mains trop chargées pour lui permettre un coup plus ordinaire. C’est un effort venant d’elle, même si elle n’attend pas de réponse avant de s’offrir le droit de pénétrer l’antre de cet homme qu’elle connaît si bien. La question se laisse poser, la faisant sourire intérieurement, même si son visage lui ne bouge pas d’un iota. Elle se contente de l’observer, s’avance d’un pas avant de lui offrir à son tour une réponse. « Si c’est tout ce qu’il faut pour t’acheter tu as peut-être bel et bien changé alors. Elle ne perd pas vraiment de temps, laisse entendre à demi-mot ce qu’elle pense, juste une entrée en matière, une petite provocation encore bien douce avant que le feu ne s’embrase, enfin ca, c’est s’il n’est pas ce qu’il prétend être dorénavant, elle est sûre que l’homme si ordinaire qu’il présente chaque jours ne pourrait dépasser les règles de la bienséance. Elle s’avance dépose sur le bureau devant lui et accessoirement sur ses livres de comptes ouverts, les deux verres, la bouteille elle, finissant un peu plus près de son côté de la table de travail. Je me suis dit qu’il était temps de boire un verre en souvenir du bon vieux temps. J’imagine que tu t’en souviens encore. Elle s’assoit, vient appuyer son dos contre le dossier de la chaise avec une nonchalance toute personnelle et croise ses jambes, sourire mutin sur les lèvres. Alors, dis-moi ? Tu as trouvé la foi ou une connerie comme ça ? »
Swann ne se lève pas, se contente de la regarder évoluer sans bouger. A l’époque, il passait des minutes à l’observer lorsqu’ils se côtoyaient encore, lorsqu’elle fumait, buvait, le chevauchait, arpentait les rues en quête d’emmerdes à semer à ses côtés. Une époque qui lui évoque de – très – bons souvenirs, des jours à flirter avec leur part d’ombre qu’ils ont pris plaisir à goûter sans modération. Aujourd’hui, les choses ont changé et cela vaut pour eux d’eux. Ce que Swann affichait ouvertement, il le dissimule derrière un masque parfait, un jeu d’acteur hors pairs. Quant à Freya, elle aussi a changée. Il ne retrouve plus la même flamme au fond des yeux, la même rage, à moins que ça ne soit plutôt le désespoir qu’il lui manque aujourd’hui. Celui-là même qui la rendait belle à en crever. Une mélancolie qu’il trouvait sensuelle.
« Si c’est tout ce qu’il faut pour t’acheter tu as peut-être bel et bien changé alors. Le sous-entendu est aussi gros que la bouteille qu’elle pose sur le livre de compte ouvert, suivit des deux verres. Swann fronce les sourcils, jouant le parfait étonné face à cette petite provocation balancée d’entrée de jeu, envoyant toutes politesses aux oubliettes. Comment lui en vouloir. Il n’a rien à voir avec ce qu’il était, tout du moins en apparence. Pas étonnant qu’elle soit dubitative et/ou surprise de voir le démon qu’elle connaissait rangé en gentil petit comptable aujourd’hui. Je me suis dit qu’il était temps de boire un verre en souvenir du bon vieux temps. J’imagine que tu t’en souviens encore. - Difficile de l’oublier, oui. Comme il serait difficile de l’oublier elle mais ça, il se le garde pour lui, tout en lui offrant un sourire tranquille, toujours sans bouger de sa chaise. Freya prend ses aises et visiblement la jeune femme à conserver ses meilleurs réflexes en terme d’appropriation des lieux. Un trait de caractère qui lui plait. - Alors, dis-moi ? Tu as trouvé la foi ou une connerie comme ça ? - Non, je crois qu’on appelle ça la rédemption. Tac au tac, mains croisées sur le bureau après avoir légèrement pousser son livre de compte. Swann saisit la bouteille qu’il débouche, remplissant ensuite les deux verres de bourbon dont l’un qu’il tend à Freya. A nous retrouvailles, donc ? » Cette entrevue est aussi étrange que naturelle. Swann sait qu’il doit se montrer plus vigilant que jamais face à celle qui a choisi dans le camp adverse, mais d’un autre côté, leurs mots se croisent, se joignent, avec une aisance étrange. Comme s’ils ne s’étaient quitter que depuis deux semaines et non plusieurs années. Mills fait teinter son verre contre celui de Freya et se permet de tremper légèrement les lèvres dans cet alcool qu’il n’aime pas particulièrement. Loin de lui l’idée de donner le bâton pour se faire battre en perdant stupidement ses moyens avec un taux d’alcoolémie trop élevé.
