Staten Island.

Je venais de quitter les enfants handicapés pour leur baignade estivale. Arpentant le sable, encore pied nus, à la recherche d'éventuels objets laissés, je crois entendre un cri suivit d'un saut dans l'eau. Évidement, je pense directement à des adolescents qui jouent, mais par acquis de conscience, je vais voir.

Avant de pouvoir réagir, je me fige, une personne se débat dans l'eau près du ponton. Autour de moi, personne n'est là pour porter assistance à la victime. Je jette ma veste et retire ma chemise avant de me jeter à l'eau.

"Et c'est alors que Brahma répondit: nous la cacherons à l'intérieur d'eux même, car c'est le seul endroit où les hommes n'iront jamais la chercher."

... Depuis quand je me remémore les textes de mon peuple?

J'ouvre les yeux effarées lorsque je me rend compte de l'eau rentrant dans mes poumons.
Etant une habituée de l'apnée, j'avais oubliée les règles, pour éviter ce genre de désastre: Ne pas être seul. Et... le faire en piscine!

Mes membres se délient, mais la surface à l'air si loin!

Quelle idiote. j'arrive à peine à crever la surface de la mer en me débattant...




100 mots

Je plonge dans l'eau et nage directement vers la silhouette qui se débat. Je remarque que ses gestes sont calculés et non en proie à la panique pure. Cependant, ils sont aussi de moins en moins coordonnés jusqu'à être immobile. Je l'attrape et la ramène à la surface avant de nager jusqu'au rivage. Heureusement que ma formation de sauvage est encore fraîche.

J'allonge le corps sur le sable et, sans perdre de temps, pratique un bouche à bouche dans les règles. C'est quand elle ouvre les yeux, dans mes bras, que je la reconnais.


Mots : 100

"क्या कर रहे हो"

Ma vision devient floue, et j'hallucine le visage d'Ama, l'air contris.
Les pleurs de Nisha.
La résignation de Pavel.
Les beaux yeux de Kyan.

Pourquoi je pense à toi quand je suis en train de mourir?

Je reviens dans Hyranyagarbha.

***

Le sable irrite et colle ma peau froide.
Je déteste cette sensation.
Par contre... La sensation de chaleur autour de moi, rassurante mais pas régulière comme celle du soleil, me fait ouvrir les yeux.78

Je reconnais ces yeux qui me scrutent avec inquiétude et incrédulité. Ses yeux...

"Alors, c'est toi qui m'amène au Nirvana? Quelle surprise!"


100 mots

"Preeti ?"

Mes bras accentuent la pression malgré moi autour du corps de la jeune femme que je sais désormais être magnifique. Adieu mes derniers espoirs de ne pas être attiré physiquement par quelqu'un !

Ses yeux scrutent, cherchent, et me trouvent. Voilà qu'elle murmure quelque chose que j'ai du mal à comprendre, ou que je ne veux pas saisir, au choix.

"Preeti, tu m'entends ? C'est moi Kyan, tu te souviens ?"

Autour de nous, il n'y a personne, aucun témoin, personne pour me seconder ou me remplacer. Me voilà pris au piège. Un piège bien cruel.

100 mots

"Brahma, tu as créé un serviteur vraiment magnifique, je suis honorée... Mais avec la mort que je viens d'avoir, je ne devrais pas acceder au Nirvana, une réincarnation suffira... A moins que..."

Mes yeux s'ouvrent tous à fait, mais je reste immobile: mes membres sont exténués.

"Kyan...comment je pourrais oublier ces yeux si tendres?"

Le soleil tape plus fort, et je me rend compte que le paysage est très familier... Je reprend conscience.

"Je...Je suis vivante? Mais... q'est ce que tu fais là alors?"

Et mes mots reviennent à ma mémoire, alors que mon coeur s'affole.


