6 janvier 2018, Réunion de famille.

Il est 7h du matin quand l’agence immobilière centrale de Delray Hollow ouvre ses portes aux membres de la Calavera. Le message a tourné, les sms ont été envoyés, le besoin de se réunir et de réellement discuter des derniers évènements, écouté. Il s’est passé trop de choses ces derniers jours pour rester en retrait. Une semaine auparavant, Fiona Killough était retrouvée morte dans les cendres de son immeuble, menant le Royaume a une instabilité proche de celle de la Camorra avec l’arrestation du Don. Deux mafias chancelantes, trois autres accolées à cause des alliances, chacune connaissant les effets d’un coup de vent sur un château de cartes. Lorsque l’une tombe, ce sont toutes les autres qui suivent. Et la Calavera ne peut se permettre de s’effriter par la faute des italiens.
Gradés, sicarios, soldados, tous ont été convoqué ce matin-là, dans le quartier général. Discuter, écouter les avis de chacun, trouver des solutions pour gérer la flicaille, connaitre les doutes qui planent et surtout, voir si ceux ayant l’étiquette de traitre sur la tronche, se montreront. Ça serait une preuve qu’ils n’ont rien à cacher et Jan espère, y voir Gabriela et Selda. Ça le confortera dans son idée que le destin s’est juste foutu de leur gueule et que ces rencontres ne sont que des erreurs. Lui est le premier dans les lieux, n’ayant aucune crainte sur ce qu’on pense de sa pseudo trahison.  Il a déjà expliqué à Joaquin sa connexion avec Reed, le commandante est au courant de tout et ne doute pas de son second.
Ils ne sont pas ici pour décider ensemble, la Calavera  n’est ni une démocratie, ni une monarchie. La direction de la mafia mexicaine a déjà été décidée en amont mais ils sont une famille et les membres d’une famille s’écoute avant d’agir.

Le dos contre le comptoir, les mains occupées à dévorer un second sandwich au beurre de cacahuète, le capitano profite de quelques minutes d’accalmie avant que la réunion commence. Il sait qu’un rien peut faire exploser les habitants de Delray, que les soldats de la Calavera sont les esprits le plus bouillants d’Arcadia. Mais il sait aussi que lorsque la conclusion tombera, tous suivront les ordres du commandante et de ses gradés. Reyes, tous tes gars sont là ? Tourné vers le sargento, lui connait mieux les nouveaux sicarios recrutés ces derniers temps. Et l’agence se remplit à mesure que les discussions montent.

les explications:

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Vivas, ça fait un bail qu'on l'a plus aperçu dans le coin. Faut dire que personne n'ignore qu'elle a perdu son mari, petit américain fragile avec lequel on n'aurait pas trop su dire pourquoi elle était mariée, m'enfin, dans tous les cas, il a clamsé. Peu savent pourquoi, beaucoup s'en moquent, elle la première - ou du moins, c'est tout ce qu'elle laisse paraître, côte à côte avec le capitano et meilleur ami d'une éternité entière auquel elle vient de préparer un énième sandwich puisque la faim ne tarit jamais et qu'en mamacita exemplaire, elle est toujours prête à tout pour satisfaire les siens - quitte à cuisiner pour toute une armée plutôt que s'occuper de ses propres gosses, désormais flanqués dans les jupes d'une jeunette qui fera bien mieux le job qu'elle ne le fait. C'est chiant, les enfants. Toujours est-il que l'équilibre de la psyché est précaire et qu'elle a de nombreuses fois hésité à partir, tout quitter, la Calavera et les siens mais on ne quitte pas ses proches. Pas quand ils sont la seule chose que vous avez vraiment. Elle y a abandonné les responsabilités, y préférant ses propres emmerdes personnelles, mais elle reste là, fidèle au poste et au commandante envers lequel sa loyauté ne faillira pas. C'est elle, qui se brise lentement, sous les affres du temps, pas la Calavera. Elle ne le permettrait pas.

Silencieuse, bras croisés contre sa poitrine, elle observe anciens et nouveaux se frayer un chemin dans l'agence, découvrant quelques faciès jamais aperçus jusque-là, et se contente de se renfrogner à mesure que les minutes passent, moins commode chaque fois qu'un membre supplémentaire fait son arrivée, pas sociable pour deux sous. Il est temps de tout mettre à plat, étant donné les derniers événements et de profiter de la situation - et ça, elle sait très bien faire.