« Fallait bien que mes conneries s’arrêtent, la maison de correction ne m’a pas tellement donné le choix pour ça. Ça n’est un secret pour personne que de savoir que ce genre « d’institut » ressemble à ce qui se rapproche le plus de l’enfer. Des tartes dans la gueule il s’en est pris, que ça soit du personnel ou de la part des paumés comme lui et Swann avait tout intérêt à filer droit. Chose qu’il n’a pas toujours fait soit dit en passant. Je vois que tu t’en es plutôt bien sorti de ton côté. Comment t’as atterrie ici ? »
Elle l’observe, avoue aisément apprécier l’idée qu’elle ait pu le marquer, même si elle n’en dit rien. Il était évident que lui avait laisser une marque indélébile dans l’esprit de la jeune femme, pas pour ce qu’il était, pas pour l’influence qu’il avait pu avoir, mais pour le feu qui la consumait et qu’il avait su attiser un peu plus à une époque ou elle n’avait rien. Tout était différent à présent, le monde qui l’entourait n’était plus le même, ses pas ne la menait plus vers un brouillard imprécis, mais vers un avenir indéniable, quant à lui elle n’en avait pas la moindre idée, mais ce qu’elle était pourtant en mesure de savoir était que quelque chose dans le personnage assis en face d’elle n’avait pas le moindre sens. Les jambes se croisent et le regard dévie un instant sur ce qu’elle vient de déposer sur le bureau soigneusement rangé de Swann qui vient lui parler de rédemption. Elle laisse échapper un éclat de rire moqueur non dissimulé, venant de lui ses mots ont une saveur bien particulière, comme si il en était simplement capable…
Les verres se remplissent et l’un d’eux lui est tendue, elle s’avance, se décolle un instant du dossier inconfortable de la chaise sur laquelle elle a pris place, force est de constater que ce bureau n’avait pas la même envergure que celui d’Asbjorn dans lequel elle avait sensiblement passé beaucoup plus de temps. Elle se saisit du verre et le lève devant elle lorsqu’il propose de trinquer à leur passé commun ou plutôt à leur retrouvaille. « A ta prétendue rédemption alors ! Elle enchaîne presque immédiatement en avalant une gorgée de l’alcool choisi, pas le moins bon clairement. Elle a à présent retrouvé sa position initiale, appuyée contre le dossier, les jambes croisées, le verre dans une main, elle le fait légèrement tourner entre ses doigts, liquide balancé et presque hypnotisant si toutefois on s’attèle à le regarder. Elle ne le fait pourtant pas, son regard lui est fixé sur l’homme qui lui fait face et elle l’écoute sortir l’explication qui est sans doute sa préférée et qu’il a dû servir un milliers de fois à tout autant de personnes.
Tu devines ça comme ça juste en me voyant ? Je bosse dans une maison close, c’est pas ce que j’appelle une réussite évidente ! Elle lève simultanément épaule et sourcil avant de remonter son verre et de réajuste sa position. Ca va je suis plus du même côté de la porte c’est déjà pas mal. Disons que j’ai suivi mon instinct, j’avais envie de changement et j’ai frappé à la porte qu’il fallait. Et toi du coup ? Elle s’avance, se penche un peu en avant avec un air exagérément intéressé. Non laisse-moi devinez. Elle penche la tête, l’observe un instant, mais tout ce qu’elle voit n’est qu’illusion, elle en est certaine. Marié, deux gosses, l’église tout les dimanches pour te faire pardonner de bosser dans un bouge que le seigneur qualifieraient à coup sûr d’antre de l’enfer ? Elle laisse échapper un souffle ironique. Je brûle ou pas ? » Bien sûr que non, elle ne fait que le suivre dans son petit jeu du comptable ennuyeux et invisible, tout ce qu’elle sait qu’il n’est pas.
