Sucker Punch

@Hedda Muharib & Anatoli

Le visage collé à la baie vitrée, Anatoli observait le jour lentement s’éteindre sur les environs, sur ce qu’il pouvait apercevoir du quartier historique et d’Arcadia. Les journées étaient courtes, bien que l’hiver touchait doucement à sa fin et, si on lui demandait son avis, plates. Il venait au bureau, passait son temps sur YouTube, allait emmerder Ophélia, allait chercher des cookies pour tout le bureau, se tapait une sieste dans un coin oublié de tous… Personne ne se blessait, ces derniers jours. Parfois, il se demandait s’il ne devait pas demander à Evgenia de l’entraîner au lancer de couteau, la planter, s’excuser et la rafistoler.

Puis il se rappelait que l’Amazone en ferait sûrement une descente de lit, une fois qu’il l’aurait remise sur pied.

Alors, il restait sagement dans un coin. Il pourrait rester chez lui – tout le monde ici ayant son numéro en cas de besoin – mais il avait appris à apprécier leur présence. Parfois, il se disait que les adultes avait eu raison, de passer leur temps à le fustiger pour qu’il se trouve un travail. Puis il se rappelait que ce n’était certainement pas à ce type d’emploi qu’ils avaient pensé mais tant qu’il rapportait de l’argent… Aujourd’hui, il avait décidé de squatter près du bureau d’Hedda, observant parfois la secrétaire vaquer à ses occupations, lui apportant un café tout en sourire ou le cookie énorme du boulanger du coin qu’elle semblait préférer quand il en ramenait.

Et justement, voilà qu’elle se levait, rangeait ses quelques effets personnels dans son petit sac à main et s’apprêtait à enfiler manteau et écharpe bien nécessaires par ce temps. « Oh, tu t’en vas ? C’est une bonne idée. Attends moi, j’arrive. » Et il fila, vif comme l’éclair, rigolant en courant dans les couloirs, gorge déployée, allant chercher ses propres armes contre ce froid insidieux, tueur.

Bonnet enfoncé jusqu’au cou, écharpe remontant jusqu’aux oreilles, il revint, triomphant. Il se dépêcha pour passer devant elle, lui ouvrir la porte avec une courbette. « Après vous, Madame. » Et puis, sprinta pour appeler l’ascenseur. La descente durait peu de temps, mais suffisamment pour qu’Anatoli ne la questionne, sans se demander s’il n’était pas un peu emmerdant. Mais vraiment juste un peu. « Des plans pour ce soir ? Perso, pour une fois, j’ai absolument rien de prévu... »

Dehors, l’air frais les accueillit comme il se devait, de sa douce morsure prévisible, contre laquelle il s’était bien prémuni. Il s’arrêta quelques instants, dos à l’entrée, observant les mouvements de la foule. Il n’avait pas fait attention à l’heure mais clairement, ce n’était pas l’heure de pointe. C’était si calme, presque agréable. « Tu vas par là aussi ? Cool, on va faire un petit bout de chemin ensemble du coup. »

Quelques pas dans le silence le plus complet, chacun dans ses pensées, quand le cri retenti. « Anatoli ! » Le slave fit comme s’il n’avait rien entendu, comme s’il s’agissait du prénom le plus courant d’Arcadia. « Anatoli, attends-moi ! » Cette fois, il fut bien obligé de reconnaître la voix, pour l’avoir entendu prononcer ces quelques syllabes dans d’autres circonstances, plus intimes, plus privées. Pourtant, il ne s’arrêta pas, pressant même le pas.

Mais quand il l’entendit pour la troisième fois, il ne put s’empêcher de maugréer, déversant un flot d’insulte dans la langue maternelle, dans celle du Pays, plus vulgaires les unes que les autres. Un simple coup d’oeil désolé à Hedda, avant de se retourner et d’afficher son sourire le plus mielleux. « Oh bah merde alors, toi, ici. Quelle surprise. Mais j’ai vraiment pas le temps. T’as qu’à m’appeler tiens. A plus ? »

Le slave reprit son chemin, en étudiant toutefois ses possibilités. Peut-être qu’il pourrait faire un détour, ouais, excellente idée. Sauf que le gars connaissait son adresse. Crétin qu’il était. Alors, il continua d’avancer, espérant que l’autre se lasserait. Grand mal lui prit puisqu’il put presque l’entendre courir à sa poursuite. La voix, un brin plus énervée qu’au début, semblait se rapprocher. « Sans déconner Anatoli, faut qu’on parle. Maintenant. Faut que tu me le rendes. »

Anatoli soupira, attendant résigné la main puissante qui s’abattrait certainement sur son épaule.