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Il doit parler à Gabriela, Selda et Maciej. Il doit surveiller certains visages à l’aura plus sombre, veiller à ce qu’aucun accident ne se produise, que sa place ne soit pas remise en question, écraser les éventuels récalcitrants, écouter, hocher la tête et rendre sa décision plus tard. Il ne l’annoncera pas immédiatement devant autant de monde. Il y a des traîtres dans les rangs, parait-il … Et puis elle n’est pas encore fixée. Les gradés savent pertinemment que l’instabilité de la Nuova sera utilisée à leurs avantages, mais la manière d’agir mérite encore une réflexion plus poussée. Ce n’est pas le genre de décision qu’on prend autour d’une soirée tacos. Les Mexicains ne pâtiront pas des soucis des Italiens. S’ils ont rejoint le navire, ils ne couleront pas avec, quitte à le saboter avant de partir.
Les libertés des Italiens prises sans aucune concertation vis-à-vis du trafic de drogue n’ont pas arrangé les choses.

L’agence immobilière faisant office de Q.G se remplit doucement. Tout le monde n’y rentrera pas, parce qu’il n’y a pas assez de place d’abord, parce qu’il serait stupide de réunir toute la Calavera au même endroit pour faire profiter à leurs ennemis d’un lot groupé avant de faire exploser le bâtiment ensuite –ou de les faire arrêter pour les flics. Et il faut que les affaires tournent, que la sécurité soit assurée.
Il se dirige vers Reyes, Alejandro et Trinidad. Son départ à un moment inopportun a été difficile à gérer et à avaler pour le commandante, mais elle a rendu assez de services à la mafia pour que son départ se fasse son bruit. Aurelio est rapidement salué également.
- Une fois qu’on a commencé, on ne traîne pas. Je ne veux pas que tout le monde reste ici trop longtemps.

Comme à chaque fois, la môme a la tête dans le cul. Gueule enfarinée de devoir se lever trop tôt. Pourtant, elle a repris des horaires à peu près normaux depuis qu’elle bosse pour Jan. Rien à voir avec les réveils à midi lorsqu’elle bossait au Mezcal. Mais c’est un fait, Gaby n’a jamais été du matin. Plus encore lorsqu’elle sait que c’est pour une réunion où se trouvera un peu trop de monde à son goût. Trop de gradés surtout. Pas beaucoup plus habituée. Pas vraiment. Elle s’en tient éloignée, surtout lorsqu’ils sont regroupés. Et elle a vague idée de ce qui l’attend. Parait qu’on la prend pour une traitre. Ou au moins que les suspicions vont bon train. Quelle connerie. A cause d’une foutue vidéo surveillance. De mauvaise qualité en plus. Mais on la reconnait bien, et Ned aussi. Ca fait mauvais genre pour deux mafias qui doivent se détester. Ca lui donne encore de lever les yeux au ciel, de tous leur dire d’aller se faire voir. Y’a pas que la politique. Y’a tout le reste aussi. Comme se retrouver paumer face à ses propres dons. Alors elle se foutait bien que McNamara soit un petit lutin vert plutôt qu’un moustachu à l’amabilité douteuse.

La tête à moitié cachée dans son écharpe, les deux mains dans les poches, ls talons qui claquent, et tommy qui a son bras par-dessus son épaule. Ils étaient mieux dans le pieux. Mais fallait qu’ils viennent. Lui aussi. Pas souvent affiché, mais là, c’est réunion de crise, tommy devait se montrer aussi.
S‘arrête un instant devant la porte et se tourne vers tommy. La gueule toujours aussi fatiguée, mais sourire en coin sur ses lippes. Elle lui vole un baiser, Gaby, s’éternise quelques instants dans le creux de son cou, avant de glisser sa main dans la sienne, pour passer la porte de l’agence. Un soupir de résignation en constatant le monde. Un léger sourire n direction de Reyes, puis de Jan, avant de poser son regard sur Joaquin. Elle sait qu’elle y aura le droit à un moment ou un autre. Et le plus tôt sera le mieux.