Il a toutes les raisons de s’inquiéter de cette venue soudaine, de cette tentative de prise de contact. En vu du rôle que Freya a au sein de la Bratva, Swann a milles et une raison de craindre un retournement de situation et à une allégeance profonde auprès d’Asbjörn. Raison de plus pour être prudent et tenir son rôle comme il sait si bien le faire. Malgré les années passées, Freya n’a pas changée. Il voit au fond de son regard cette même espièglerie, bien qu’il manque cette part de ténèbres qu’il affectionnait particulièrement. Swann n’a rien oublié de leur descente aux enfers à deux, à arpenter les ombres et à les créer.
« Tu devines ça comme ça juste en me voyant ? Je bosse dans une maison close, c’est pas ce que j’appelle une réussite évidente ! - Peut-être, mais tu pourrais être également morte vu la tangente qu’on avait pris. » Et c’est exactement ce qu’il sous-entendait lorsqu’il lui disait qu’elle s’en était plutôt bien sorti. Ils ont certainement frôlé la mort et joué beaucoup trop de fois avec pour ne pas percevoir tout ça comme une sorte de petit miracle.
« Ca va je suis plus du même côté de la porte c’est déjà pas mal. Disons que j’ai suivi mon instinct, j’avais envie de changement et j’ai frappé à la porte qu’il fallait. Et toi du coup ? Il ouvre la bouche mais n’a pas le temps de formuler un seul mot, Freya lui coupant l’herbe sous le pied. Non laisse-moi devinez. Marié, deux gosses, l’église tout les dimanches pour te faire pardonner de bosser dans un bouge que le seigneur qualifieraient à coup sûr d’antre de l’enfer ? Je brûle ou pas ? - Tu n’as jamais été aussi froide qu’en cet instant précis. » Le sous-entendu est peut-être là, tout dépendra de comment Freya l’interpretera mais Swann s’autorise un léger rire amusé face à la petite histoire qu’elle vient de lui compter. Lui, marié et des enfants ? Jamais et plutôt crever. Pourquoi ? toujours à cause du même connard qui lui a pourri l’existence. Comment pourrait-il envisager un seul instant d’être père avec l’exemple qu’il a eu lui-même ? Sans compter toute la gente masculine qui est passé sur sa mère à maintes reprises, sans l’ombre d’un respect. Qu’ils aillent tous crever dans l’enfer qu’il aura lui-même créé. Swann prend une gorgée d’alcool sans lâcher Freya des yeux. Quelque chose s’anime en lui, inévitablement. Cette femme a toujours eu cet effet sur lui de vouloir répandre le chaos et lui faire goûter tout ce qu’il y a de plus sombre. Il ne regrette absolument rien de ce qu’ils ont vécus, de leurs échanges charnels à toutes les choses glauques qu’ils ont pu expérimentés et de la voir ainsi presque « saine » lui donne des envies qu’il connait si bien.
« J’me suis rangé, pas converti. Et le seigneur peut bien rester là où il est, il n’a jamais vraiment fait preuve d’efficacité depuis le début. Toujours un sourire tranquille aux lèvres, Swann n’a plus rien de sombre, plus rien de manipulateur. L’image qu’il donne est parfaite et il le sait. Il a durement gagné la confiance d’Absbjörn, quant à Ariel et bien il ne s’en soucie pas trop pour l’instant, pas avec tout ce qu’il compte lui faire manger dans les prochaines semaines. Ils ne savent rien de ce que trame le monstre qui gratte à l’intérieur de ses côtes et surtout, personne n’est en mesure de pouvoir imaginer le quart de la dose de vengeance qu’il compte insuffler aux concernés. Mais pour l’instant, il se concentre sur celle qui n’est pas qu’une jeune femme, ainsi qu’à leur retrouvaille. La maison de correction m’aura au moins servi à ça, ils ont fini par me faire rentrer dans le crâne que j’allais droit dans le mur si je continuais. Même les gens comme nous peuvent changer, tu en es bien la preuve, non ? » De nouveau, un sourire tranquille et une nouvelle gorgée d’alcool. S’il devait lui aussi suivre le même discours, c’est exactement ce qu’il pourrait dire de Freya. Bien qu’elle bosse dans une maison close, elle s’en sort malgré tout bien mieux que ça n’aurait pu l’être. Maintenant ce qui l’intéresse, c’est de savoir si tout ce qu’elle était à réellement disparu.