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@Hedda Muharib & Anatoli

Comme à chaque fois que la jeune femme décollait son regard de l'écran depuis le début de la journée, ce fut pour voir Anatoli la fixer du regard. Précautionneusement, le slave tentait de s'approcher un peu. S'il avait eu le même comportement tout au long de la semaine avec d'autres employés d'Ikaros, aucun jusqu'alors ne l'avait blessé ou tué. Hedda par contre...
Dès les premières heures de la matinée, la valkyrie lui lança un classeur assez épais en plein visage, seule manière subtile qu'elle avait trouvé pour lui faire comprendre que ça devenait un peu trop invasif pour son espace vital à elle, là.
Et ça dura ainsi jusqu'au milieu de l'après midi. Légèrement désemparée devant le café ainsi que le gâteau, Hedda ne sut quoi faire. Les petites attentions elle connaissait, elle en donnait à Eskel (et Eskel le lui rendait bien), mais du coup pourquoi en recevoir d'Anatoli?
Il fallut à la secrétaire faire le vide, prendre le temps de réfléchir : Anatoli les avait vu à la fête foraine, main dans la main, Eskel et elle. Il savait donc normalement qu'il n'y avait rien à tenter et de fait, ses actions étaient simplement amicales.
Quand Hedda parvint à cette conclusion, le café était à peine tiède mais le cookie toujours aussi bon.

Et à présent que sa journée était finie (le logiciel ne faisait que crasher, ça donnait l'autorisation de partir tôt non?), Ana voulait continuer à l'accompagner. D'ordinaire, Eskel raccompagnait la jeune femme. Le fait qu'ils habitent ensemble désormais jouait peut-être sur quelque chose...
Sauf que Eskel n'était pas là aujourd'hui, mais sur le terrain. Et encore une fois, Hedda ne sut si elle pouvait accepter ou non.
Sauf que Anatoli, lui, préférait pas franchement lui laisser le choix. Sans doutes arriverait-elle à le semer dans l’ascenseur.
…
Rectification : sans doutes arriverait-elle à le semer dans la rue?

Et...encore raté. Hedda n'écoutait même plus ce que l'autre pouvait bien lui dire, tout ce qu'elle désirait c'était rentrer et attendre qu'Eskel revienne lui aussi. Il lui manquait...
Lorsqu'une voix retentit, la jeune femme se crispa un peu. Sauf que ce n'était pas à elle qu'on s'adressait, mais à Ana.
Elle n'aimait pas la dégaine de l'homme, de l'inconnu. Fort heureusement celui-ci n'était intéressé que par le coach bien-être, coach qui soudain semblait beaucoup moins à l'aise...
Hedda pensa bien en profiter pour se carapater vite fait mais...
Mais il ne s'agissait plus d'Anatoli qui l'embêtait elle, mais d'un homme qui embêtait Anatoli. Quand une main se posa sur l'épaule de son collègue, la jeune femme se retourna, énervée.

”Il veut pas vous voir pour le moment, vous savez pas respecter ça?!”

L'autre jeta un regard surpris à cette fille qu'il avait à peine calculé, puis se fendit d'un sourire mielleux, un sourire qui fit frissonner Hedda de la même manière qu'un spasme avant un vomissement. Avait-elle bien entendu, est-ce que cet homme qu'elle ne connaissait absolument pas s'excusait et proposait de la raccompagner? Pourquoi?
Perdue, la jeune femme baissa les yeux. Elle ne portait pas de jupe, avait le manteau de boutonné sur son corps, rien ne se voyait vraiment d'elle en vérité. Peut-être qu'elle imaginait les mots, peut-être qu'elle perdait la boule.

Incapable de savoir quoi faire, Hedda chercha le regard d'Anatoli. Allait-il lui dire que c'était de sa faute, qu'elle n'aurait pas du s'en mêler?

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@Hedda Muharib & Anatoli

Les doigts qui s'emparèrent de sa frêle épaule n'augurait rien de bon. Dans d'autres circonstances, Anatoli aurait sans doute apprécier leur fermeté, leur force, la pression qu'ils imposaient à son épiderme, comme sur le point de former quelques marques en guise de souvenirs, en guise de porte-voix pour crier à la face du monde ses activités noctures. Surtout qu'il les connaissait bien, ceux-là.