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Il est définitivement trop tôt. Beaucoup trop tôt. La veille, le service s'est éternisé, laissant Tommy rejoindre son lit aux alentours de deux heures du mat'. Autant dire que devoir se pointer à l'agence à sept heures, c'est contraignant. Et ça l'agace. Il sait qu'en ce moment la situation n'est pas idéale pour se laisser s'apitoyer sur son sort mais tout de même. Après un café tout va toujours mieux, c'est ce qu'on dit. Ce dernier dans son ventre, il part. Gaby avec lui, Gaby sous son bras, ils se dirigent vers le lieu de rendez vous. S'il n'y va pas réellement pour lui, membre discret voir presque inconnu de la cala, il y va surtout pour elle. Parce qu'il est au courant de ce qui est sorti. Il est au courant des rumeurs, de la vidéo et des on-dit qui en ont suivi. Il lui fait confiance, il est certain qu'il n'y a rien de compromettant ou de jugé tendancieux. Parce qu'elle le lui a affirmé et c'est la seule chose qui compte pour l'irlandais.

Il la protège d'une certaine manière en l'entourant de la sorte. Montrer qu'ils feront face et que toutes ces rumeurs ne sont que des conneries. Il ne compte pas être plus présent qu'à l'accoutumé. Brun discret du fond de la salle qui écoute et prend note de ce qu'il se passe. Apportant la bouffe. Surtout pour un estomac en particulier. Il a d'ailleurs pris soin d'amener un sachet entier de mini viennoiseries. Soit disant pour tout le monde mais il est évident que ce ne sera pas forcément un partage équitable. Avant d'entrer Gaby lui vole un baiser même s'il n'est pas le dernier pour en profiter quelques instants de plus. Il tente de la rassurer le plus possible, sans un mot. Parfois il suffit d'un geste. Comme leurs deux mains liées au moment d'entrer. Peu habitué des lieux, il balaye l'endroit du regard, cherchant des yeux une quelconque âme connue. Y'en a bien un, occupé à manger comme toujours. Jan, posté là. Evidemment qu'il était présent, ça ce n'était pas une surprise. Ni même sa bouche remplie. Un signe de tête dans sa direction et le pan de son manteau qu'il entrouvre pour lui indiquer qu'il a à manger pour lui. Histoire de ne pas rendre l'atmosphère plus pesante, il décide de garder ses habitudes. En attendant, il reste près de Gaby, au cas où ça dégénère. Après tout, être une tête brûlée est visiblement un bon signe de recrutement pour la cala.

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Au lieu de se lever aux aurores, Clemens avait fait le choix de ne finalement pas dormir, histoire d’éviter de ne pas se réveiller en temps et en heure. Une réunion pareille, il fallait bien y assister, même au petit matin. Même si cela signifiait quitter le cocon douillet de son lit partagé avec le chat et l’italienne. Même si le café est bu à la hâte et brûle la gorge sur son passage, il fallait se dépêcher de rejoindre l’agence immobilière où se déroulerait la réunion de crise à laquelle ils avaient tous été conviés. Il traîne du pied un peu, encore mou, regrettant déjà de ne pas avoir fermé l’oeil, mais il n’y peut rien. Toute cette merde, ça  lui prend aux tripes. Parce qu’il se met dans la merde encore, cet idiot. Qu’il l’a regardé dormir et en se disant que forcément, ça allait se casser la gueule. Qu’il ne l’a pas réveiller, qu’il n’a rien dit parce que cette histoire là ne concerne que la Calavera et sa réaction face au brasier enflammant la ville. Feu qui ne les atteindrait pas, il le savait très bien. Personne ne laisserait faire ça, à Delray. Cependant, de quoi est fait l’avenir… Aucune idée. C’est justement ça qui pèse, à ça qu’il espère avoir des réponses ce matin. Il presse un peu le pas histoire de ne pas être le dernier, tête dans les épaules et mains dans les poches, le froid cuisant lui faisant regretter de ne pas avoir enfilé de pull, comme toujours, surtout vu la trotte pour rejoindre l’agence et la réunion.

La réunion qui, c’est le cas de le dire, rassemblait pas mal de gens. Beaucoup trop au goût du thaumaturge qui se glisse à travers la foule lui aussi, cherche un coin où se caler, mais malheureusement, il n’est pas le premier arrivé. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de place pour se cacher contre un mur, place qu’il aurait tendance à occuper d’habitude. Mais Clemens, il a promis de faire des efforts à Alejandro qui le forme, depuis un bon mois. Arrêter de rester dans son coin, participer et réfléchir un peu plus avec sa tête plutôt qu’avec ses poings. C’est aussi pour cela qu’il est venu, le thaumaturge.   Même si la perspective de rester au lit lui manque un peu. Il se cale là où il peut, à côté d’un autre soldado qu’il salue rapidement. y’a des oeillades, des bonjours silencieux. Faut dire que ça jacasse déjà pas mal, alors il n’allait pas en rajouter une couche avant même que ça ne commence.  