« Il n’y a rien de si surprenant à vouloir se racheter une bonne conduite. Tu me prenais pour un cas désespéré visiblement. » Petite touche d’humour sans jamais déloger son regard de celui de Freya. Quelque chose plane autour d’eux et ça n’est pas l’un de leur nombreux fantômes du passé.
Il n’a pas vraiment tort, elle aurait pu être morte et en quelque sorte elle était l’avait été, car il lui avait fallu perdre une partie d’elle même pour permettre à celle qui se tenait aujourd’hui face à cette ombre sortie tout droit d’un passé presque oublié, une autre vie,, d’être tout simplement. Elle ne s’étend pourtant pas sur ce chemin, ne le souhaite pas, garde une position forte, une contenance évidente et l’attrait indicible pour celle qu’elle était aujourd’hui, l’autre Freya, celle qu’il avait connu, n’était plus. Disparue, dissoute.
Peut-être est-elle finalement soulagé d’entendre qu’il n’est pas aussi différent qu’il pouvait bien le laisser croire par l’air qu’il s’appliquait à donner. C’était là quelque chose de complètement paradoxale, elle mettait tant d’effort à dépasser tout sens du passé et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de se réjouir de retrouver ce visage, cette silhouette et l’espoir qu’a contrario d’elle, il n’avait pas véritablement changé. Elle ne l’expliquait pas, ne se questionnait pas sur sa façon de voir les choses, elle se contentait juste de faire, de penser. Sa réflexion lui arrache un rire succinct qui s’étend finalement dans un sourire qu’elle finit par faire disparaître dans le verre qui se réchauffe doucement au creux de sa main.
Elle reste passablement étonné de l’entendre se qualifier de « rangé », n’arrive pas tout à fait à l’imaginer de cette façon, mais se doute qu’elle va pourtant bien devoir en être un témoin distant. La maison de correction, elle semble revenir dans ses propos, se rappelle des peu de fois où il avait pu en sortir pour la rejoindre avant que leurs routes ne finissent définitivement par se séparer. Un sourire piquant vient se caler au coin de ses lèvres, a-t-elle vraiment changé ? Elle n’en est pas si sûre, sa vie a très certainement pris un tournant, mais elle ? Rien ne lui semblait absolu.
« Si tu le dis…Elle avale une énième gorgée, vient légèrement pencher son verre dans lequel elle fait doucement danser l’alcool. J’ai jamais dis que tu était un cas désespéré, mais je ne t ‘imaginais pas capable de…elle lève une main vers lui, le désignant simplement. Ca ! Tu sais, le genre comptable, inintéressant et chiant. Elle lève une épaule, ne s’attarde pas sur la façon dont il pourrait potentiellement prendre son discours, elle est comme ça, il ne la sûrement pas oublier. A dire vrai, je ne suis même pas sûre que tu en sois vraiment capable. J’attend de voir j’imagine ! Elle lève les sourcils d’un air légèrement provocateur. C’est le genre de chose qui avait tendance à le faire réagir auparavant, mais comme il l’avait dit, il avait soi disant changé, aussi rien ne devait plus être sûr. Ne le prend pas mal surtout, c’est juste que tu te donnes des airs des exacts types dont tu te foutais y a une dizaine d’années, je trouve ca plutôt amusant. Tout arrive ! »
Ou pas, car non elle n’y croit pas, ca lui semble invraisemblable et très honnêtement elle s’en trouverai déçue. Le souvenir qu’elle avait gardé était de ceux qui vous réchauffent, qui bien que sagement rangés, pop sans raison de temps à autre pour vous rappeler un temps dépassé, mais là en l’instant et avec ce type dans la même pièce, elle avait d’autant plus envie d’avoir raison, qu’il avoue ne jouer qu’un jeu, elle n’a même pas envie de connaître le pourquoi du comment, elle veut purement et simplement avoir raison.