Sauf que là, ils étaient en pleine rue, sur une de ses artères vivantes et grouillantes du centre-ville. Comme un rocher au milieu d'un ruisseau, la masse pressante se divisait à leur contact, pour se retrouver une fois le point de trouble passé. Il avait bien été obligé de s'arrêter, le slave, pour ne pas sentir son épaule se disloquer. Il contemplait droit devant lui, le petit, avec une certaine monotonie, une certaine langueur dans les yeux. C'était toujours pour sa pomme, ce genre d'histoire.

En même temps, il fallait avouer qu'il avait tendance à les chercher.

Mais Hedda se retourna, vive, furieuse peut-être. C'était sa faute, à Anatoli. Il lui avait vraiment gâché sa soirée. Ça lui réchauffa le cœur, de l'entendre le défendre alors qu'il était clair que c'était très clairement de sa faute à lui. Tout ça pour un petit bijou. Il n'était même plus certain de savoir lequel, avec le temps. Et les petits larcins amoureux qui s'accumulaient. C'était une pie, le slave, dans une autre vie, sûrement.

Le ton doucereux lui hérissa le poil et lui-même se retourna, rage au ventre. « La petite dame, elle a rien à voir avec ça, d'accord ? » Même si elle avait tenté de s'interposer. Elle avait vraiment rien demandé. Il lui lança un regard désolé, d'ailleurs, compatissant, attendri. Elle pouvait fuir, si elle voulait. Il le lui souhaitait, même. Il était à la limite de lui faire des petits gestes de mains pour lui dire de rentrer chez elle.

En plus, il était prêt à lui gagner un peu de temps, pour qu'elle puisse s'effacer dans une foule anonyme, la petite pervenche mignonne. « Tu devrais avoir honte, Max. » lui répondit-il en s'approchant pour marteler la poitrine d'un doigt accusateur. « Proposez à quelqu'un d'autre que moi, devant moi, d'être raccompagné, avec tout ce que ça implique. Honteux. Et mon coeur, alors ? T'y penses à mon coeur ? » Légèrement surjoué, comme un comédien qui n'apprit que sur le tard ses lignes.

Et puis, dans un claquement de pan de manteau, il se retourna et reprit le chemin, en lançant les dernières paroles prophétiques. « T'es vraiment un salaud, Max. Je te déteste. Comment oses-tu me faire ça ? » Au moins, il devait avoir attirer l'attention sur l'autre, sur l'emmerdeur qui devrait leur foutre la paix.

Si tout allait bien. Si la vie était bien foutue.

Mais dans sa bulle, dans sa petite satisfaction personnelle, Anatoli n'avait pas entendu les injures proférées par l'autre, rouge de colère, rouge de honte. Max, il voulait juste son précieux. Et le numéro de tel de la petite meuf, si possible. Alors, décidé, il se rapprochait dangereusement, prêt à en venir au main avec le débile d'ukrainien.

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@Hedda Muharib & Anatoli

Le bourdonnement était comme une galopade de chevaux fous depuis ses oreilles jusqu'à ses tempes. Hedda les imaginait, robes blanches d'aurore et bouches noircies d'écumes. Ils étaient le bruit de sa terreur à elle, de l'extérieur et des autres, par le même temps ils étaient la force qui l'empêchait de gémir comme une enfant ou pire, un animal, comme cela en pleine rue.
La violence de l'inconnu, dans le fait qu'il soit apparu derrière eux, dans les mots qu'il avait utilisé contre Ana, dans sa présence même simplement, tout cela la jeune femme ne le supportait pas.
Et il y avait tellement de choses, tellement de détails car Anatoli n'était pas tout à fait innocent non plus n'est-ce pas?
Innocent de quoi d'ailleurs? Finalement, Hedda ne voyait que la différence de taille entre l'homme et le jeune slave, elle revoyait d'autres silhouettes trop grandes elles aussi et cela ramenait à la surface des souvenirs douloureux dont Hedda ne voulait pas.