6 janvier 2018, Réunion de famille.

'Ne pas approcher avant minimum 10h' lit-on sur les lignes crispées de son visage. La grimace s'accentue lorsque l’odeur du petit-déjeuner de Flores atteint ses narines. Comment peut-il manger ça ? se demande Reyes, même s'il connaît déjà la réponse. Petit coup d’œil à son équipe, les têtes familières ne manquent pas à l’appel, certaines ont même fait le voyage jusqu’à l’agence dans sa voiture. Emiko et Jesse. Reyes n’aurait pas hésité une seule seconde à les jeter du véhicule si le duo avait été un peu trop bavard.  

Il a fait un long détour avant d’arriver, par précaution. Les flics sont passés jeudi à l’Esperanza. Rien qui le concernait à priori, on lui a posé quelques questions à lui et à Nalini à propos du quartier et des occasionnelles gênes. C’est plutôt tranquille, il a répondu. On a jamais eu d’emmerdes avec qui que ce soit. Pourquoi, on devrait se faire du souci? Les agents se sont regardés et la conversation s’est terminée en échanges de courtoisies.

Il acquiesce d’un hochement de tête à la question d’Alejandro, parti pris silencieux de s’exprimer seulement lorsque la réunion commencera. Pas matinal du tout, même après quarante années. Mais malgré l’humeur grincheuse, le cœur est léger, encore plus lorsque Gaby, collée à son compagnon, lui lance un sourire. Il lui rend une salutation discrète, trop raisonnable pour se montrer clément alors que le jefe est à côté. Il a confiance en la gamine, il prendra sa défense à haute voix s’il le faut. Costilla communique sa pensée aux gradés. Reyes comprend la demande implicite, se racle la gorge deux fois pour réveiller ses cordes vocales et tape trois coups contre un tableau vierge : « Ok les gars, on sait que vous adorez l’ouvrir mais si c'est pas pertinent, remettez vos bavardages à dans une demie-heure. On va commencer. »

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Elle n'a jamais fait cela auparavant, membre de mafias certes, mais par le passé jamais elle n'a eu l'honneur d'assister à une réunion. Comme si elle avait eu son mot à dire, la Djinn, elle n'est faite que pour obéir, par pour exposer son point de vue. Elle a d'abord cru que Jan s'était trompé en lui envoyant le message, lui répondant par la suite si cela valait aussi pour elle et si éventuellement elle devait ramener quelque chose à manger. Ce n'est pas très poli de se pointer à une réunion les mains vides, non ? Mais après avoir mesuré l'ampleur et le sérieux de la réunion elle s'est retenue de mettre la main à la pâte et se tenir éloignée des livres de recettes. Il ne faut pas faire honte à Jan. Ni aux autres, son entrée dans la Calavera est encore trop récente pour qu'elle soit autorisée à faire des bourdes. Comment la prendre au sérieux après cela ? Il est tôt, elle prend quand même le réflexe de nourrir le chat avant de partir et ferme à clef derrière elle pour se diriger vers le point de rendez-vous.

« Pardon, pardon, pardon excusez moi... » La silhouette se faufile entre les autres, pour avoir une bonne place et parce que tout au fond elle n'y voyait rien même en se hissant sur la pointe des pieds.  Elle repère des visages connus, et se précipite vers Clemens, visse son derrière à côté de lui, rassurée de voir qu'il est là même si c'est vachement tôt. Elle a entendu aux infos, les morts, les arrestations, la Calavera va devoir faire des choix, elle se demande ce qu'il va se dire, comment tout ceci va s'organiser, mais le génie est prêt à offrir de ses dons, qu'il s'agisse de vœux ou d'invisibilité et quelle que soit la mission. Car elle a été accueillie par la calavera et elle se sent bien à son aise, elle a envie de participer davantage. Elle sourit à Clemens, se retient de lui demander confirmation qu'il ne fallait rien rapporter à boire ou à manger, parce que dans son sac il y a quand même une boite de cookies qu'elle a cuisinés pendant la nuit. Un sourire idiot, elle baisse le visage sur son totebag, coupable. Puis elle croise le regard de Joaquin, à qui elle adresse un signe poli du menton, ainsi qu'un joli sourire à Jan, désormais attentive et volontaire.