Jouer la comédie lui est plus simple qu’il ne l’aurait imaginé si il ignore le feu étrange qui ronronne au fond de sa poitrine. Freya est source de doux souvenirs brûlants, de soupirs désireux, d’obscurité, de partage dans l’ombre du glauque. Revoir ce regard espiègle, brillant de cette petite étincelle que l’on pourrait penser perdu dans les années passées, lui titille ses propres ténèbres mais surtout, cette tentation palpable de marcher de nouveau sur la lame du rasoir à ses côtés. Et si, tout comme lui, elle n’avait pas changé ? Là, tout de suite, il n’en sait pas grand-chose puisque leur conversation en est au simple stade du tâtonnement. Malgré la joie sincère bien que surprenante de la revoir, Swann n’en oublie pas un facteur majeur et essentiel dans cette histoire : Sa proximité avec Ariel et Asbjörn. Et ça, ça l’emmerde profondément. Et si elle n’était qu’espionne envoyée sur le terrain pour tester sa fiabilité ? Il n’en serait pas surpris même si Swann a pris toutes les précautions nécessaires pour que personne ne sache sa véritable nature et ses motivations. Et il a beau retourné toutes les situations, ouvrir chaque tiroir de ces souvenirs, il n’a rien omit. A part Ariel. Et s’il s’avère que cette pute soit responsable de la présence de Freya dans son bureau, il le paiera plus cher que tout ce qu’il peut craindre aujourd’hui. Ses plans sont tellement millimétrés que Swann nage comme un poisson dans l’eau chez la Bratva, sans que personne ne soupçonne quoi que ce soit … L’éventualité que tout ça ne soit qu’une illusion l’inquiète.
« Si tu le dis… Décidément, elle a bien du mal à y croire. Sans surprise, cela dit. J’ai jamais dis que tu était un cas désespéré, mais je ne t ‘imaginais pas capable de…Ca ! Tu sais, le genre comptable, inintéressant et chiant. A dire vrai, je ne suis même pas sûre que tu en sois vraiment capable. J’attend de voir j’imagine ! Ne le prend pas mal surtout, c’est juste que tu te donnes des airs des exacts types dont tu te foutais y a une dizaine d’années, je trouve ca plutôt amusant. Tout arrive ! - Si ça peut te rassurer, moi non plus je m’en pensais pas capable mais comme tu dis, tout arrive. Il écarte ses larges mains sur son bureau, délaissant un instant son verre d’alcool. Il se passe un tas de chose en une dizaine d’année et ça n’allait certainement pas être toute la merde qu’on s’enfilait dans la rue qui allait m’filer un toit en sortant de là-bas. » Et dans ces yeux, tout le monde pourrait y lire une implacable vérité. Après tout, il n’a pas tort, Freya le sait aussi bien que lui. Des merdes, ils en ont vécu autant qu’ils en ont semé et prit, mais si Swann n’avait pas eu vent de la survie de son enculé de père, peut-être qu’il y serait toujours dans ces rues à prêcher le mal et la douleur, à semer un désordre et un chaos sans nom. Peut-être même qu’il aurait retrouvé Freya bien plus tôt et l’aurait entrainé avec lui dans cette chute sans fin. Swann reprend son verre, bois une petite gorgée avant de retrouver les prunelles claires de cette femme qu’il ne saurait absolument pas qualifier. Ni petite amie, ni partenaire, en étant pourtant parfois indissociable tant les deux êtres avaient ce besoin furieux de se retrouver.
« Il a fallu que je me trouve un job, de quoi vivre pour éviter de crever pitoyablement dans un caniveau. Et même si pour être honnête ici ça n’est pas franchement mieux, on a au moins le mérite de pouvoir s’en sortir un minimum. Si son père n’était pas gérant de ce bordel, il n’y serait pas. C’est ici que l’on pourrait jauger l’amplitude de sa haine de s’infliger pareille torture que de revenir sur les lieux de son enfance morbide et chaotique. L’odeur de foutre, de transpiration, de sexe sale, de malsain, tout le ramène à sa mère et aux assauts subits et répétés. Désolé de te décevoir, si c’est l’ancien Swann que tu cherchais pour raviver la petite étincelle d’antan, il n’est effectivement plus là. » Dans ce simple fait énoncé, Swann y dissimule peut-être une perche, une petite provocation. Serait-il vraiment – faussement – le seul à avoir renoncé à leur passif ?