100 mots

Encore une fois, ses mots sont incompréhensibles, troublants, presque séducteurs. Elle prononce mon prénom et semble même me reconnaître, même étourdie. Ce qu'elle me dit m'est à présent destiné, a-t-elle réellement dit cela à propos de mes yeux ?

"Ce que je fais là ? Hé bien je suis vivant moi aussi et nous faisons partie du même monde. Est-ce que tout va bien ? Prenez un moment pour vous en remettre et on parlera de tout ça. D'accord ?"

Malgré tout, je ne lâche pas cette femme. Mes bras continuent d'entourer son corps.

"Tout va bien..."


Mots : 100

Ma tête tourne, et je ne sais pas si c'est à cause de l'eau de mer, ce que j'ai dit à son sujet à l'instant où d'être dans ses bras.

"Lorsque j'aurais pris des forces, fâchez moi s'il vous plaît, je n'aurais pas dû faire ma méditation apnéïque dans la mer... Mais j'ai tenu plus de 200 secondes selon mon calculateur d'apnée!"

C'était mon meilleur score, mais aussi mon plus risqué. Et pourtant l'apnée me permettais de retrouver mon chez moi, de voyager jusqu'à mon pays qui me manquait tant, et d'oublier, le temps de quelques poignées de secondes...

"Je déteste le sable. Au bord du Gange il n'y en a pas, même si l'eau est plus polluée..."


100 mots

Une méditation apneique ? Voilà qui expliquait tout à présent. Je suis déjà rassuré qu'il ne s'agit ni d'un accident, ni d'une tentative de suicide. Malgré tout, je prend un air sérieux et légèrement condescendant.

"Vous n'auriez pas du la faire seule, surtout..."

Je comprends qu'elle n'aime pas le sable de la mer et je garde pour moi le fait que je l'adore. Malgré sa pressente envie d'être grondée, je ne peux pas m'empêcher de me radoucir pour lui demander gentiment :

"Vous pensez que vous pouvez vous lever ?"



100 mots

Le prêtre commence à me réprimander, mais je vois au fond de ses yeux qu'il est soulagé. Je lui fait la remarque:

"Si vous avez ce regard lorsque vous sermonnez quelqu'un, je peux vous assurer qu'il recommencera!"

En tout cas, ce serait mon cas... si j'étais catholique. Et que l'eau ne brulait pas mes poumons.

"Je peux essayer..."

Je me tiens contre ses avant-bras, et doucement mais surement, je me retrouve debout face à lui,du sable, mais surtout les pans du saree collés à la peau. Les yeux magnifiques et concentrés de mon sauveur aquatique me trouble de nouveau...



100 mots

Sa remarque me fait sourire. Je n'essaye pas de lui faire la morale non plus, juste un conseil.

"J'en prends note."

La femme se lève péniblement mais semble tenir sur ses jambes. Je m'en assure avant de la lâcher totalement. Malgré tout, quelque chose semble la froisser.

"Est ce que tout va bien ? Vous devriez prendre une douche pour vous débarrasser de l'eau de mer et du sable que vous détestez tellement. Vous avez des vêtements de rechange ?"

J'avise les douches publiques du regard non loin. J'en profiterai pour me rincer moi-même.



100 mots

J'acquiesce et nous nous dirigeons donc vers l'eau douce de la plage. Cependant, à sa question des vêtements, je rougis et baisse le regard.

"Non, je ne me change pas dans les lieux publics. La plupart du temps je laisse mon saree sécher sur moi en m'asseyant sur des rochers plus loin..."

Bien sûr, d'habitude, je ne me noyais pas, et j'avais quelques heures pour regarder la mer et rêver un peu avant de rentrer...78

"D'ailleurs... Que puis-je faire pour vous remerciez? Je vous dois la vie après tout... Je vous remercie. D'avoir été là et de l'être encore..."