Sauf que Ana décida de prendre sa défense à elle à ce moment précis. C'était bien sa défense qu'il prenait ou bien de la...drague? Une volonté de séduire à nouveau Max là qu'il portait son attention sur Hedda? Sensible, la jeune fille ne comprenait pas : elle savait la difficulté des sentiments et se réfugiait dans des mots simples elle-même pour en éprouver encore. ”Je dois faire quoi?” murmura-t-elle, terrorisée à nouveau, à son collègue. Anatoli ne sembla pas l'entendre et Hedda n'eut pas le loisir de se répéter, plus plaintive, plus terrifiée encore.
Devant eux, Max explosa. Des insultes, Hedda se raidit à chacune d'entre elles car on l'avait appelé de ces mêmes mots déjà.
Parfois en anglais, parfois en russe sûrement. Si elle trouvait le temps et le courage de demander à Ana comment se disait telle ou telle insulte dans sa langue, sans doutes Hedda reconnaîtrait-elle les sons.
Qui Max injuriait-il? La panique faisait tourner la tête de la petite secrétaire, déjà les événements s'emmêlaient dans son esprit.
Il faisait nuit, elle était au parc.
Pas dans une rue éclairée, pas à côté d'un collègue de travail, pas en pantalon surtout.
Un long frisson la déchira presque et Max se tourna vers elle pour son numéro (il ne demandait pas, il exigeait), pour lui promettre des choses aussi, des choses dont elle ne voulait pas.
Malade, nauséeuse, Hedda serra les poings.

Avant d'en abattre un sur le sourire beaucoup trop refait et beaucoup trop faux dudit Max. Celui-ci vacilla, sonné, surpris, avant de tomber à terre, les fesses dans le caniveau. Retrouvant ses réflexes de campagnarde, Hedda lui cracha au visage dans un geste tout sauf élégant peut-être, mais qui faisait du bien. Et en plus, elle visait juste...

Puis, inquiète, elle tourna la tête vers Anatoli, s'accrochant au bras du slave comme une petite soeur à celui de son frère. C'était la première fois qu'elle le touchait sans le repousser ou le frapper lui-même dans un geste défensif.

”Je...n'ai pas défoncé ton petit ami par erreur, hein?”

Sauf que jamais Eskel ne lui aurait parlé à elle comme Max s'était adressé à Anatoli quelques instants plus tôt.

”Faut...faire quoi, le taper encore? Appeler une ambulance? ”

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@Hedda Muharib & Anatoli

Un flot d'insultes comme réponse. Bon, soit il devenait mauvais, soit il avait franchi une certaine limite à ne pas franchir... Ou alors, il était devenu mauvais en drague. Mais cette option, il avait bien du mal à la croire. Il lui avait semblé que son charme opérant encore, il y a peu, quand il ne savait plus quel technicien était venu faire il ne savait plus trop quoi chez lui. Ou chez le voisin. C'était dans quel appartement encore ?

Un lot d'insultes qu'il accueillit d'un regard outré. Quoi ? Comment ? Il devrait toujours avoir un savon sur lui. Comme ça, il aurait pu le sortir et le lancer à la tête de ce malotru qui osait proféré de telles horreurs devant une jeune demoiselle et son charmant slave. Non mais franchement, n'enseignait-on plus le respect de nos jours ? Bien évidemment que non. Sinon, il ne serait pas là, à l'écouter. Parce que Max n'aurait pas eu besoin de l'attraper à la sortie de son travail. D'ailleurs, comment savait-il ? Était-ce le hasard ou quelqu'un avait cafté ?

En plus, c'était fort malheureux : il ne lui apprenait rien de nouveau. Tout cela, il le savait déjà. Tout ce vocabulaire, ses parents s'étaient efforcés à lui apprendre, sans le vouloir. Des discussions endiablées derrière des portes à demi closes, laissant filtrer le meilleur de la langue russe, ou ukrainienne selon l'humeur. Il hésitait à répliquer, en agitant des mains comme une grand-mère en colère. Comme celle qu'il avait fait tomber, si véhémente, si fragile.

Mais il n'eut guère le temps d'y réfléchir, qu'un poing fila comme une étoile filante pour attirer sur ses lèvres qu'il avait tant mordillé sur le bref temps qu'il en avait profité. Et qu'il avait détesté. Elles ne méritaient que ça. Elles n'étaient bonnes à rien, sinon à menacer et importuner les petites demoiselles. Vraiment aucune classe. Le postérieur de Max rencontra le caniveau et Anatoli ne put s'empêcher de siffloter un air qu'il avait appris il ne savait où. Quelque chose à base de Voltaire. Quelque chose à base de Rousseau. Une galoche, peut-être ?

