we’re going back to the future.
@pace adimari ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY
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- situation RP:
Qui aurait cru qu’en touchant ce bateau miniature, représentation du navire qui mena Jason et les Argonautes jusqu’à la toison d’or, vous vous retrouveriez pris au piège du futur ? Sûrement pas vous, et pourtant, vous voilà dans une version de vous-même âgée de quinze années supplémentaires… Votre nuit de sommeil vous a projeté dans l’avenir, et à votre réveil, vous découvrez ce que sera peut-être votre vie dans 15 ans.
octobre 2035
De bon matin, ce sont des odeurs de cuisine qui réveillent l’Enchanteresse. Du chocolat, des oeufs et des tartines, mélange des origines, de leurs repas d’ici et de ces petits déjeuners européens, dont certains membres de la famille ont gardé l’habitude. Une famille
nouvellement recomposée, songe-t-elle, aux traditions déjà ancrées, aux projets qui se multiplient à toute vitesse, la pensée faisant naître un sourire à ses lèvres. Plus de joie et de hâte qui l’animent que de doutes et de peur, ses compagnons habituels… L'herboriste se sent reposée, sereine, malgré l’arrivée imminente du nouveau-né.
Bien loin de se douter que cette paix intérieure ne durera pas au delà du réveil.Un pied glissé hors du lit, les yeux céruléens rencontrent un rayon de lumière. L’esprit encore embrumé par sa nuit de sommeil, Siobhan observe les grains de poussière et leur ballet sempiternel, avant de s’attarder sur les murs de la chambre. Dans la pénombre, elle
sait déjà, avant de se lever, que quelque chose
n’est pas normal .
Premier réflexe matinal, elle se rapproche de la fenêtre, écarte les rideaux pour inonder la pièce de ce soleil d'automne ; pâle et glacé.
Un choc.
Elle ferme les yeux une seconde. Les rouvre en tâchant d’aligner ses derniers souvenirs.
Mais rien ne correspond. Ce n’est pas dans ce lit qu’elle s’est couchée hier.
Plus rien n’est à sa place.
Les murs de la maison lui semblent familiers mais ce n’est pas sa chambre.
Tous les meubles ont changé.
Les affaires disposées soigneusement ont totalement disparu, à quelques exceptions.
Sur la table de nuit, son livre de chevet et le bateau de bois rapporté du marché, se sont évaporés comme tout le reste.
L’angoisse commence à poindre alors, et avec elle, le besoin de trouver des repères :
- l’empreinte de l’italien de son côté du lit, des vêtements censés être à lui… - mais parfaitement pliés, ce qui la fait douter.
- son ventre rebondi, toujours là lui aussi, bien que son poids à porter lui confère l’impression d’avoir mangé des briques la veille…
Il est plus
rond, peut-être ? Plus gros, en vérité, preuve en est du rictus hébété que son reflet dans le miroir renvoie à la divine. Quelques mots affolés lui échappent en gaélique, et, après avoir couvert son corps d’un peignoir en satin - jamais vu de sa vie - la future mère se précipite en dehors de la chambre.
Sa course ralentit à mesure qu’elle s’avance. Dans le vaste couloir, elle reconnaît pour de bon sa maison sur la baie, même si l’espace aménagé et le décor ne sont pas ceux qu’elle connait. La prudence est de mise lorsqu’elle entend des conversations emmêlées en italien ; la langue à peine apprise pour pouvoir prendre part aux discussions de l’Olympien et de son fils, qu’elle semble pourtant parfaitement maîtriser…
Au milieu de ces voix,
enfin un timbre rassurant qu’elle reconnaît : celui de son amant.
«
Pace ? », elle demande, le ton bien trop fluet pour se faire entendre, au beau milieu des échanges animés… et de ces
rires d’enfants.
Interpelée, la Belladone pénètre enfin dans le salon. Pour l’y accueillir, deux canidés enthousiastes - là encore, différents.
Plus de poils et de bave, ne peut-elle s’empêcher de penser, une grimace dégoûtée déformant son visage.
Malgré tout, elle se laisse renifler.
Ce sont deux bras qui l'entourent ensuite, des pas qu’elle n’a pas entendu venir ; une silhouette aussi haute que la sienne, arrivée dans son dos, qui la contourne et fourre son nez dans le creux de son cou. «
Ca va ? », s’enquiert le joli cœur adolescent, complice et tendre avec sa mère, aux petits soins surtout depuis qu’elle est enceinte.
Un moment de flottement.
Les poumons de Siobhan se gonflent d’air, tandis qu’elle dévisage l’enfant.
Ses yeux à elle, les traits de Pace et de son propre frère. Elle ne sait quoi répondre, quoi penser. Si ce n’est qu’elle devient folle, peut-être ? C’est alors qu’une bouille ronde traverse le salon et s’accroche à ses jambes, la gratifiant du plus beau nom du monde :
maman.
Par dessus son gros ventre, elle ne peut même pas distinguer la fillette.
«
Viens Enat, tu t’es même pas débarbouillée ». C’est son frère qui la prend dans ses bras, sérieux et calme, déterminé et responsable. «
Je veux finir mon exposé avant d’entamer les costumes », dit-il, en essuyant les doigts tout sales de la gamine et son sourire de confiture. Puis son minois se tord en un rictus mi-amusé, mi-sidéré, présageant une information
spéciale dans la suite de son discours : «
Au fait, papa fait un gâteau… Vous avez parié un truc ? »
A quelques mètres, elle peut voir en effet le brasier qui s’affaire aux fourneaux. Avec lui, un jeune homme et une chevelure rousse qui lui tournent le dos. Encore deux inconnus.
«
Oh seigneur, mes gants ! ». L'exclamation est immédiate, et couvre tous les bruits de la maison. L'Empoisonneuse retire sa main, abandonnant les petits doigts potelés qui s'étaient glissés dans les siens, par habitude. «
Quoi, tes gants ? T'en as plus besoin... », affirme alors l'adolescent aux cheveux roux, la mine sceptique et les sourcils froncés.
De cet ahuri qui n'a pas quitté son visage depuis qu'elle est sortie du lit, l'irlandaise contemple ses phalanges, diaphanes comme de coutume, et pourtant réhaussées d'un éclat rutilant.
Une alliance qui scintille. Elle regarde son fils, puis le brasier au loin.
«
Je crois que je vais m'évanouir ».
Dieu bénisse
Poltronesofà, l'herboriste se laisse mollement tomber dans un fauteuil en cuir.