100 mots

Preeti semble gênée par le fait qu'elle n'ait pas de rechange. Je ne suis pas là pour juger, d'autant que son explication est tout à fait louable : se laisser sécher au soleil est une sensation assez agréable. Sur un ton concerné, je demande :

"Et vous doucher en public, cela vous pose-t-il problème ? Il y a des cabines individuelles, si vous le souhaitez."

Je ramasse ma chemise restée sur le sable ainsi que mes affaires avant de continuer notre marche, pieds nus, comme deux amants. Avec la fatigue et la peur, l'image me fait sourire.



mots : 100

Je le regarde, presque choquée:

"Evidemment, je ne me douche qu'en cabine individuelle. Je ne pourrais pas me laver devant tous le monde, ce ne serait pas correct. "

Kyan se penche et ramasse sa chemise et ce n'est qu'à ce moment là que je remarque la demi nudité du prêtre. mon regard se baisse immédiatement, mon coeur bat plus fort. Je ne m'attendais pas à ça!

Lui ne semble rien remarquer, et nous continuons de marcher, mon regard perdu sur la mer.

" Vous venez souvent ici? Je ne vous y est jamais vu. Je viens souvent, plusieurs fois par semaine..."


100 mots

Nous continuons à marcher tranquillement sur la plage. Je secoue ma chemise mais je ne la remets pas, ma peau est encore pleine de sel.

"Non, rarement. D'habitude, j'emmène les enfants à la piscine mais aujourd'hui était une belle opportunité que je ne voulais pas rater. C'est plus risqué mais plus gratifiant de nager en mer."

Sans réfléchir, j'ajoute sur un ton joyeux :

"Mais peut-être qu'il faudrait que je vienne plus souvent si vous y êtes. Cela me fera plus d'occasions de venir vous sauver et être un héros à vos yeux"


Mots 100

Sa remarque me fait me retourner, ahurie. J'ai bien entendu?
Mais en revoyant le torse nu, les muscles saillants et le regard qui me transperce, Je rougis et me retourne vers l'océan, troublée autant par la vue que par le son.

"Je suis flattée que vous voulez me sauver plus... mais je ne compte pas me re-noyer! Cependant, je serais ravie d'avoir votre compagnie!"

Arrivés aux douches, nous nous séparons, et je prend un moment pour penser en chantonnant des chansons indiennes inconnues du pays.

Pourquoi Kyan voulait-il la sauver? Pourquoi être un héro à ses yeux à elle?


100 mots

Nous arrivons aux douches. Sans demander son reste, Preeti s'enferme et je vais dans une cabine non loin. Je retire mon pantalon pour le rincer comme je peux avant de me délasser sous l'eau pour me débarrasser du sel. Rapidement, je me rhabille pour me débarrasser de la sensation désagréable du pantalon humide le plus vite possible. Je sors en remettant ma chemise pour la rejoindre, et là, je l'entends chanter et cela me fige sur place.

J'écoute avant d'oser demander.

"Preeti, souhaitez vous continuer notre balade sur la plage après votre douche ?"

Je continue à rêvasser sous l'eau lorsque la voix de Kyan traverse la porte.
Je regarde mon saree posé dans un coin, degorgeant d'eau et de sel, et prend un temps de réflexion avant de trancher:

"Et bien, je suppose que j'ai le temps, Nisha est gardée jusqu'à 18 heures et je suis seule ce soir. Je propose un moment sur le sable que vous aimez tant, puis un thé à la maison. Ça vous va de cette façon ?"

Après m'avoir sauvée, c'était la moindre des choses, de l'inviter !


100 mots

Je souris devant toutes les propositions. Je n'en demandais pas tant. J'entends toujours l'eau qui coule et j'aperçois ses bracelets de cheville sous la porte.

"Merci beaucoup pour l'invitation mais je ne veux pas déranger..."