Un crachat qu'il avait envie de rejoindre. Un bon gros mollard, de ceux bien ragoutant qui dégouttaient. Mais la pression sur son bras lui fit détourner la tête. Hedda. C'était Hedda qui avait asséné le coup majestueux. C'était Hedda qui le touchait, dans une douceur inhabituelle. « Hein ? Quoi ? Je... Lui ? Non, t'inquiète. C'était pas mon mec. Ça l'a jamais été. » S'il n'était pas aussi surpris de la force de la jeune fille, il serait presque touché qu'elle le pense suffisamment mature pour garder quelqu'un à ses côtés.

Fallait faire quoi ? Bonne question. Anatoli n'avait jamais réfléchi pour deux. Non, d'habitude, il n'avait que sa peau a sauvé et il ne s'en souciait jamais réellement. C'est que ça changeait la vie, d'avoir un vrai travail. Une vie d'adulte. En plus, il devait réussir à réfléchir - chose déjà difficile d'ordinaire - avec la stupeur que l’inattendu avait provoqué. Bordel, elle tapait fort la Hedda. « C'est tentant de le retaper... » marmonna-t-il. Lui-même avait très envie de lui décrocher un bon coup de pied dans les côtes. Sauf que Max risquait de lui attraper la cheville et la situation allait à nouveau dégénérer. Et ça, Anatoli était sûr qu'Eskel, Cian, Evgenia ou même Astrid ne lui pardonnerait pas...

« On y va. On se casse. Ne te retourne pas. Regarde bien devant toi, la tête bien droite, d'accord ? Tout ira bien, j'ai l'habitude.» Il posa une main rassurante sur le bras d'Hedda, celui qui le touchait. Pour une fois, il serait mature. Pour une fois, il allait gérer la chose comme il se devait. Il commença leur départ, d'un pas assuré, sourire factice collé aux lèvres. Tout irait bien. Il ne s'était rien passé d'anormal. « Je te reconduis chez toi ? » Avec détours, s'il le fallait. Anatoli avait tout son temps.

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@Hedda Muharib & @Anatoli P. Potemkine

La pression de la main d'Ana sur son bras empêchait l'esprit de la jeune femme de s'éparpiller. Elle avait envie de frapper encore en vérité, d'entendre le bruit des os. Sa propre rage se mêlait à la violence de la Valkyrie, il ne fallait pas. Instable, Hedda brûlait de faire mal tout autant qu'elle avait eu mal non pas pour se soigner mais pour punir.
A côté d'elle, le slave se laisserait bien tenter par la violence lui aussi. Sauf qu'il préféra se montrer mature, mot  on ne peut plus étrange lorsqu'on l'associait à Anatoli.
De cela, Hedda lui fut reconnaissante.

Ensemble, ils s'éloignèrent de l'homme et du caniveau. Tête droite, épaule crispée, la secrétaire regardait droit devant elle en suivant les instructions de son collègue. Elle manqua trébucher plusieurs fois, ses jambes ayant la fâcheuse envie de bondir et de s'enfuir, mais ne tomba pas.

”C'est par là” indiqua Hedda du bout du menton. Elle n'avait pas dit “oui” à haute voix mais acceptait implicitement la proposition de l'autre.
Anatoli n'était pas un danger pour la jeune femme, y compris lorsqu'ils se chamaillaient à Ikaros et que Cian songeait à parfumer son café de valium pour tenir le coup. Parfois, elle aimerait l'interroger sur certaines choses, sur des mots entendus qui continuaient de la hanter mais elle n'osait pas.

Hedda composa le code de l'immeuble et passa devant pour gravir les quelques étages jusqu'à la porte de chez elle, de chez eux. L'appartement était vide, Eskel avait une mission de surveillance aujourd'hui. Dans l'entrée, les grandes paires de chaussures qui s'alignaient  faisaient voir celles d'Hedda comme encore plus petite.

”Je fais du café?”

Elle indiqua le canapé à Anatoli, elle même prendrait le fauteuil. La secrétaire se défit de son manteau, effleurant du bout des doigts l'un de ceux qu'Eskel avait laissé accroché à la patère. Elle se dirigea vers la cuisine, commençant à préparer un plateau avec efficacité. Ses mains ne tremblaient pas, l'adrénaline du coup porté semblait encore présent.

”Assied toi mais ne va pas salir quelque chose.” Ah apparemment la confiance qu'Hedda portait à Anatoli n'était pas si grande finalement.

”T'as vraiment volé quelque chose à cet homme? Il méritait?”