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Il se répète tout ce qu’il doit faire encore pour quelques jours, se dit que c’est étrange, qu’il ne pensait jamais arriver dans ce genre de situation. Mais bientôt, ce sera fini. Il retournera au Mexique redevenir un presque anonyme, prospecter à Mexico et dans les villes susceptibles d’accueillir un nouveau cartel pour voir les possibilités d’implantation là-bas. A Arcadia, si les affaires sont encore rentables, les guerres de gang sont mauvaises pour le commerce et les renversements de situation jamais certains d’être à l’avantage de la Calavera. Ils sont trop nombreux pour un territoire trop petit, il faut voir plus grand, plus loin. Alors s’il arrive à trouver où repartir de zéro, ceux qui voudront le suivront, les autres resteront aux États-Unis. Et s’il échoue … Et bien, tout dépendra de l’état de sa fierté après ça.
Reyes demande le silence, les voix se taisent et ça lui va.
- On va discuter dans cinq minutes de la manière d’aborder les relations avec les gringos. Avant, j’ai une rapide annonce à faire.
Il n’aime pas beaucoup enchaîner autant de phrases en public.
- Je pars bientôt pour le Mexique, voir s’il n’est pas possible de s’implanter là-bas. Jan prendra le post de commandante à mon départ et pour une durée indéterminée.
Il ne donne pas de date, n’y a-t-il pas de potentiels traites dans la salle ?
- Si j’arrive à trouver une solution sur place, ceux qui voudront me suivre le feront, ceux qui voudront rester à Arcadia ne seront pas forcés de partir.

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Boucan dans la salle principale, bavardages qui augmentent, Jan n’écoute rien, concentré sur les sandwich que Trinidad lui fait à la chaine. Il est affamé, surement le stress qui lui picore le ventre et qu’il essaye de faire taire. Voir Maria assise sur sa chaise le détend, ainsi que Gabriela, au fond emmitouflée comme un bonhomme de neige. Joaquin veut que tout se passe rapidement alors tout se fera selon son bon-vouloir, et ça Flores y tient. La voix puissante de Reyes fait taire tout le monde, capitano adossé au mur, un nouveau sandwich en main. Il mange, mange, mange, ne s’arrête pas. Foutue panique qui l’ébranle depuis quelques jours, depuis que Joaquin et lui ont parler de l’avenir. Et lorsque le commandante prend la parole, Jan a les yeux qui papillonnent, terminent sur Clemens qui a un air mal réveillé… Et une trace d’oreiller sur la joue. Ça le fait sourire et il manque de s’étouffer quand la voix de Joaquin dit ce qu’il aurait préféré entendre à la fin. Le regard se relève en un instant, les mains immédiatement moites autour du pain toasté. Il hésite entre finir rapidement le dernier bout ou le reposer. Il ne peut décemment pas causer avec la bouche pleine de beurre de cacahuète. Bordel, il aurait préféré à la fin, il… Il aurait préféré que ça ne finisse pas comme ça. Alors il pose le sandwich sur la table.

Le dos abandonne le mur, un pas est fait pour se rapprocher de Joaquin, les yeux bien hauts, le menton fier malgré le coeur qui s’étreint à mesure des secondes qui défilent. …Mais ça ne change rien pour le moment. Joaquin reste le jefe jusqu’à ce qu’il ait mis un pied dans l’avion. Et la remarque lui fait serrer les poings comme au début d’un combat, quand il sent qu’il ne gagnera pas, qu’il perdra plus que ce qu’on le croit. On a tous entendu parlé de la Mort de Killough… Exclamation dans la salle, sourire de fauve sur la tronche. Et de l’arrestation de Bellandi. Et peut-être que vous vous demandez ce qu’on va faire, nous. La voix est claire, les yeux passent de visage en visage, il parle à tous. On est ici pour en discuter, pour entendre ce que vous avez à dire.  On a notre idée pour la suite mais on s’rait pas une famille si on choisissait sans vous. Certains diront que ce sont aux chefs de décider, Jan n’est pas d’accord. Ou du moins, il préfère laisser l’impression que c’est la majorité qui décide pour être certains que les esprits et les poings soient tous tournés vers le même objectif.