Un peu troublé par ce que cache la porte, je ne sais pas quoi faire en attendant. Resté là à attendre directement ou m'éloigner pour lui laisser d'avantage de discrétion ? Je n'ai pas le temps de me décider que j'entends l'eau s'arrêter et la fermeture de la porte se deverouiller. Cela me fige sur place.



Mots : 100

La phrase est polie, mais le sourire dans la voix dit oui. Je répond:

"Je vous invite, vous ne me dérangez en rien. Vous être le seul véritable ami que j'ai réussi à faire dans cette ville."

Je finis par remettre mon saree, qui colle immédiatement à ma peau, puis coupe l'eau et enlace mes cheveux mouillés en une longue tresse serrée.

En sortant, Kyan est étrangement fixe.

"Vous m'avez attendu longtemps?"

Je remarque que sa chemise est sur lui, et j'en profite pour le regarder, avec un petit pincement au coeur: le soleil sur sa peau lui allait bien...


100 mots

Son ton est d'une incroyable douceur. "Ami" est désormais ce que je suis pour elle et cela me rend très heureux sur l'instant.

Quand elle sort, son regard passe sur moi et me pose une question qui me fait peur. Croit-elle que je l'espionnais sous la douche ? Mais son regard est doux comme ses mots, aussi cette idée s'envole.

"Non non, je venais d'arriver quand je vous ai posé la question. Vous étiez facile à repérer, je vous ai entendu chanter en arrivant."

Le souvenir de son chant serein m'arrache un sourire incontrôlé.


mots : 100

Je souris, mi-amusée mi-enchantée, et demande, curieuse, au prêtre:

"Vous aimez la musique? J'aime chanter quand je suis calme, ou quand je suis seule. Ou les deux! Je crois que vous m'aviez dit la dernière fois que dans votre religion vous chantiez pour votre Dieu. Le faites-vous vous même, ou il y a des gens particuliers qui le font?"

Un sourire magnifique se pose sur son visage, et je me demande bien quel est le phénomène qui le lui a mis. Qu'importe, j'en profite pour sourire à mon tour, avant de demander:

"Et maintenant, ou allons nous?"



100 mots

"J'adore la musique, elle a toujours fait partie de ma vie. Je chante moi-même pour mon Dieu, rarement en public cependant. J'anime plusieurs chorales que j'accompagne au piano."

En disant cela, je ne peux pas m'empêcher d'avoir l'air enthousiaste. Je passe un très bon moment avec Preeti et j'aimerai que ça ne s'arrête jamais si bien que sa question m'apparait presque comme un double-sens. Je reprend mon sérieux, ne voulant pas que Preeti se méprenne sur mes intentions.

"Marchons sur la plage puis rejoignons votre maison. Qu'en pensez-vous ?"


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Son enthousiasme quand il me parle de la musique me donne un frisson, qui disparaît lorsque la sériosité reprend le dessus. Une chanson que ma mère chantait en cuisinant me revient, différente de toutes les autres puisqu'elle n'était pas hindoue, et lorsque nous rejoignons l'océan calme, "La llorona" s'écoule de mes lèvres.

J'en oublie presque ma compagnie lorsque la première et dernière larme se pose dans mes cils, et je me retourne, confuse, vers Kyan, silencieux.

"Je suis désolée...J'imagine que c'est la mélancolie des années qui passent. Un souvenir qui m'est revenu. C'est ridicule...Allons plus loin, voulez-vous?"


100 mots

Quand nous évoluons sur le sable, Preeti se remet à chanter. La tristesse se peint sur son visage mais sa voix est douce et si chargée en émotion que je n'ose pas l'interrompre. A ses côtés, je profite alors simplement de l'instant. Pour ma part, jamais je n'oserai chanter en public.

Le chant s'arrête et cela me fait un pincement au cœur. Ses yeux ont pleurés et me désarment. Elle m'explique et s'excuse mais il n'y a rien à pardonner. J'accède à sa requête et nous éloigne.

"L'Inde vous manque ?"


mots : 100