La môme se renfrogne un peu plus contre tommy, alors que les bavardages vont bon train. Pas pour elle. Encore trop tôt pour qu’elle daigne ouvrir la bouche ou ne soit plus sociable que le strict minimum. Reyes qui s’avance et demande à tout le monde de se taire. Autorité naturelle qui lui permet de ne pas avoir à se répéter. Et gaby, elle se demande quand sera sa fête. Quand on la foutra à l’interrogatoire en ce qui concerne ses relations hors calavera. Elle sait que ses liens avec le sénéchal font jaser. Elle sait que ça plait et que certains seraient capables de remettre sa loyauté en cause. Ces gens là, ils ne la connaissent pas.
Elle pense que ça va être là, quand Joaquin prend la parole. Mais non. Loin de là. Pas de Gabriela clouée au pilori. Pas de remontrances publiques. Une passation de pouvoir. Ou quelque chose dans le genre. Un départ pour le Mexique. Durée indéterminée. Elle jette un bref coup d’œil à Jan, guette sa réaction. Elle guette le moindre signe, une once de tristesse mal cachée. Le palpitant qui se sert pour sa capitano.
Il fait bonne figure. Ca l’attriste encore plus.
Ça change rien qu’il dit. Elle l’espère, mais pas franchement convaincue. Faudrait pas que les gringos voient le départ de Joaquin comme une aubaine pour les entuber et ou planifier quoique ce soit. La réputation d’Alejandro n’est plus à faire non plus… Le cerveau qui va à cent à l’heure. Elle se pose trop de questions, gaby. Elle se demande comment tout ça va finir. Aurélio qui prend la parole, et ça la fait penser à autre chose. « Et les gringos… » elle secoue la tête, se retient de sourire, en pensant à Tommy, collé à elle. Irlandais pure souche, mais qui a donné sa loyauté à la calavera. « La Camorra, j’veux dire… L’alliance est toujours d’actualité ? Ou ils vont être plus être capable de chausser leurs godasses maintenant que Bellandi est à l’ombre ? » elle prend pas de pincettes, la mexicaine. Lorsqu’elle daigne ouvrir la bouche, c’est pour dire  les choses comme elle les pense. « et… ça rejoint un peu ce que Nava vient de dire. Faudrait pas qu’il voit le départ de Joaquin comme une occasion de… tenter quoique ce soit. »

6 janvier 2018, Réunion de famille.

Oui, ils sont une idée derrière la tête, oui ils sont tous conscients, commandante et capitanos ce que ça signifie, ce changement dans la hiérarchie. Mais ce n’est pas ici qu’ils dévoileront les plans pour la suite. Ni Joaquin, ni Jan, ni Trinidad, ni les gradés encore présents ne peuvent se permettre de mettre à plats les futures décisions pour la Calavera. Ça se fera dans un bureau, à l’abri des regards. Mais Aurelio a raison, tout comme Gabriela, c’est un atout de contrôler cette information, de se dire qu’eux, ont choisi ce changement dans la mafia.

Jan voit bien que Joaquin ne prendra plus la parole pour le moment, que c’est son moment pour montrer qu’il est capable de prendre ce rôle sans s’écrouler, sans se fissurer ou exploser sous une divinité en colère.  « L’alliance tient toujours jusqu’à une prochaine rencontre avec les dirigeants de la Camorra. On vous tiendra au courant pour la suite. » Le menton est haut, l’enfant de la mafia a bel et bien été abandonné sur la route, laissant l’homme prendre les commandes Agissez comme d’habitude, n’en parlez pas autour de vous et restez sur vos gardes. Javez, Ricardo et Pena, restez aux frontières de Delray, je veux un homme de plus à chaque poste sans que les habitants du quartier ne se doute de quelque chose. Les gradés acquiescent, la protection de Delray doit être au mieux pour les futurs mois. Le p’tit déjeuner gratuit est terminé, ce que vous avez appris, vous le gardez pour vous. Retournez bosser, cabrones C’est dit avec un petit sourire, de ceux qui détendent l’atmosphère.

Les soldados abandonnent la pièce, ça discute tranquillement, ça murmure des choses que Jan préfère ne pas écouter pour l’instant. Faisant quelques pas vers Aurelio et Gaby,  il se poste devant eux, les bras détendus mais la mine concentrée. J’veux vous voir ce soir à la salle. On doit discuter. Il ne leur dira pas pourquoi, taira jusqu’à la rencontre en soirée, que c’est eux qui l’accompagneront pour le petit meeting avec les ritals. Le gradé rebrousse chemin, sans oublier d’offrir un clin d’oeil à Gaby pour la détendre un peu et  retourne dévorer les sandwichs cuisinés pendant ce temps-là. La faim lui bouffe les entrailles, c’est douloureux. Autant que tout ce bordel qui se prépare.